Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour commencer, je tiens à remercier notre collègue Jean-Pierre Moga d’avoir déposé cette proposition de loi que j’ai immédiatement cosignée.
Cette dernière vise à créer une vignette « collection » donnant droit à une dérogation de circulation dans les zones à faibles émissions (ZFE). Étant donné qu’une voiture de collection ne correspond à aucune catégorie du certificat qualité de l’air – Crit’Air –, le régime de circulation déjà dérogatoire doit être adapté, d’où l’intérêt de cette proposition de loi qui mérite néanmoins d’être contextualisée.
Sur l’aspect « recentralisateur » de ce texte, je ne peux que souscrire aux propos de Jean-Pierre Moga. Bien qu’étant, comme beaucoup d’entre vous, un défenseur de la différenciation territoriale, il me semblerait incohérent qu’il y ait une liberté de circulation différenciée en fonction des territoires pour des véhicules qui, par définition, vont d’un point à un autre. Cette liberté fondamentale ne doit pas s’apprécier exclusivement au niveau territorial, mais relève bel et bien du législateur. Il y va aussi d’une meilleure cohérence territoriale à laquelle je viens de faire allusion.
Pour ce qui concerne l’argument écologique opposé à cette proposition de loi, il me semble qu’il doit être nuancé. Il est vrai que les moteurs d’antan et les émissions de gaz à effet de serre qui en découlent semblent, au premier abord, aller à l’encontre de l’impératif écologique sur lequel reposent toutes nos politiques publiques actuelles.
En ce sens, la circulation de ce type de véhicules pourrait être considérée comme incompatible avec le développement des ZFE.
Pourtant, l’opposition entre voitures anciennes et écologie ne nous paraît pas indépassable. La question que beaucoup se posent est de savoir si ces automobiles de collection, souvent décatalysées, et forcément plus polluantes, pèsent significativement dans la pollution globale en France.
La réponse est non : leur part très minoritaire dans le parc automobile français, leur utilisation occasionnelle, souvent à des fins de représentation, et leur circulation encadrée expliquent qu’elles ont une empreinte environnementale minime. Sur ce dernier point, l’usage non professionnel de ce type de véhicule doit être précisé : l’amendement déposé par Jean-Pierre Moga y contribue.
En définitive, la Citroën DS, si chère à Charles de Gaulle – je rappelle que, lors de l’attentat du Petit-Clamart, il a eu la vie sauve grâce à sa DS –, serait plus nocive pour l’environnement et nos poumons qu’une automobile moderne, mais si on tient compte de la variable du kilométrage dans l’équation, la nuance est de mise.
Il faut ensuite prendre en considération l’enjeu économique, comme l’a rappelé Gérard Longuet avant moi. Une restriction disproportionnée de la circulation des automobiles de collection aurait un effet néfaste sur les secteurs économiques qui en dépendent. Qu’il s’agisse d’objets roulants ou d’objets d’exposition, de tels engins réclament entretien, réparation et passion. Ils mobilisent un ensemble d’acteurs dont l’activité, qui va de la mécanique à l’organisation d’événements, est directement liée aux voitures de collection.
Enfin, la dérogation accordée aux voitures de collection se justifie par la dimension culturelle et patrimoniale de ces véhicules.
Le décret du 20 février 2017 relatif à la nomenclature des véhicules figurant à l’article R. 311-1 du code de la route et à la modification des règles relatives au contrôle technique des véhicules de collection précise qu’un véhicule de collection est un véhicule présentant un intérêt historique.
Les précédents orateurs l’ont rappelé : l’histoire de l’automobile, c’est un peu celle, non seulement de la chanson française, mais aussi du quotidien des Français. Des premières machines à vapeur aux prototypes à hydrogène, cette histoire témoigne tant du progrès technique que de l’évolution des modes de vie.
Vous serez d’accord avec moi pour dire que la 2 CV, la Méhari, l’Alpine ou encore la Dauphine sont les témoins de leurs époques et de nos vies. L’utilité fonctionnelle d’une voiture se transforme au fil des décennies en valeur symbolique, donc patrimoniale.
C’est pourquoi nos concitoyens vouent un véritable culte à ces reliques roulantes. Par exemple, le salon Retromobile, organisé chaque année à la porte de Versailles, a attiré en 2019 plus de 130 000 visiteurs en quelques jours.
Une telle tendance est également perceptible dans les territoires. Ainsi, mon département des Hautes-Alpes accueille régulièrement des manifestations de cette nature. Je pense notamment au rallye Monte-Carlo historique. Les lacets des cols haut-alpins et les paysages montagnards servent également de cadre à un certain nombre d’événements mettant en valeur l’histoire de l’automobile. À titre d’illustration, la tenue des 24 heures des Hautes-Alpes, course historique d’une durée de vingt-quatre heures, conjugue des aspects culturels, sportifs, touristiques et patrimoniaux.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : même si j’ai parfaitement entendu les critiques exprimées à cette tribune, j’appelle, comme un grand nombre d’élus du groupe Union Centriste, à voter cette proposition de loi. Faisons en sorte d’adapter l’usage des voitures de collection à notre temps tout en préservant la liberté de regarder une partie de notre histoire dans le rétroviseur !