Intervention de Bertrand Lortholary

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 février 2021 à 9h35
Audition de M. Bertrand Lortholary directeur d'asie et d'océanie au ministère de l'europe et des affaires étrangères

Bertrand Lortholary, directeur d'Asie et d'Océanie au ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

La Birmanie a été à plusieurs reprises sous le coup de sanctions internationales, du temps des juntes successives ou lors de la crise des Rohingyas en 2017-2018. L'Union européenne avait alors adopté des mesures telles qu'un embargo sur les armes, la suspension de la coopération avec l'armée birmane, l'interdiction de l'accès au territoire de l'Union et le gel des avoirs pour sept puis quatorze officiers de haut rang. Les sanctions ont été renouvelées en 2020. Nous avons donc, hélas, un historique de sanctions à l'encontre de la Birmanie, mais elles ne sont pas à la hauteur de nos attentes.

Au moment où nous sommes engagés, entre Européens et avec les Américains, dans des échanges en vue de sanctionner les responsables du nouveau coup d'État, nous devons avoir à l'esprit que les nouvelles sanctions doivent viser ces derniers et épargner la population birmane, qui est déjà victime et qu'il convient de ne pas pénaliser davantage. Nous disposons de toute une gamme d'outils et examinons chacun d'entre eux. Cela fera l'objet d'une discussion entre les ministres le 22 février prochain.

Comment cibler les principaux responsables ? La réponse la plus immédiate est : en les inscrivant sur la liste des personnes sanctionnées. Ce n'est, pour l'instant, pas le cas des numéros un et deux des forces armées birmanes.

Il ne faut donc pas pénaliser la population civile et pas non plus être à contretemps. La suspension du dispositif « tout sauf les armes » demanderait du temps. Nous devons veiller à prendre des mesures suffisamment rapidement pour sanctionner le plus vite possible les responsables du coup d'État et pour éviter que les populations ne les vivent comme une injustice supplémentaire à leur égard. Toutes les options sont sur la table.

Nous échangeons avec les États-Unis sur les sanctions. La préoccupation de Washington est identique à la nôtre. Nous percevons une volonté de la nouvelle administration de revenir à des pratiques plus conformes à celles que nous avons connues dans le passé s'agissant de la consultation des partenaires européens. Nous en sommes heureux et tout à fait disposés à travailler ensemble.

Je ne suis pas convaincu que l'on puisse qualifier le coup d'État en Birmanie de témoignage de la perte d'influence des États-Unis en Asie. Les racines de cet événement sont d'abord internes, liées à l'impossible transition démocratique, même s'il est pessimiste de voir la fatalité dans les hoquets successifs de la démocratie dans ce pays. La Birmanie, à chaque fois, est allée toujours un peu plus loin dans le progrès, par rapport à la junte des années 1970 notamment. J'espère que nous ne vivrons pas à nouveau le scénario de 1988.

Nous avons, avec les États-Unis, la volonté de travailler plus étroitement sur l'ensemble des sujets de l'Indopacifique - je serais d'ailleurs heureux de vous exposer, à une autre occasion, la stratégie du chef de l'État sur l'ensemble de cette zone. L'administration américaine va très certainement se réengager avec force sur le sujet birman, que le président Biden connaît bien. Il faut s'attendre à ce que les États-Unis soient à nouveau actifs sur ce sujet.

Je partage votre analyse sur l'Asean. C'est une organisation politiquement faible parce que les intérêts des uns et des autres ne convergent pas, notamment vis-à-vis de la Chine. Il est fondamental pour nous de travailler davantage avec l'Asean, sans nourrir d'illusion excessive quant à sa capacité à jouer un rôle déterminant dans la résolution de cette crise.

Le Conseil de sécurité est assez largement divisé sur la question birmane. La Chine et la Russie, deux partenaires importants, sont des freins objectifs à toute prise de position forte. Les discussions, après le coup d'État du 1er février, sont laborieuses, difficiles. Il a fallu tout le poids de nos diplomates pour obtenir un texte qui est en deçà des positions de l'Union européenne et même du G7.

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