Avant toute chose, je souhaite rendre hommage aux hussards noirs de la République. Ces gens - dans ma famille notamment -, adhérents à la MAIF, achetant leurs meubles à la CAMIF et lisant Pif le chien le dimanche matin, avaient un engagement militant, laïc et politique en faveur de la République. Cette génération a cédé la place aujourd'hui à des instituteurs moins militants et moins armés idéologiquement pour faire face à ce que nous dénonçons tous. Il y a un problème politique plus général que nous ne règlerons pas avec une loi. Ce projet collectif commun, qui jadis unissait gaullistes et communistes à l'école, est moins facilement partagé aujourd'hui.
Au sujet de la République et de l'instruction, je n'ai pas la même lecture politique que certains d'entre vous. Je remarque que, à chacune des étapes de la République, deux aspects ont systématiquement été préservés : la liberté d'enseignement et le devoir absolu de la règle publique pour donner à l'enfant l'espérance d'une instruction nationale. C'est écrit dans le préambule de la Constitution de 1946 : la liberté est équilibrée par la nécessité du contrôle de l'État. Pour prendre une image facile, la liberté de mouvement vous est garantie constitutionnellement, et pour autant, cela ne vous exonère pas de l'obligation d'un permis de conduire pour circuler en voiture.
J'ai été très attentif aux propos du directeur général de l'enseignement scolaire (Dgesco) lors de son audition. Selon lui, la progression de l'IEF - de 0,1 à 0,5 % - s'avère liée à des raisons religieuses. Dans une ville qui ne connaissait aucune instruction en famille, un institut d'études musulmanes se fonde et, dans la foulée, 20 ou 25 familles choisissent de privilégier cet enseignement-là.
Ce texte ne va peut-être pas assez loin ; mais, quand il cible directement un phénomène bien identifié, je ne comprends pas vos réserves. Notre groupe va le soutenir, car nous estimons nécessaire qu'un lien soit maintenu entre l'éducation nationale et la famille. Une lettre postée à l'attention de l'inspection académique ne suffit pas à établir ce lien.
Ce qui manque dans ce projet de loi, c'est la réaffirmation de la promesse républicaine, c'est-à-dire l'égalité des droits, la possibilité pour chaque enfant d'accéder au même service. Sur ce sujet, le texte est absolument muet.
Autre point : il faut réfléchir de nouveau à ce qui constitue le coeur de l'enseignement. Aujourd'hui, nous avons besoin de reformer l'esprit critique des élèves par le biais de la connaissance. Dans le socle des savoirs communs doit se trouver l'esprit critique.
Nous déposerons un amendement en séance pour conforter les libertés pédagogiques de l'enseignant dans sa classe. Nous estimons, en effet, qu'il n'est pas possible que les élèves ou les familles discutent du contenu des cours, ce qui est bien et ce qui ne l'est pas. Quand on participe à un projet pédagogique, on ne choisit pas dans le programme en fonction de ses convictions philosophiques ou religieuses. De même, pour l'université, je suis attaché aux franchises. Il y a, sur les campus, des débats idéologiques que je déplore, car ils véhiculent une vision individualiste de la société. Pour autant, je ne pense pas que l'on puisse, par la loi, orienter les débats politiques. Tous les professeurs d'université qui sont venus dénoncer ces errements idéologiques ont été incapables de nous proposer des solutions juridiques. Nous n'avons pas besoin de cela. Pour défendre la République, il faut des Républicains.