Intervention de Mounir Satouri

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 mars 2021 à 8h30
Politique étrangère et de défense — Bilan annuel 2020 de la politique de sécurité et de défense commune psdc : Audition de Mm. Arnaud daNjean et mounir satouri députés européens français

Mounir Satouri, député européen :

Merci pour cette invitation. Je vais vous donner le point de vue du groupe des Verts/ALE du Parlement européen sur ces questions. Je commencerai par commenter les conclusions de Charles Michel au dernier Conseil. Nous aussi, nous voulons une OTAN forte et en partenariat solide avec l'Union européenne. Nous sommes d'accord, l'élection de Joe Biden fait souffler un vent frais sur la sincérité des alliances au sein de l'OTAN. Mais nous sommes contre la volonté de fixer des objectifs numériques à 2 % des budgets nationaux pour la défense. C'était l'objectif controversé du sommet de l'OTAN au Pays de Galles. Il ne correspond pas, de mon point de vue, aux réalités des besoins des Européens. Le point de vue des Verts/ALE est que la sécurité européenne reste une priorité éloignée pour la présidence américaine, même si le changement de style, avec le départ de M. Trump, est important. Nous pensons qu'il faut continuer à progresser vers une sécurité avant tout européenne. Le développement de la boussole stratégique européenne, la réduction de la fragmentation et la duplication des capacités militaires en Europe sont des voies de progrès évident que nous souhaitons suivre. Bien sûr, il faut renforcer l'intégration européenne en matière de sécurité. Cela ne nuirait aucunement à l'OTAN. Et il est inutile de dupliquer les investissements.

L'Union européenne et les États-Unis doivent contribuer ensemble au désarmement nucléaire. À cet égard, le départ de M. Trump nous permet d'envisager un meilleur dialogue avec nos alliés américains. La semaine même de l'entrée en vigueur du traité sur l'interdiction des armes nucléaires, le président Biden a proposé le prolongement di traité New Start, un engagement qui était très attendu pour la sécurité des Européens. L'Union européenne et les États-Unis doivent parvenir ensemble à avoir un impact sur la stabilité internationale et le changement climatique. Bruxelles a aussi besoin que Washington s'engage davantage dans la réflexion sur l'impact qu'a le changement climatique sur la sécurité et la stabilité internationale. Ce dialogue, toutefois, nécessitera une plus grande attention sur ce sujet de la part des Européens eux-mêmes.

Les Verts/ALE au Parlement européen pensent que notre objectif stratégique n'est pas l'action autonome en soi, avec un but militaire et sécuritaire non défini : la paix et la sécurité devraient être nos objectifs, ce qui requiert une meilleure coopération internationale, des alliances et des partenariats. L'autonomie stratégique n'est pas notre objectif principal. Nous devons garantir un degré d'autonomie satisfaisant, mais nous ne devons pas systématiquement chercher à analyser les situations seuls : nous ne pesons pas suffisamment dans le monde pour cela. Si nous n'avons pas besoin d'être entièrement autonomes, nous avons besoin de nous fixer des caps et de tenir des objectifs cohérents entre Européens. Les procédures doivent être claires pour orienter des pistes de décisions géostratégiques.

Comment approfondir la coopération en matière de sécurité, de défense et sur le plan des capacités européennes ? Le premier objectif des initiatives industrielles de défense devrait être de réduire la fragmentation, les doubles emplois, et les surcapacités industrielles, qui sont énormes en Europe, et d'économiser de l'argent grâce à une coopération approfondie et systématique. Les Européens produisent 178 systèmes d'armement alors que les États-Unis n'en ont que 30. Nous avons au moins trois avions de chasse similaires en Europe et une vingtaine de projets sur un véhicule blindé. Le coût de cette inefficacité est énorme. La Commission estime d'ailleurs que nous pouvons économiser entre 25 et 100 milliards d'euros par an, qu'il faudra réinvestir dans d'autres politiques publiques, pour que les États membres coopèrent beaucoup plus efficacement. Pour les Verts/ALE, la fragmentation des instruments européens de défense est un véritable problème, beaucoup plus que la question du financement.

En termes de capacités militaires, la plupart des missions et des opérations sont très petites et peu efficaces. L'un des plus grands défis est que tous les États membres en appellent toujours à davantage d'initiatives et font de nombreuses déclarations sur la défense européenne mais, en réalité, la volonté de déployer du personnel militaire et civil pour de telles missions diminue. Sur ce point, mon groupe politique a introduit dans le rapport annuel sur la PSDC une alternative significative et réaliste à la création d'une armée européenne, qui est celle de constituer des unités multinationales permanentes consacrées à l'accomplissement de tâches militaires telles que spécifiées dans l'article 43 du traité de l'Union, pour renforcer la capacité de l'Union européenne à mener des opérations de gestion de crise robustes. Le rapport annuel est beaucoup trop positif sur l'opération navale au large des côtes libyennes et ne reflète pas le fait qu'elle est conçue d'une manière qui ne puisse jamais arrêter le trafic d'armes, ni même les migrants en détresse en mer, tout en soutenant les garde-côtes libyens. Sur le contrôle de la future Facilité européenne pour la paix, nous avons insisté pour faire référence à la nécessité d'une évaluation adéquate des risques et d'une surveillance très étroite afin d'éviter toute utilisation abusive, notamment dans la fourniture d'équipements militaires.

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