Intervention de Marie Moisan

Mission d'information Lutte contre la précarisation et la paupérisation — Réunion du 9 mars 2021 à 17h00
Précarité énergétique — Audition de Mme Marie Moisan responsable de projets précarité énergétique au comité de liaison pour les énergies renouvelables devenu réseau pour la transition énergétique cler et animatrice du réseau des acteurs de la précarité et pauvreté dans le logement rappel et M. Thomas Pellerin-carlin directeur de l'institut jacques delors

Marie Moisan, responsable de projets précarité énergétique au CLER et animatrice du réseau RAPPEL :

Concernant l'évolution de la précarité énergétique au cours des dernières années, au niveau du seul indicateur du taux d'effort énergétique supérieur à 8 %, on observe une relative stagnation, avec 12,1 % des ménages concernés en 2014, 11,9 % en 2016, 11,7 % en 2017, 12,1 % en 2018 (sous l'effet d'une forte augmentation des prix de l'énergie) et 11,9 % en 2019.

La politique de rénovation énergétique d'un certain nombre de logements semble ainsi limiter l'augmentation de la précarité énergétique. Cependant, les effets de ces rénovations sont rattrapés systématiquement par l'évolution des prix de l'énergie. Pour permettre un saut énergétique plus conséquent, il conviendrait donc de sortir d'une politique de rénovation par geste, pour aller vers une politique de rénovation globale.

À cet égard, les 2 milliards d'euros supplémentaires prévus par le plan France Relance pour la rénovation énergétique du parc privé apparaissent nettement insuffisants au regard des enjeux. À ce rythme, nous pourrions n'avoir rénové que 500 000 logements à l'horizon 2030, soit un volume correspondant au volume annuel fixé par la loi de 2015.

Dans le cadre des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, la proposition a été faite d'instaurer une obligation de rénovation à l'horizon 2028, avec une prise en compte de l'offre technique disponible, des aides adaptées aux profils de ménages et un accompagnement adapté dans les territoires. Pour atteindre de tels objectifs, des investissements trois fois supérieurs à ceux aujourd'hui consentis seraient toutefois nécessaires, ne serait-ce que pour traiter les « passoires énergétiques ».

Le dispositif MaPrimeRénov' a eu le mérite de mettre sur la table le sujet de la rénovation énergétique et d'encourager un nombre croissant de ménages à s'y intéresser. Cependant, 86 % des dossiers déposés dans ce cadre ont porté sur des gestes uniques de rénovation ; 76 % ont par ailleurs porté uniquement sur le chauffage, sans isolation thermique du logement par l'extérieur. Or, au-delà de la réponse aux urgences, cette approche de la rénovation énergétique demeure insuffisante pour inverser la courbe de la précarité énergétique. L'enjeu serait au contraire de privilégier une rénovation énergétique globale, intégrant une intervention sur l'enveloppe du bâti et l'installation d'un mode de chauffage adapté aux nouveaux besoins énergétiques du logement, en prévoyant un accompagnement systématique des ménages dans cette dynamique.

En parallèle, l'enjeu serait de disposer d'outils financiers pour assurer la solvabilité des ménages les plus modestes dans le cadre de leurs travaux de rénovation énergétique. Ces outils ont été systématiquement supprimés au cours des dernières années, qu'il s'agisse des prêts à taux zéro des Sociétés Anonymes Coopératives d'Intérêt Collectif pour l'Accession à la Propriété, les SACICAP, qui permettaient, avant la faillite du Crédit immobilier de France, de financer le reste à charge des ménages les plus modestes, des aides au logement de la CAF accessibles aux propriétaires pour financer des travaux de rénovation énergétique (ayant été supprimées en 2018) ou encore des aides d'Action Logement (dont la suppression a été annoncée fin 2020, après atteinte d'un objectif de 50 000 dossiers engagés). Au-delà des aides à la rénovation énergétique, nous manquons aujourd'hui d'outils adaptés aux ménages les plus modestes, pour assurer le préfinancement de leurs travaux et, le cas échéant, les aider à supporter leur reste à charge.

Pour ce qui est de l'impact des politiques de rénovation urbaine, je tâcherai de solliciter des confrères plus sachant. Du reste, la réforme récente des aides à la rénovation des copropriétés, ayant introduit le dispositif MaPrimeRénov' Copropriétés, pourrait diminuer de moitié le montant des aides versées aux copropriétés les plus modestes. De la même manière, l'ouverture du dispositif MaPrimeRénov' aux ménages les plus aisés pourrait produire des effets d'aubaine, au détriment du soutien apporté et du budget consacré aux ménages les plus modestes.

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