Intervention de Jean-François Eliaou

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 9 décembre 2020 à 11h05
Audition publique ouverte à la presse du pr. élisabeth bouvet membre du collège de la haute autorité de santé has et présidente de la commission technique des vaccinations et de Mme Michèle Morin-surroca cheffe du service « évaluation économique et santé publique » de la has

Jean-François Eliaou, député, rapporteur :

Madame Bouvet, vous avez dit qu'il y aura une phase de stockage et que les doses arriveront en masse, en palettes. Une préparation sera donc faite par les pharmaciens à partir de la zone de stockage, puis une distribution. Est-ce cela ?

Pr. Élisabeth Bouvet. - La préparation se fera sur place, parce que ce sont des fioles pouvant donner cinq doses. Elle sera réalisée sur le lieu même de l'injection. Dans les EHPAD, les professionnels de santé ont l'habitude de réaliser des dilutions. C'est assez facile, c'est avec du sérum physiologique et cela donne cinq doses de vaccin.

La Haute Autorité de santé a donné les grandes lignes de la stratégie, mais en ce domaine sa mission s'arrête là. Les autorités sont assez au clair sur la phase 1 qui se déroulera essentiellement dans des établissements, et pour laquelle il est assez logique d'utiliser le vaccin Pfizer. Pour les phases ultérieures, qui sont en train d'être organisées et qui se passeront à domicile ou dans des centres de vaccination, d'autres vaccins seront probablement disponibles et la logistique sera beaucoup plus aisée car les conditions de conservation ne seront pas les mêmes.

Je reviens aux personnels susceptibles d'effectuer la vaccination. Dans la première phase, les injections seront essentiellement le fait des médecins, ainsi que des infirmiers et des infirmières car la vaccination fait partie de leurs compétences, mais sous la responsabilité d'un médecin. Pour les phases suivantes, il faudra vacciner des personnes en population générale ; le document que la HAS a mis en ligne et soumis à audition publique et qui va être republié très bientôt fait état du souhait que d'autres professionnels puissent vacciner : les pharmaciens, les sages-femmes dans certaines conditions - quand nous pourrons utiliser des vaccins sur les femmes ayant accouché ou allant accoucher, ce qui n'est pas possible avec les vaccins actuels. Il s'agit d'élargir autant que possible les professionnels qui peuvent vacciner et d'utiliser les canaux habituels que la population française connait pour ses soins, c'est-à-dire ses référents locaux. Il est très important que la campagne de vaccination se déroule avec les intervenants locaux en santé, en lesquels les populations ont confiance : leur médecin traitant, leur pharmacien, etc.

Faudra-t-il revacciner ? Pour l'instant, nous ne le savons pas. Nous ne connaissons l'efficacité des vaccins que sur des durées assez courtes : le recul ne dépasse pas deux mois. Néanmoins, l'on peut probablement considérer que l'immunité sera similaire à celle procurée par les vaccins étudiés pour répondre à d'autres infections à coronavirus - ils n'ont pas été développés davantage, mais ont été étudiés. On peut espérer que l'immunité dépasse six mois, mais il n'est pas certain que ce puisse être davantage.

L'immunité vaccinale vient des anticorps neutralisants, mais il y a probablement aussi une immunité cellulaire, que nous n'avons pas la capacité de mesurer actuellement. Elle pourrait apporter une contribution beaucoup plus importante à la protection que les seuls anticorps neutralisants. Seul le temps et un recul supplémentaire permettront de savoir quelle protection effective auront les patients.

La HAS va-t-elle organiser un suivi ?

Pr. Élisabeth Bouvet. - Non, la HAS l'a demandé mais ce n'est pas de son ressort. Cependant, des cohortes de vaccination sont en train d'être construites et la HAS est impliquée dans les groupes de travail constitués autour de ces cohortes.

L'acceptabilité sociale de la vaccination revêt plusieurs dimensions. Le personnel soignant est un gage important, s'il est bien associé à la campagne. Or l'acceptabilité des professionnels de santé n'est pas forcément excellente, la méfiance étant forte vis-à-vis de la vaccination. Vous savez que la France est l'un des pays où la méfiance vaccinale est la plus importante. Je pense que l'on peut quand même agir et qu'il ne faut pas être défaitiste. La confiance devra être gagnée par la transparence et l'information, quand la campagne débutera. Je compte beaucoup sur les médecins et les professionnels de proximité pour créer la confiance. Il faut que les médecins soient eux-mêmes destinataires d'une information et d'une formation extrêmement importantes. Il faut que très vite, nous complétions ce que nous avons engagé en apportant les informations aux médecins qui seront les futurs vaccinateurs et, surtout, les futurs promoteurs de la vaccination. Ils doivent absolument être partie prenante de ce processus de vaccination.

Il nous revient que l'acceptation de la vaccination par les médecins est assez élevée pour eux-mêmes et pour les patients - davantage pour leurs patients que pour eux-mêmes, mais elle est assez élevée. Plus de 70 % des médecins sont prêts à se faire vacciner dès maintenant et plus de 85 % sont prêts à vacciner leurs patients. Nous pouvons compter sur les médecins, mais il faut vraiment les engager dans ce processus et leur apporter tout ce dont ils ont besoin en termes d'informations et d'outils de confiance en les vaccins. Je crois beaucoup à cela.

Vous avez proposé la création de comités citoyens au niveau local. Cela peut être une bonne idée, mais je ne connais pas bien cet aspect des choses, bien que j'y sois favorable. Vous pourrez en discuter avec Christian Saout, membre du collège de la Haute Autorité de santé. Il s'occupe du conseil pour l'engagement des usagers et a une réflexion très aboutie sur ce sujet. Je crois d'ailleurs que vous allez l'auditionner prochainement.

Pour ce qui est des contrats avec les industriels, nous n'avons pas d'information particulière, si ce n'est sur le nombre de doses précommandées au niveau européen, puis au niveau français. Ce ne sont que des informations assez générales sur le nombre de doses et le type de vaccin selon les fabricants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion