Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 février 2021 à 17h35
Accord de retrait et accord de commerce et de coopération signés entre le royaume-uni et l'union européenne — Audition de M. Michel Barnier conseiller spécial de la présidente de la commission européenne

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques :

Monsieur le Commissaire, nous vous savons gré d'avoir su conduire ces négociations avec une diligence véritablement extraordinaire. Le délai de onze mois, dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons et avec un partenaire dont on a pu mesurer la stratégie parfois déconcertante, représente une gageure sans précédent dans l'histoire des négociations commerciales. L'accord qui, jusqu'alors, avait été conclu le plus rapidement par l'Union européenne était celui avec la Corée du Sud, en deux ans et demi. C'est dire à quel point cet accord du 24 décembre fera date.

Il fera également date parce que nos entreprises s'inquiétaient, à raison, des conséquences économiques qu'aurait pu avoir une sortie sèche du Royaume-Uni du marché intérieur. Certes, vous aviez averti que cet accord, pour meilleur qu'il soit qu'une absence d'accord, emporterait de « vrais changements, aux conséquences mécaniques inévitables ». Ces perturbations sont réelles : files d'attente à Calais, retards dans les livraisons de colis, ruptures d'approvisionnement pour certains produits. Quelles sont les principales raisons de ces blocages ? Défaut de communication auprès des entreprises, délais de mise à disposition des formulaires, manque de moyens de contrôle ? Comment peut-on faciliter l'activité des entreprises opérant des deux côtés de la Manche ?

S'agissant d'un accord négocié aussi rapidement, il est clair qu'un point de vigilance particulier sera, pour nous, le contrôle de sa bonne application par les deux parties. Comment l'Union européenne s'organise-t-elle - le cas échéant avec les autorités nationales - pour suivre l'application de l'accord et surtout faire remonter les difficultés de terrain ? Y a-t-il une Task Force pérenne au sein de l'Union européenne à cette fin ? Quelle est l'articulation avec l'échelon national et, pour ce qui nous concerne, avec la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ?

Il serait extrêmement dommageable pour la compétitivité de nos entreprises que les 1 246 pages de cet accord soient respectées scrupuleusement par nous mais méconnues par l'autre partie. Dans un rapport de 2019, notre collègue de la commission des affaires économiques Laurent Duplomb constatait qu'une partie significative des produits agricoles importés ne respectait pas les normes sanitaires requises en France. Dispose-t-on de moyens suffisants pour contrôler le respect par le Royaume-Uni des normes sociales, environnementales ou du régime des aides d'État ? De quels moyens disposera le conseil de partenariat chargé de superviser l'accord ? Comment s'assurer, en somme, qu'un paradis fiscal et réglementaire, un « Singapour-sur-Tamise », ne s'installe aux portes de l'Europe ?

La question est essentielle car, en 2019, le Royaume-Uni était de très loin le premier excédent commercial de la France. Avez-vous connaissance de premières remontées sur les variations de flux commerciaux et l'impact sur le PIB de l'Union européenne et de la France depuis janvier ? Quel est le coût global de mise en oeuvre des contrôles douaniers résultant du Brexit ?

L'imbrication des chaînes de valeur entre les entreprises de nos deux pays est extrême. À ce propos, j'aimerais vous interroger sur la règle du pays d'origine : pour être exemptées de droits de douane, les marchandises exportées entre le Royaume-Uni et l'Union européenne doivent contenir un pourcentage minimum de valeur ajoutée sur le sol de l'exportateur. Avez-vous une estimation de la part des marchandises pour lesquelles ces seuils seraient difficiles à atteindre ? Surtout, pouvez-vous nous indiquer quels sont les secteurs dans lesquels ces difficultés sont communes ? Quels sont les moyens d'aider ces secteurs à les surmonter ? Pour un domaine aussi internationalisé que l'automobile, cela semble par exemple poser quelques premiers problèmes.

Enfin, comme nos collègues, nous avons, à la commission des affaires économiques, suivi avec attention les frictions entre l'Union européenne et le Royaume-Uni à propos de l'exportation des vaccins à partir de l'Irlande. Cela signe-t-il, plus généralement, l'émergence d'une stratégie plus offensive de l'Union européenne en matière commerciale ?

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