Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Nathalie Goulet tend à s’attaquer à la fraude sociale via une série de mesures, vingt-quatre avant son examen en commission des affaires sociales. J’y reviendrai dans quelques instants.
Ces dernières années, des rapports et des enquêtes ont permis de mieux comprendre l’ampleur de la fraude sociale dans notre pays et d’y faire face plus efficacement.
Il y a bien sûr le rapport de mission que vous avez rédigé avec la députée Carole Grandjean au mois d’octobre 2019, madame Goulet, à la suite duquel un important travail de fiabilisation du parc de cartes Vitale a été mené.
Au Sénat, la lutte contre la fraude a été au cœur des travaux de la commission des affaires sociales. Au mois de juin 2019, un rapport d’information sur les conséquences de la fraude documentaire sur la fraude sociale de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe notait ainsi que près de 10 % des dossiers des personnes nées à l’étranger avaient été créés indûment.
Au mois de septembre 2020, une communication de la Cour des comptes révélait par ailleurs que le préjudice subi ou évité, au titre des fraudes avérées ou suspectées, s’élevait à 1 milliard d’euros en 2019. Ce sont près de 290 millions d’euros pour l’assurance maladie, soit 1, 8 fois plus qu’en 2010.
Face à ce constat, que peut faire le législateur et qu’a-t-il déjà fait ? Des mesures visant à lutter contre la fraude sociale ont été récemment votées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Je pense notamment à l’annulation automatique du numéro de sécurité sociale obtenu frauduleusement, au conditionnement des remboursements de l’assurance maladie aux professionnels de santé à leur inscription à l’ordre dont ils dépendent ou encore au déconventionnement des professionnels de santé condamnés à plusieurs reprises pour fraude.
Ces mesures, dont certaines n’ont pas encore produit leurs effets, doivent faciliter le travail des 4 300 agents qui œuvrent quotidiennement au sein des réseaux des caisses de sécurité sociale. C’est d’ailleurs dans cette optique que le Gouvernement a récemment créé une mission interministérielle de coordination anti-fraude, la Micaf.
La proposition de loi de Nathalie Goulet s’inscrit dans cet esprit et tend à aller plus loin et plus vite.
Si certaines mesures nous semblent intéressantes – c’est le cas notamment de l’article 15 qui exige une copie en couleur du titre d’identité pour l’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques –, d’autres nous paraissent en revanche prématurées, voire déjà satisfaites. C’est le cas de l’article 10 qui tend à sécuriser les données des certificats de vie via des conventions avec des organismes de retraite d’États étrangers. C’est également le cas de l’article 21, déjà satisfait, qui supprime le conventionnement des professionnels de santé en cas de fraude manifeste.
Mes chers collègues, la lutte contre la fraude sociale est évidemment une priorité, mais elle ne peut se faire que par étapes, afin d’assurer son efficacité et sa lisibilité par ceux qui en ont la charge.
Si nous ne sommes pas opposés à l’esprit de ce texte, il nous semble donc préférable, compte tenu des différents éléments évoqués, d’attendre que les mesures adoptées ou mises en œuvre ces dernières années fassent leurs preuves, afin de ne pas ajouter de la complexité à la complexité.
C’est pourquoi, sur ce texte, le groupe RDPI s’abstiendra.