Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Nathalie Goulet, forte de son expertise due aux travaux qu’elle mène en la matière depuis de longues années, nous propose aujourd’hui de légiférer afin d’appliquer des mesures urgentes de lutte contre la fraude sociale.
Le champ de la fraude est si vaste, si complexe, si évolutif qu’il est délicat de choisir les outils les plus efficaces, les plus pertinents, les plus opérationnels. C’est ainsi que le texte initial, volontairement limité au champ de la fraude sociale, a été recentré par la commission, sur proposition du rapporteur, sur quelques sujets cibles, qui permettront au Parlement d’émettre un signal fort.
En effet, la fraude en général est, par essence, insupportable et inadmissible. Nous ne pouvons la tolérer. Lutter contre les fraudes, c’est défendre notre contrat social.
S’il subsiste des incertitudes sur le volume financier réel de la fraude, une chose est certaine, c’est que les sommes non collectées ou distribuées à tort ne pourront plus être affectées, directement ou indirectement, à la politique sociale. Le système français de sécurité sociale se caractérise par sa diversité et son extrême complexité dans la délivrance des prestations sociales. Il fonctionne par traitements de masses et dématérialisation de l’information. Il doit désormais faire face à des populations qui ne sont plus attachées strictement à un territoire. Tout cela ouvre, hélas, une large porte à des réseaux de fraude, aux systèmes très organisés.
Les fraudes sociales touchent à l’identité, à la composition familiale, aux liens de parenté, au décès, à la nationalité, à la résidence, à l’état de santé, au niveau de revenus, etc. Elles se caractérisent par l’obtention indue de droits à l’assurance maladie, à l’aide médicale de l’État, à des prescriptions, à des cumuls de prestations, etc.
Alors que les systèmes de fraude évoluent avec une agilité déconcertante, la réglementation et la loi doivent, avec la même agilité et la même rapidité, produire les parades adaptées. « La police doit aller aussi vite que les voleurs », nous disait il y a peu Gérald Darmanin. Eh bien, il doit en être ainsi dans ce domaine également.
Aussi, au-delà de ce texte examiné en ce 11 mars 2021, mes chers collègues, je crois sincèrement que nous devons nous préparer à remettre sans cesse sur le métier cet ouvrage et nous retrouver aussi souvent qu’il le faudra pour voter de nouvelles mesures urgentes de lutte contre la fraude sociale. Nous le ferons, parce que frauder, c’est voler.
La communication de la Cour des comptes du mois de septembre 2020 s’intitule La lutte contre les fraudes aux prestations sociales – Des progrès trop lents, un changement d ’ échelle indispensable. Monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il est bien un message qui doit passer aujourd’hui, c’est qu’est bien fini le temps des « fraudo-sceptiques », le temps où le sujet était pudiquement glissé sous le tapis.
Il faut désormais prendre le problème à bras-le-corps, s’en saisir et ne plus jamais détourner le regard. Cela passe certainement par des moyens en matériel et en personnel indispensables. Les derniers projets de loi de finances et projets de loi de financement de la sécurité sociale marquent de premières avancées, mais Nathalie Goulet nous demande comment mieux faire.
Monsieur le ministre, je vous remercie sincèrement de nous avoir aujourd’hui présenté plusieurs perspectives via un plan d’action volontariste. Dans la mesure où tout document peut être falsifié et sachant que la fraude documentaire est la mère de toutes les fraudes, j’insiste sur l’utilité absolue de disposer de documents d’identification en couleur et de qualité correcte.
De même, le principe des prestations fondées sur un système déclaratif – c’est le cas pour les aides personnalisées au logement – est trop fragile. Il faut se donner la possibilité de l’échange de données à des fins de contrôle, comme le prévoit l’article 8.
J’en viens aux retraites versées à étranger. Pour mettre fin à des dérives connues et scandaleuses, il faut sécuriser les données de certificats de vie en utilisant des données biométriques et en conventionnant avec les organismes de retraite d’États étrangers.
Les chantiers des fraudes transfrontalières s’ouvrent également et on ne peut que s’en féliciter et vous en remercier, monsieur le ministre.
Je conclurai mon intervention par une remarque marginale. Comment accepter que le citoyen lambda doive à chaque instant produire des montagnes de documents administratifs dont l’utilité peut parfois sembler contestable – je prendrai l’exemple de médecins retraités qui, pour être indemnisés de leurs prestations dans les centres de vaccination covid, doivent produire un dossier très complet, avec extrait Kbis, casier judiciaire et déclaration de situation matrimoniale –, alors que, parallèlement et grâce à tout cela, des malfrats sans scrupules se glissent dans cette déferlante documentaire et font fortune au détriment des honnêtes contributeurs ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous aurez compris que le groupe Union Centriste votera ce texte ainsi « recentré ».