Dans le cadre de la mission que leur a confiée le législateur de soutenir l'inclusion financière, la Banque de France et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) suivent l'évolution des services bancaires avec pour objectifs de veiller à l'équité de leur accès et de prévenir les difficultés financières pour leurs souscripteurs les plus fragiles.
J'organiserai mes observations sur l'évolution des services bancaires les plus courants - comptes, moyens de paiement, crédit - au regard de ces deux objectifs, en soulignant les points forts et d'amélioration de la situation actuelle et les opportunités et les risques crées par l'accélération en cours de la numérisation des services financiers.
En termes d'équité d'accès, une récente enquête du Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) pour le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) montre que la quasi-totalité de la population française dispose aujourd'hui d'un compte de paiement et que cette situation s'est améliorée depuis vingt ans. C'est le résultat combiné d'une offre large des établissements bancaires français, qui s'est encore enrichie avec l'apparition de nouveaux acteurs et de l'attention constante des pouvoirs publics à ce sujet.
Dès 1984, la loi a institué le droit au compte, dont la mise en oeuvre a été confiée à la Banque de France et qui concerne tant les particuliers - qui représentent 80 % des bénéficiaires - que les professionnels ou personnes morales. L'an passé, un peu plus de 36 000 désignations de banques ont été réalisées par la Banque de France au titre du droit au compte. Avec son corollaire, les services bancaires de base, c'est un outil d'inclusion financière qui demeure indispensable.
La dynamique positive en termes d'équité d'accès bénéficie également de l'action de la Banque de France en matière de moyens de paiement ; nous veillons à ce que tous nos concitoyens aient une liberté de choix et bénéficient pleinement et en toute sécurité des innovations technologiques dans ce domaine. C'est tout l'objet également de la stratégie portée par le Comité national des paiements scripturaux, qui réunit l'ensemble des parties prenantes, dont d'ailleurs les entités présentes à cette table ronde, et qui vise à stimuler et à faciliter la modernisation des paiements au bénéfice de tous.
S'agissant des financements, il n'existe pas de droit au crédit, mais un accès large qui favorise l'activité économique et l'insertion sociale. La Banque de France promeut le microcrédit pour les ménages, qui trouve une traduction tant pour des projets d'insertion sociale que pour des projets professionnels. Mais l'attention de la Banque de France est également forte vis-à-vis des entreprises et notamment des très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) : ces dernières années, les entreprises ont toujours eu un large accès au financement bancaire, et à des conditions de taux très favorables, y compris au regard des autres pays européens.
Pour les entreprises qui ne parviennent pas à obtenir la mise en place ou le renouvellement d'un crédit, la Banque de France assure la mission de médiation du crédit qui a connu une forte poussée des saisines en 2020 avec un taux de succès d'environ 50 %. Notre action a complété une couverture déjà très large de distribution des prêts garantis par l'État (PGE) en soutien aux entreprises pendant cette crise : plus de 130 milliards d'euros ont été accordés à 650 000 entreprises - à 94 % des TPE ou PME.
Le travail de prévention des difficultés financières réalisé depuis 2013 par l'Observatoire de l'inclusion bancaire (OIB) a permis de sérieuses avancées, via la promotion et la mise en oeuvre attentive d'un dispositif institué par la loi : l'identification des clients en situation de fragilité financière, le plafonnement des frais d'incident, qui a progressé à compter de 2019 avec les engagements des professionnels au profit des clients fragiles et de ceux titulaires de l'offre spécifique, et une offre spécifique de services bancaires. Cette volonté commune des pouvoirs publics et des acteurs privés a fait avancer ce sujet important : plus de 3,4 millions de clients étaient identifiés comme fragiles fin 2019, bénéficiant ainsi des mesures de plafonnement des frais d'incidents pour ceux d'entre eux payant de tels frais, et 512 000 d'entre eux avaient souscrit l'offre spécifique, soit une hausse de 46 % en deux ans, et qui devrait se poursuivre.
Quel impact anticiper de l'accélération de la digitalisation en cours des services financiers ? Cette accélération impulsée par la demande et par l'offre a été encore intensifiée par la crise sanitaire. Elle peut contribuer à améliorer encore l'accès aux services financiers, par exemple via des appareils mobiles, et grâce à la collecte et au traitement sécurisés de données de plus en plus nombreuses et de meilleure qualité, à concevoir des produits mieux adaptés et mieux tarifés au bénéfice des clients fragiles.
Mais l'accélération de la digitalisation est également porteuse de risques. Le premier a trait à la fracture numérique. Même si l'usage du digital s'est sensiblement accru au sein de la population française, il y a une fraction de la population pour laquelle la possibilité d'accéder aux services financiers de proximité, en présentiel, demeure non seulement importante mais parfois nécessaire. C'est pourquoi en matière de traitement du surendettement, de droit au compte, d'information générale du public sur les opérations et les pratiques bancaires, d'accompagnement des TPE et PME, de médiation du crédit, la Banque de France conserve pour sa part une pluralité de canaux : internet, courrier, téléphone mais aussi présence dans chaque département.
Si on élargit le champ aux services bancaires, maintenir un bon équilibre entre numérique et proximité apparaît utile et légitime, même si naturellement les décisions relatives à l'organisation des réseaux bancaires relèvent de la responsabilité des établissements eux-mêmes. Garantir l'accessibilité de tous aux moyens de paiement fait également partie intégrante de la stratégie nationale des paiements, dans un contexte où la sophistication des modes de paiement ou de leur sécurité ne doit pas compromettre leur utilisation par les populations les plus fragiles.
La qualité du service apporté au client ne doit pas être remise en cause. L'ACPR veille à ce que la même qualité de conseil soit apportée lors des décisions d'investissement, de souscription de produits d'assurance, ou de crédits quel que soit le canal de distribution retenu ou la technologie utilisée.
La cyber sécurité des acteurs financiers est essentielle, en particulier celle des sites web et des applications pour smartphones sur lesquelles les clients passent leurs ordres et consultent leurs comptes. Plus généralement, c'est l'ensemble des environnements informatiques des établissements financiers qui requiert une protection élevée face aux risques d'intrusion informatique. L'ACPR, soit au titre de ses missions nationales, soit en soutien de la Banque centrale européenne, pousse donc les établissements financiers à disposer d'un niveau de sécurité élevé.
L'ACPR contribue aussi à la lutte contre les arnaques financières, en mettant en garde le public contre les offres frauduleuses. Ces arnaques sont en forte augmentation, l'usage des vecteurs digitaux constituant un terreau favorable à la démultiplication des sites frauduleux, utilisant pour certains des visuels et caractéristiques très proches de ceux des acteurs dûment agréés, quand ils n'en usurpent pas carrément l'identité. Les entreprises comme les particuliers sont visés. En 2020, 1 081 sites frauduleux ont été inscrits sur les listes noires des acteurs non autorisés publiées par l'ACPR.