Intervention de Marie-Paule Kieny

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 11 décembre 2020 à 9h05
Audition de Mme Marie-Paule Kieny présidente du comité scientifique sur les vaccins covid-19 de M. Stéphane Paul professeur d'immunologie au chu de saint-etienne de M. Bernard Fritzell consultant indépendant dans le développement clinique des vaccins et M. Bernard Fanget consultant en vaccinologie membres du comité

Marie-Paule Kieny, présidente du comité scientifique sur les vaccins Covid-19 :

Avec ces questions, nous entrons dans le dur, qui est moins scientifique. Nous n'allons pas éradiquer le virus. Cela m'étonnerait, en tout cas. Le virus va rester avec nous. Mais avec le vaccin, on peut quand même penser qu'à l'échelle de quelques mois, peut-être une année, nous allons pouvoir vivre autrement ; pas retourner dans l'insouciance antérieure, mais vivre une vie plus normale, pouvoir se voir, voir les grands-parents, les petits-enfants, etc. La vaccination est un grand espoir. Cependant, à ce stade, il y a encore beaucoup d'interrogations. Nous sommes un comité scientifique : nous ne sommes pas là pour vendre du rêve mais pour vous dire ce que nous savons et ce que nous ne savons pas. Je n'ai pas de boule de cristal.

Malgré tout, même s'il n'est pas question d'éradication, ces vaccins pourraient avoir un impact très important dans la façon dont nous gérons la crise. Par exemple, si nous pouvions déjà protéger les personnes vulnérables, nous pourrions accepter que le virus circule un peu plus, parce que les personnes qui ont le plus de risques de mourir ou d'avoir une maladie sévère seront protégées. Et si les plus jeunes sont malgré tout infectés, ils feront, pour la plupart, une maladie peu sévère et se retrouveront protégés après ça.

La population pourrait-elle acquérir une immunité totale qui ferait que personne ne tombe malade ? On a parlé d'un taux de 60 % qui serait suffisant pour éviter que le virus circule. Ce sont des chiffres, des hypothèses, de la modélisation. Un article d'un spécialiste très crédible, le professeur Anderson au Royaume-Uni, suggère que pour arriver à arrêter la circulation du virus, il faudrait vacciner la quasi totalité de la population avec un vaccin efficace à quasiment 100 % et qui conférerait une très longue immunité. On ne peut pas assurer que ce ne sera pas le cas, mais pour le moment, nous ne savons pas du tout si ce sera possible.

La plupart des vaccins ne sont pas stérilisants : ils protègent de la maladie et pas de l'infection. Certains vaccins contre la Covid, dans certains modèles animaux, chez le primate non humain, n'éliminent pas complètement la présence de virus dans les zones respiratoires supérieures, mais semblent capables d'en diminuer durablement la quantité. Ils pourraient avoir un impact sur la transmission, sans nécessairement être capables de la bloquer complètement. Si l'on parvient à ramener au-dessous de un le fameux coefficient R0, la transmission diminuera et la pandémie reviendra sous contrôle - sans aller jusqu'à l'éradication, peut-être. À l'heure actuelle, personne ne sait si le virus qui circule sera finalement comme les autres coronavirus hivernaux. Peut-être aura-t-on, à l'avenir, des épidémies hivernales contrôlées par la vaccination et peut-être faudra-t-il, comme pour la grippe, revacciner de façon périodique. Je ne peux pas être affirmative, car nos connaissances actuelles sont insuffisantes. Je ne peux pas vendre des connaissances que je ne possède pas.

Pour ce qui est des animaux, nous n'en sommes pas à envisager une vaccination. La réduction de l'exploitation de visons pour la fourrure est sans doute une bonne nouvelle pour les visons, même si un grand nombre a été tué. C'était un geste de précaution du Danemark et, dans une certaine mesure, de la France, pour s'assurer que les visons ne diffusent pas un virus non contrôlé par les vaccins en cours de développement. C'est donc un principe de précaution. Pour le moment, on cherche surtout à vacciner l'homme.

Il faut effectivement se poser la question de la pertinence de certains comités. Le comité qui était présidé par François Barré-Sinoussi - auquel j'appartenais - n'est d'ailleurs plus en fonction depuis le mois de juillet. Certains membres du comité vaccins vont rejoindre Alain Fischer dans le Conseil qu'il va former. La communication et le conseil sur la stratégie vaccinale ne font pas partie des missions du comité que je préside. Nous nous sommes récemment interrogés sur la poursuite en 2021 des auditions et du travail du comité que vous recevez aujourd'hui. J'étais prête à dire qu'il fallait arrêter, parce que la multiplication des comités peut rendre le dialogue plus complexe. Après discussions au sein du comité et avec la task force vaccins, je suis convaincue que nous avons encore notre pierre à apporter à l'édifice car nous pouvons continuer à fournir des informations précieuses à ceux qui sont responsables des achats et des stratégies vaccinales. Quand son action ne sera plus pertinente, vous pouvez me faire confiance, ce comité sera fermé.

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