Intervention de Gérard Leseul

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 9 décembre 2020 à 16h05
Audition publique ouverte à la presse d'organisations régionales de professionnels de santé : dr antoine leveneur président de l'urml normandie Mme Isabelle Varlet présidente de l'urps infirmiers libéraux nouvelle aquitaine et M. François Martial président de l'urps pharmaciens nouvelle aquitaine

Gérard Leseul, député, rapporteur :

Revenons sur le consentement. Si je comprends bien ce que vous avez indiqué tout à l'heure à propos des EHPAD, vous êtes dans l'idée, dans le cadre d'un binôme médecin-infirmier, de recueillir le consentement du patient et de faire la vaccination le même jour, lors de la même intervention. Lors de notre audition de la Haute Autorité de santé, j'ai compris que le consentement serait oral et non écrit. En tout cas, ce n'est pas une recommandation de la HAS. Ne pensez-vous pas qu'un seul rendez-vous soit un peu court pour recueillir le consentement et faire la vaccination ?

Dr Antoine Leveneur. - Je suis d'accord, cela peut être un peu court, notamment pour connaître le nombre de doses que l'EHPAD commandera à l'officine de territoire qui elle-même fera une commande à Santé publique France. Mais que le consentement soit écrit ou oral, il faudra bien que l'entretien pré-vaccinal ait lieu. Pour une même vaccination, on pourrait donc mobiliser deux fois deux médecins, deux infirmières, etc. Cela nous préoccupe. Dans les établissements où il y a des médecins coordonnateurs, nous pouvons imaginer qu'un médecin coordonnateur fasse cette étape de pré-vaccination. Mais dans les EPHAD où il n'y a pas de médecin coordonnateur, ce seront forcément des médecins libéraux qui recueilleront le consentement du patient, élimineront les contre-indications et diront : « Oui, ce patient, sa famille ou son tuteur sont d'accord. Il faut commander un vaccin pour ce patient. » Ensuite, la vaccination se fera.

J'attire votre attention sur le fait que sur les réseaux sociaux, nous voyons poindre l'idée que nos aînés servent de cobayes à la vaccination. Je crains fort que si nous organisons dans le même mouvement l'entretien pré-vaccinal et la vaccination, certaines familles, ou des personnes mal intentionnées ou mal informées, s'inquiètent d'une précipitation à vacciner nos aînés.

Dr Antoine Leveneur. - J'entends ce que vous dites.

Nous sommes là, les uns et les autres, pour essayer de tout mettre sur la table, de comprendre, de concilier les questions scientifiques, logistiques, éthiques, de disponibilité du personnel médical, de faisabilité de la vaccination, afin de sortir du tunnel de la crise sanitaire. Je me permets simplement d'attirer votre attention sur l'acceptabilité sociale de la vaccination, si nous voulons que cela puisse réussir. Il faut cette confiance envers les médecins de proximité, le personnel de santé de proximité, le pharmacien, les infirmiers. En même temps, il faut aller vite, sans qu'il y ait violence.

Je vous entends complètement, quand vous dites qu'a priori, le 4 janvier est trop tôt. Cela ne laisse pas le temps d'assimiler l'information et d'assurer une pédagogie interne au sein du corps médical. D'un point de vue logistique, cela ne laisse pas le temps de bien organiser les choses. Par rapport aux patients, aux résidents d'un EHPAD ou d'une maison spécialisée pour personnes handicapées, ce temps de consentement est nécessaire.

Dr Antoine Leveneur. - Je partage ce que vous dites. Je redis cependant que, pour les médecins qui seront les vecteurs du recueil du consentement, puis de la vaccination, cela entraîne une double mobilisation. Or ils doivent prendre en charge toutes les autres pathologies. Lors de la première vague épidémique, le gouvernement répétait à longueur de journée : « N'allez pas voir votre médecin »... Nous avons bien vu et n'avons pas fini de voir les conséquences de ce message en termes de santé publique. Là, nous allons démultiplier l'absence des médecins de leur cabinet, auprès de leurs patients.

Nous avons les mêmes objectifs et finalement, rien n'est simple. À chaque phase, rien ne sera simple. Les doubles flux d'approvisionnement des EHPAD seront très compliqués. Quand les aînés seront capables de décider pour eux-mêmes, ce sera parfait, surtout s'il y a un médecin coordonnateur. Ce sera plus compliqué dans les EHPAD où il n'y a pas de médecin coordonnateur et quand il faudra l'avis de la famille. J'ai évoqué le cas qui ne sera pas rare de familles dans lesquelles l'avis ne sera pas unanime, ou l'obligation de recueillir l'avis du tuteur ou du curateur. Tout cela ne sera pas simple ni complètement fluide partout.

La date du 4 janvier me paraît une cible ambitieuse, si nous considérons tout ce qu'il faut mettre en place. Peut-être faudrait-il démarrer par des territoires pilotes dans les régions, dans chaque département. Si nous le faisons tout d'un coup, nous n'aurons pas la capacité de rétablir les choses. Si nous lançons un gros camion, nous aurons du mal à l'arrêter. Aujourd'hui, nous faisons des scénarii, mais la vraie vie sera différente. Le fait de démarrer par quelques territoires dans chaque département pendant quinze jours ou trois semaines est peut-être une bonne façon de faire, plus fluide, avec la possibilité de comprendre comment se passent les choses.

Notre collègue rapporteure Florence Lassarade, sénatrice, demande par écrit : « Serait-il possible d'anticiper le recueil du consentement ? » Peut-être sera-t-il possible d'y voir plus clair à partir du 15 décembre, même si toute la littérature scientifique sur la vaccination n'est pas encore disponible. Peut-être, pour anticiper une autorisation de mise sur le marché par les autorités européennes et françaises, un pré-consentement pourrait commencer à être recueilli dès le 15 décembre.

Chacun a souligné l'importance d'avoir une bonne organisation au niveau départemental, voire infra-départemental. Ne croyez-vous pas qu'il faudrait créer une instance départementale au sein de laquelle siégeraient les professions de santé, les représentants de l'État, ainsi que des citoyens et un ou deux responsables d'EHPAD ? Cela permettrait de construire une décision collective, en tout cas une acceptabilité collective.

Dr Antoine Leveneur. - Je suis d'accord. Les instances de ce genre ne sont pas encore mises en place, mais nous sentons qu'elles vont l'être et il est temps. Dans ces instances, qui sont des cellules régionales et départementales de vaccination Covid, la place des usagers est prévue. Cela a été évoqué avec la CRSA, dans laquelle il y a des usagers. Dans la cellule régionale de vaccination Covid qui sera mise en place en Normandie vendredi prochain, les usagers seront présents. Il me paraît en effet important d'avoir des relais par le biais des usagers. Nous pourrions même espérer que les collectivités territoriales soient présentes, parce qu'elles ont également un message à faire passer à leur population. Il faut ouvrir les instances de concertation à toutes ces personnes et l'adhésion se fera par la communication et l'échange d'informations. Il faut un éventail de relais suffisamment important.

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