J’ai donc une pensée pour elle aujourd’hui et, non sans un peu d’humour, je me pose cette question : avec son fort caractère, que penserait-elle des mœurs de notre époque, qui nous conduisent à débattre d’une vignette permettant de conduire une voiture de collection qu’elle affectionnerait très certainement ?
Il est vrai que cette question somme toute assez confidentielle peut paraître étonnante au regard des grands enjeux auxquels nous devons faire face actuellement.
Pourtant, deux aspects de cette proposition de loi me semblent devoir retenir l’attention. D’une part, ces voitures représentent un patrimoine historique que nous devons préserver, à l’instar des passions qu’elles animent chez certains de nos concitoyens. D’autre part, la mesure et le bon sens doivent prévaloir dans notre approche du respect de l’environnement, faute de quoi nous risquons de perdre l’adhésion des Français.
Tout d’abord, j’insisterai sur la valeur de ce patrimoine historique. Le sujet qui nous réunit aujourd’hui souffre parfois de clichés et de raccourcis. De quoi parle-t-on exactement ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’automobile ancienne n’est pas réservée à une élite de collectionneurs fortunés, comme le rappelle une étude menée par les organisateurs du salon Retromobile qui fait référence en la matière.
Au total, 250 000 familles, les membres de 5 000 clubs ou associations investissent leur temps libre, leurs économies et mettent en œuvre une solidarité bienveillante pour partager, lors de près de 10 000 événements annuels, les bienfaits de ces liens sociaux qui nous font tellement défaut en cette période de crise sanitaire.
En outre, 90 % des véhicules concernés sont ceux qui nourrissent l’imaginaire de la France d’après-guerre, celle des Trente Glorieuses : 4 CV, 2 CV, traction avant, DS, Ami 6, Renault 4, Peugeot 203, 403 ou 404 en sont les représentantes aux côtés de véhicules de marques étrangères ou de véhicules d’exception.
Par ailleurs, cette filière, constituée principalement d’artisans et de très petites entreprises, compte plus de 20 000 emplois dans plusieurs secteurs d’activité de notre économie. Qu’il s’agisse de carrosserie, de mécanique, de négoce ou encore d’événementiel, cette activité est en croissance et son chiffre d’affaires annuel est évalué à 4 milliards d’euros. Sa préservation doit donc être encouragée, notamment au titre de sa singularité patrimoniale.
C’est la préservation de l’environnement et le respect des normes Crit’Air qui nous conduisent à légiférer, alors même que l’Assemblée nationale est en train de débattre du projet de loi relatif au climat.
Il apparaît à certains d’entre nous que la création d’une vignette envoie un mauvais signal aux Français et ouvre la voie à de nombreuses autres dérogations. Je ne partage pas cette analyse.
Les véhicules historiques représentent en effet moins de 2 % du parc de véhicules et 0, 05 % des kilomètres parcourus. Ainsi, au regard des bénéfices tout à fait négligeables, voire indémontrables, qui en résulteraient pour la qualité de l’air dans les zones concernées, une interdiction ou des restrictions de circulation seraient totalement disproportionnées. En revanche, elles auraient des conséquences ravageuses pour de nombreux secteurs d’activité.
Doit-on contraindre les propriétaires de véhicules de collection à ne plus se déplacer, même occasionnellement ? Les Français sont las de toutes ces interdictions. Ils veulent un peu de liberté ! Ils aspirent à une réelle qualité de vie et appellent de leurs vœux des mesures de préservation de l’environnement relevant du bon sens.
Parce que ces voitures représentent une partie infime du parc roulant et que leur pollution est donc minime, je voterai, à titre personnel, en faveur de cette proposition de loi ; et, dès que je le pourrai, je m’achèterai une jolie voiture de collection !