Je souhaite évacuer aujourd'hui une colère rentrée. Personne ne nie qu'il y a un vrai danger pour les principes républicains dans des espaces, des lieux que l'on a pu longtemps penser « sanctuarisés » ; on pense aux enceintes des clubs sportifs et, plus encore, à nos écoles, nos collèges et nos lycées publics. Personne ne le nie.
Je fais mienne la formule de Jean Zay sur l'école, cet « asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas ». Ce que nous avons pu entendre lors des auditions montre que nous en sommes parfois éloignés.
Pour autant, ce projet de loi - qui changea si souvent de nom et ne nomme même pas le séparatisme auquel il voulait s'attaquer - donne-t-il des armes supplémentaires à l'exécutif pour le combattre ? On peut, en s'en tenant aux articles sur lesquels doit se prononcer notre commission, être circonspect. Nos auditions ont montré qu'au coeur même de l'école publique, dans certains quartiers, un islamisme totalitaire pénètre et déstabilise l'enseignement, la mise en oeuvre des programmes, les activités périscolaires, la vie scolaire et même le vivre-ensemble entre garçons et filles dans les cours de récréation. Ce texte apporte-t-il des réponses ? Il est permis d'en douter.
Permet-il de mieux lutter contre les écoles de fait, ces écoles clandestines non déclarées qui se développent sans même avoir besoin d'utiliser le faux nez de l'instruction en famille ? Merci au rapporteur de nous apporter un début de réponse sur ces écoles de fait absentes du projet de loi.
Ce texte permet-il d'apporter des solutions aux enfants hors des radars de l'instruction obligatoire, qui ne sont pas ceux qui sont parfaitement connus, identifiés, déclarés et recensés de l'IEF ? M. Stéphane Piednoir apporte un début de réponse ; je l'en remercie.
Ce texte s'intéresse-t-il à ces certificats de complaisance qui conduisent à soustraire des jeunes filles aux cours d'éducation physique et sportive ? M. Stéphane Piednoir, encore une fois, nous invite à combler les lacunes du texte.
En revanche, ce projet de loi, jetant par-dessus bord un remarquable équilibre qui, depuis trois Républiques, autorise l'instruction obligatoire sous trois formes - l'école publique, l'école privée et l'IEF -, fait peser une lourde menace sur le choix assumé, pour des raisons nombreuses et diversifiées, par certains parents d'opter pour l'IEF. Incapable d'étayer au-delà du cas d'espèce le moindre corollaire entre IEF et menace séparatiste, le Gouvernement met en oeuvre le choix surprenant énoncé par le chef de l'État lors de son discours des Mureaux.
La grande majorité de ces parents ne comprend pas d'être ainsi montrée du doigt. La liberté d'enseignement est pourtant une liberté fondamentale. L'IEF est un élément constitutif de la réalité de cette liberté fondamentale. Et malgré le faible nombre de familles qui y ont recours, son interdiction touche un principe essentiel : les parents sont les premiers et les ultimes éducateurs de leurs enfants.
C'est la raison pour laquelle, nous approuvons votre sage proposition de supprimer l'article 21, tout en reprenant un certain nombre d'éléments permettant de renforcer les contrôles en cas de doute sérieux.
Les efforts de nos collègues de l'Assemblée nationale n'ont pas suffi à calmer les inquiétudes. Le texte continue de limiter l'IEF à un cadre dérogatoire et à un régime administratif d'autorisation préalable qui représente une grave atteinte à la liberté d'enseignement.
Le texte remanié introduit également une notion complexe, celle de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui entrerait dans le code de l'éducation avec un sens quasiment contraire à celui qui est précisé dans le code de l'action sociale et des familles, en particulier au regard du principe de l'autorité parentale. Il ne me semble pas possible que l'État puisse seul décider de l'intérêt supérieur de l'enfant, sauf à considérer que les parents faisant le choix de l'IEF soient a priori coupables ou, du moins, incapables.
La coexistence de propositions éducatives variées est le signe d'une société démocratique plurielle, respectueuse de la diversité, laquelle n'exclut pas la concorde nationale.
Dans ce cadre, la liberté de choix des parents ne peut être aliénée. Or, ce projet de loi conduit la puissance publique à définir seule l'intérêt supérieur de l'enfant. S'il était définitivement adopté, nous passerions donc d'un contrôle des faits a posteriori - que je ne discute pas - à un contrôle sociétal a priori de l'intention et de la motivation des parents. Ils deviendraient alors suspects, avant tout acte, de ne pas poursuivre l'intérêt supérieur de leurs propres enfants. Il y a bien là un recul d'une liberté fondamentale affirmé depuis 1833, sans que ni l'ampleur du phénomène ni les dérives ou les infractions au dispositif ne le justifient.
Je vous remercie de vos contributions sur le sport et de l'écriture équilibrée à laquelle vous êtes parvenu pour défendre la laïcité à l'université publique, sans pour autant remettre en cause la tradition des franchises universitaires et les libertés académiques. Si, depuis Jean Zay, l'école doit être à l'abri des querelles des hommes, l'université, au contraire, est le lieu où elles s'expriment, à condition de préserver le respect. Cela exclut toute entrave, tout prosélytisme et toute violence. Je remercie Stéphane Piednoir pour ce rapport et ses amendements que les sénateurs du groupe Les Républicains approuveront.