J'ai apprécié l'exhaustivité du rapport de M. Piednoir, mais je suis en grand désaccord avec la matrice générale.
Comme Jacques-Bernard Magner, je pense qu'il est anormal que la commission de la culture ne soit pas saisie de questions relevant de ses compétences telles que les associations ou la liberté de la presse, alors que l'article qui concerne celle-ci a suscité l'émotion et la controverse. La commission des lois devrait par moments cesser de penser qu'elle est l'alpha et l'oméga de tout ce qui se fait au Sénat. Ses membres se plaignent d'être surchargés, mais ils ne veulent rien déléguer. Nous avons déjà débattu de ces questions de même que de celles relatives à la haine en ligne ; nous possédons une expertise, une technicité, une connaissance des enjeux.
Ce projet de loi débute de façon bancale parce qu'il est provoqué par un événement, qui n'est toutefois pas isolé : l'assassinat de Samuel Paty. Il est incontestable que nous devons réaffirmer les principes de la République quand ils sont ébranlés. Il avait été demandé à Jean-Louis Borloo de formuler des propositions globales pour réaffirmer la République quand elle est affaiblie. Mais on ne parle pas de cela. Il faut se respecter soi-même pour être respecté. La République doit se respecter elle-même et respecter sa promesse de liberté, égalité, fraternité. Quand ce n'est pas le cas, le message diffusé provoque l'éclatement. Je n'excuse aucun comportement de non-respect du droit et des principes de la République, mais très franchement, comment réagiriez-vous si vous grandissiez dans un endroit dont vous ne pouvez pas sortir et si, dès 13 ans, vous étiez contrôlé trois à quatre fois par jour contrairement à votre copain blanc ? Vous auriez le sentiment que la liberté, l'égalité et la fraternité n'existent pas. Cela n'excuse pas. Mais si nous voulons que la République ait une force percutante quand elle pose des limites, il faut que chacun considère qu'il a été traité comme les autres et doit avoir des droits et des devoirs comme les autres. Le projet de loi passe à côté de tout cela en évoquant des généralités qui ne sont pas traitées dans la vie de tous les jours.
Nous avons été assaillis de demandes sur l'instruction à la maison. Mais combien de personnes sont-elles concernées ? L'Assemblée nationale y a consacré 24 heures de débats, pour une toute petite minorité d'enfants. Ce qui est en jeu, ce n'est pas le combat contre la radicalisation islamique, sinon, on s'y prendrait autrement. Notre groupe a reçu en audition le maire de Montpellier, Michaël Delafosse. Il a évoqué une forte hausse des créations d'écoles privées hors contrat et de l'instruction à la maison, de tous côtés et pas seulement des islamistes. Cela concerne aussi d'autres endoctrinements. Il nous a dit que cela n'existait pas auparavant. La loi est conçue contre les phénomènes en expansion. La tendance, pour les sectes ou les extrémismes religieux, est de retirer les enfants de l'école pour pouvoir mieux les endoctriner. Il faut un verrou de plus. L'autorisation préalable est une façon de réguler sans complaisance. Je suis surpris que nos collègues et amis de droite soient, d'un coup, nettement moins radicaux contre le radicalisme. Pourquoi ? Pour être crédible dans le combat contre le radicalisme islamiste, il faut montrer que la lutte est la même contre tous ceux qui veulent se séparer de la République.