Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 11 mars 2021 à 14h45
Lutte contre les fraudes sociales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire qui dure se transforme de plus en plus en crise sociale et humanitaire, partout dans le monde. En France, 10 millions de personnes vivent désormais sous le seuil de pauvreté.

L’Insee relate que la situation financière des ménages s’est fortement dégradée, avec une perte de près de 3 % des revenus, ce qui ne s’était pas produit depuis 1949. Par ailleurs, près de 700 000 emplois ont disparu en 2020, majoritairement des emplois à destination des personnes en situation de précarité.

Pourtant, dans ce contexte, alors que la pauvreté s’étend et touche de nouveaux publics, alors que 20 % des ménages les plus pauvres ont dû massivement désépargner le peu d’économies qu’ils avaient pour faire face aux dépenses incompressibles, ce qui présage d’effets sociaux dramatiques partiellement différés par cet amortisseur, et alors que les associations nous enjoignent, pour prévenir ce phénomène, de lutter contre le non-recours aux droits sociaux et d’améliorer l’accès aux droits, notamment des plus jeunes, les mesures urgentes dont nous débattons aujourd’hui concernent la lutte contre la fraude sociale.

Tout comme pour la réforme de l’assurance chômage du Gouvernement, il est difficile d’être plus anachronique, plus décalé par rapport à la situation sociale et plus déséquilibré ! En effet, alors que la fraude sociale concerne quasi uniquement ici la fraude aux prestations, les fraudes au recouvrement des cotisations sociales, part la plus importante, estimées entre 7 et 9 milliards d’euros annuels par l’Acoss, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, en 2019, ne relèvent pas apparemment de la même urgence et n’appellent pas la même réponse.

Cela s’explique par la focalisation constante, en raison des déficits sociaux, sur les seules dépenses sociales, qui sont scrutées avec attention, alors que les manques à gagner en recettes dus à la fraude ou aux optimisations de toute sorte sont quasi ignorés. Or le solde résulte bien des deux. Si, je tiens à le dire, la lutte contre les différentes fraudes est légitime, ce parti pris ne l’est pas.

Le texte concentre notre attention sur la fraude aux prestations, y compris par des articles déjà satisfaits par le droit en vigueur.

De nombreux articles visaient à accroître les moyens de contrôle, mais surtout de surveillance des bénéficiaires des aides sociales, au mépris du respect de leur vie privée, comme si on les soupçonnait d’être, par nature, des resquilleurs potentiels ! Le Monde rendait compte récemment de la pression humiliante de l’administration dans le quotidien des personnes allocataires, qui est un facteur de stigmatisation.

Cette stigmatisation explique une partie du non-recours, qui est la partie immergée des droits. Celui-ci représente entre 30 % et 40 % des ayants droit au RSA et, en 2018, entre 56 % et 68 % des ayants droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). L’ensemble des non-recours aux droits est évalué à 13 milliards d’euros annuels.

Pourquoi ne pas consacrer le croisement des données à l’automatisation des droits, plutôt que de n’en envisager l’usage qu’au service du contrôle ?

Nulle justification ne peut être apportée à la surveillance des données internet, comme le propose l’article 4, ou à donner des pouvoirs judiciaires aux organismes de sécurité sociale, comme le suggère l’article 18.

La priorité de notre temps législatif doit être la lutte contre la paupérisation en cours et le renforcement de notre système d’aides sociales. C’est ce que la crise que nous vivons requiert et nous demande !

En conséquence, le groupe GEST votera contre cette proposition de loi.

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