La fraude sociale suscite beaucoup de fantasmes, au point d’ailleurs d’apparaître, dans la tête de certains, comme l’une des causes du trou de la sécurité sociale… Le sujet est sensible, et il n’est pas exempt d’instrumentalisations politiques.
Pour lutter contre ces fantasmes, il convient de sortir du flou et de l’ambiguïté, qui sont parfois volontairement entretenus. Le discours récurrent sur la fraude sociale tend en effet à faire croire que notre système serait en lui-même « fraudogène » et à alimenter la suspicion vis-à-vis de ceux qui en bénéficient légitimement. Or nous bénéficions tous à un moment de notre vie, à un degré ou à un autre, de prestations sociales.
Si la lutte contre la fraude intentionnelle est légitime, elle se doit d’être juste. D’abord, elle doit nécessairement s’accompagner du même volontarisme en matière d’accès aux droits et de lutte contre le non-recours aux prestations sociales. Surtout, elle doit viser tous les types de fraudes, en premier lieu la fraude fiscale, qui est bien supérieure en termes de montants à la fraude sociale.
Cessons de faire croire que la fraude aux prestations est plus importante que la fraude aux cotisations. C’est l’inverse qui est vrai : les entreprises et les professionnels fraudent plus que les particuliers. En conséquence, n’allons pas au plus facile en visant prioritairement les particuliers.
Sortons de l’amalgame que le vocable « fraude sociale » suggère entre les situations individuelles qui relèvent de la non-intentionnalité et qui sont essentiellement dues à la complexité administrative du système de protection sociale et les fraudes intentionnelles, organisées, au premier rang desquelles celles des réseaux « professionnels », qui relèvent, elles, de la délinquance.