Intervention de Florence Peybernes

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 mars 2021 à 11h00
Audition de Mme Florence Peybernes candidate proposée par le président de la république aux fonctions de présidente du haut conseil du commissariat aux comptes

Florence Peybernes, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes :

Avant de vous présenter mes compétences et mes projets, je voudrais d'abord, en ma qualité de magistrat du siège, vous saluer très respectueusement comme étant, avec l'Assemblée nationale, ceux qui votent les lois que, depuis 35 ans, j'essaye d'appliquer auprès des justiciables.

Le H3C est une autorité administrative publique indépendante, placée auprès du garde des Sceaux. Elle a évidemment la personnalité morale et des ressources propres, qui sont les cotisations levées sous forme d'un pourcentage des chiffres d'affaires réalisés par les commissaires aux comptes dans leur mission d'audit des entreprises, qu'il s'agisse d'entités d'intérêt public (EIP) ou non. Le code de commerce impose que son président soit un conseiller à la Cour de cassation. C'est mon cas depuis le décret du président de la République du 16 novembre 2017, et je suis Première présidente de la cour d'appel d'Orléans. Bien sûr, je ne siège pas à la Cour de cassation : c'est mon statut qui veut que j'y sois conseiller. En réalité, j'administre une cour d'appel, ce qui est l'essentiel des fonctions d'un Premier président - même s'il a également des attributions juridictionnelles. Je suis ordonnateur secondaire, avec le Procureur général, de la cour d'appel d'Orléans. Vous connaissez sans doute cette particularité de nos institutions judiciaires, qui impose une dyarchie : il y a deux ordonnateurs secondaires pour piloter chaque cour d'appel.

La cour d'appel d'Orléans est d'importance moyenne : par l'importance de son activité juridictionnelle, elle se classe vingtième sur les 36 cours de France. Elle compte 149 magistrats du siège et du parquet et 421 fonctionnaires, ainsi que de nombreux agents non titulaires, totalisant 63 ETP et dont j'ai supervisé le recrutement. Son budget annuel de fonctionnement est de 5,34 millions d'euros - hors titre 2 - et le budget annuel de ses frais de justice - programme 101 - s'élève à 4,95 millions d'euros. Voilà plus de douze années que ma carrière de magistrat m'a conduite à présider des institutions judiciaires. J'ai d'abord présidé le tribunal de grande instance de Rodez, puis celui de Valenciennes, avant d'arriver dans cette cour d'appel. Je pense donc avoir des compétences de gestionnaire de fonds publics.

En outre, de nombreuses missions du H3C ont des points communs avec les sujets traités par un Premier président. Les questions de déontologie, vous le savez, sont au coeur des fonctions du magistrat. Pour un Premier président, elles sont presque quotidiennes. Il dispose d'un pouvoir de sanction contre les magistrats du siège de sa cour. Il peut délivrer des avertissements, selon des procédures très normées, et il a la possibilité de saisir le Conseil supérieur de la magistrature pour des manquements déontologiques. Au cours de mon mandat de trois ans et demi, j'ai déjà prononcé trois avertissements contre des magistrats du siège de la cour d'appel. J'ai saisi l'Inspection générale de la justice à deux reprises en vue d'une saisine du Conseil supérieur de la magistrature, pour des manquements déontologiques. Le Premier président jouit aussi d'un pouvoir de mise en garde contre les conseillers prud'hommes et de saisine de l'autorité disciplinaire rattachée à la chambre sociale de la Cour de cassation. J'ai eu à exercer ce pouvoir à deux reprises depuis ma prise de fonction. J'ai été amenée à statuer sur les recours formés contre les décisions disciplinaires prises par les ordres des avocats, des huissiers de justice ou des notaires. Je statue aussi - et c'est une des compétences du H3C en ce qui concerne les commissaires aux comptes - sur les recours formés contre les contestations d'honoraires d'avocats. À ce jour, j'ai rendu plus de 200 décisions sur des contestations d'honoraires d'avocat.

Le code de l'organisation judiciaire confie au Premier président et au Procureur général une mission d'inspection des juridictions de leur ressort. Ils doivent s'assurer de la bonne administration des juridictions et de l'expédition normale des affaires. J'ai exercé cette mission de contrôle de fonctionnement, notamment pour le tribunal de grande instance de Montargis et les quatre tribunaux pour enfants du ressort. Et je programme pour cette année - sauf si vous décidez de suivre la proposition du président de la République - le contrôle de fonctionnement des pôles sociaux, à la suite d'une réforme dont il est nécessaire de comprendre et de connaître les effets. L'idée est de s'assurer de l'efficience des organisations, du respect des règles de fonctionnement des tribunaux, de l'état des stocks. J'établis un rapport dans lequel j'édicte des recommandations, et que le transmets à l'Inspection générale de la justice pour la bonne information du garde des Sceaux

Plus généralement, j'entretiens des liens très étroits avec la profession, réglementée, d'avocat. Il s'agit d'échanger, au cours de relations régulières, de réunions, d'échanges de correspondance, pour passer en revue les pratiques professionnelles réciproques, assurer la bonne mise en oeuvre des réformes, comme la fusion des juridictions, la réforme du droit des peines, ou la réforme à venir du Code de justice pénale des mineurs. J'ai une longue habitude du dialogue avec cette profession, qui porte souvent un regard critique sur les réformes dont elle peut penser qu'elles vont fragiliser son exercice professionnel. Je vous parlerai plus tard des rapports du H3C avec la CNCC, qui n'ont pas toujours été très sereins.

Enfin, mes fonctions de Première présidente m'ont conduit à incarner une institution dans un territoire et à dialoguer avec les institutions et les élus - je pense notamment aux conseils régionaux et aux conseils départementaux.

La loi fixe dix missions au H3C. La première est de procéder à l'inscription des commissaires sur la liste. Ils sont 18 000 à être inscrits en France, mais seulement 12 000 cotisent réellement, car environ 6 000 n'ont pas de mandat. Ils sont souvent aussi à la fois commissaires aux comptes et experts-comptables. Avant la réforme européenne de l'audit, la liste était tenue par une commission établie au sein de chaque cour d'appel. Depuis, la compétence a été transférée au H3C, qui avait toutefois la possibilité de la déléguer à la CNCC. La Cour des comptes a rédigé en 2019 un rapport, qui n'a pas été publié. Sa préconisation était de reprendre ces attributions, puisque cela coûterait moins cher au H3C de le faire directement plutôt que de déléguer à la compagnie et de régler les factures. La décision a été prise fin 2020, dans l'espoir de ne dépenser plus que 600 000 euros pour cette activité au lieu des 1,3 million d'euros qu'elle a coûtés au H3C en 2019.

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