Intervention de Bertrand Lortholary

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 février 2021 à 9h35
Audition de M. Bertrand Lortholary directeur d'asie et d'océanie au ministère de l'europe et des affaires étrangères

Bertrand Lortholary, directeur d'Asie et d'Océanie au ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

Pour la Chine, la Birmanie est un pays « frère ». La seule visite à l'étranger en 2020 du président Xi Jinping a été en Birmanie. De plus, le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, s'y est également rendu en janvier dernier, pour la cinquième fois depuis 2015. La position birmane à l'égard de son grand voisin n'est pas univoque. Des impératifs de realpolitik la conduisent à considérer que les liens avec la Chine doivent être resserrés pour des raisons économiques ; mais la Birmanie conserve simultanément une certaine méfiance. Il est donc difficile de définir de façon trop affirmative la position des responsables birmans à l'égard de la Chine. Il serait inexact de dire que, d'un côté, Aung San Suu Kyi serait plus proche des vues occidentales tandis que, de l'autre, les militaires seraient plus proches de celles de la Chine. Vous avez vous-même fait remarquer l'évolution au sein du monde occidental depuis quelques années de la perception d'Aung San Suu Kyi, qui par ailleurs s'est également rapprochée de la Chine. À l'inverse, les militaires ont une nette méfiance à l'égard du voisin chinois qui soutient plusieurs guérillas à la frontière sino-birmane.

Le Japon a une présence économique significative en Birmanie - quelque 3 000 ressortissants japonais et 400 entreprises étant présents dans le pays. Si la grande brasserie de bière Kirin s'est retirée de Birmanie, elle est, à ce jour, la seule entreprise japonaise à avoir annoncé cette décision Ces intérêts stratégiques et économiques expliquent la réaction extraordinairement prudente des autorités japonaises sur le sujet birman. En ce qui concerne la constitution, celle-ci est effectivement déséquilibrée, mais elle reflète précisément le poids historique de l'armée au sein du pays. Le quota de 25 % des sièges au parlement permettait d'empêcher tout mouvement de transition démocratique de priver les militaires de la réalité de l'exercice du pouvoir. Le résultat des élections a suffisamment menacé les militaires pour qu'ils estiment qu'il fallait reprendre les rênes, alors même que pour le moment la constitution n'était pas remise en cause. Vous l'avez dit, la marge de manoeuvre d'Aung San Suu Kyi était extraordinairement réduite.

Les mouvements bouddhistes sont très influents et puissants et ont constitué la force motrice de la crise des Rohingyas. Il faut néanmoins noter que la division de 2017-2018 ne recoupe pas celle d'aujourd'hui. L'on voit, dans la rue, un certain nombre de manifestants apparemment membres de ces mouvements, mais c'est bien la population de manière générale qui manifeste contre les militaires.

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