Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 16 mars 2021 à 14h30
Sécurité globale — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Gérald Darmanin :

Des articles facilitent la mutualisation des polices municipales, y compris dans le monde rural.

Par ailleurs, l’usage des caméras de vidéoprotection, notamment des caméras-piétons, est renforcé.

Le Président de la République a souhaité la généralisation des caméras-piétons pour toutes les brigades de gendarmerie et de police nationales au 1er juillet. En effet, cet outil aide à la décision judiciaire. Il permet d’encadrer les interventions de police, afin notamment que les contrôles ne puissent faire l’objet d’aucune contestation. Et il contribue à calmer les individus qui sont en face des policiers, tant il est vrai que ceux qui les insultent la nuit sont souvent – grande différence ! – doux comme des agneaux lorsqu’ils sont en poste.

Ces caméras contribuent à ce que la police et la gendarmerie soient mieux contrôlées et à ce que les délinquants soient mieux condamnés, mais elles posent aussi des difficultés, notamment techniques. Je ne reviendrai pas sur le nouvel appel d’offres lancé par le ministère de l’intérieur, lequel attend les dispositions qui seront prises par le législateur pour conclure les négociations.

Les policiers et les gendarmes ne peuvent pas regarder ces caméras pendant l’action, alors que cela pourrait très largement les aider, par exemple pour relever une plaque d’immatriculation, déterminer la couleur d’un pull-over ou clarifier des faits qui se sont déroulés devant leurs yeux afin d’engager des poursuites, notamment en cas de crimes et délits. Ces images, qui ne seraient en aucun cas modifiées et demeureraient toujours à la disposition de l’autorité judiciaire ou des inspections internes, pourraient également contribuer à la rédaction des rapports. Sous les ordres d’officiers de police judiciaire mieux formés, leur utilisation permettra demain – je l’espère – de mieux condamner, car le bon travail de policier et de gendarme est aussi la condition de la bonne réponse pénale.

Une troisième finalité avait été imaginée par les députés – je crois savoir que la commission des lois n’a pas souhaité la retenir, ou du moins, a considéré qu’elle était discutable –, à savoir la possibilité, pour le ministère de l’intérieur ou la hiérarchie, d’utiliser ces images. J’ai entendu l’argument des rapporteurs, qui évoquaient notamment une possible « guerre des images ». J’ai donc souhaité – je tiens à l’indiquer devant le Sénat – accompagner la décision de la commission des lois afin de ne pas revenir sur cette disposition. La troisième finalité prévue par le législateur n’a donc pas été retenue, en tout cas au regard de ce qu’avait prévu l’Assemblée nationale.

Après les polices municipales et les images, le troisième sujet est la sécurité privée.

La sécurité privée est partout sur le territoire national. Elle remplace désormais utilement dans le continuum de sécurité un travail qu’auraient pu effectuer les policiers nationaux, municipaux ou les gendarmes, mais que, précisément, ils ne faisaient pas. Elle est pourtant très utile : plus personne aujourd’hui n’imagine qu’un grand magasin soit tenu par des policiers, chacun comprenant que c’est un agent de sécurité privée qui organise cette sécurité. Mesdames, messieurs les parlementaires, combien de ces agents de sécurité privée gardent un festival, une opération de communication festive, une fête sportive ou une rencontre culturelle dans nos communes ?

Ces agents de sécurité privée risquent leur vie chaque jour pour défendre nos concitoyens. J’ai aujourd’hui une pensée pour cet agent de sécurité privée qui a empêché le terroriste d’entrer dans le Stade de France avec son sac et sa bombe, et de tuer des dizaines, peut-être même des centaines de personnes. Nous devons à ces agents tout notre respect, ainsi que la reconnaissance de la Nation.

Toutefois, la filière des agents de sécurité est dense, et sans doute a-t-elle été créée un peu ex nihilo. C’est pourquoi ces agents ont besoin d’être davantage formés et leur filière régulée afin de réduire le recours à la sous-traitance. Nous avons tous connu des difficultés dans nos responsabilités locales électives : nous contractions avec une personne le matin, mais c’est une autre personne qui, l’après-midi, venait effectuer la mission.

Les dispositions relatives à la sécurité privée sont utiles. Elles permettent de consolider la filière économique et prennent au sérieux cet échelon du continuum de sécurité qui ne doit jamais remplacer la police et la gendarmerie dans leurs pouvoirs de contrainte de liberté ou d’enquête, mais dont les acteurs doivent être considérés comme contribuant efficacement à la sécurité de nos concitoyens.

Le quatrième sujet est la protection que nous devons aux forces de l’ordre, aux femmes et aux hommes qui, tous les jours, risquent leur vie pour nous protéger dans des conditions que nous savons de plus en plus violentes et difficiles, parce que la société est de plus en plus violente et le monde de plus en plus difficile.

Plusieurs dispositions sont à l’ordre du jour.

Permettez-moi d’abord de saluer le dépôt prochain par M. le garde des sceaux du projet de loi sur la justice. Parmi les nombreuses dispositions très positives prévues dans ce projet de loi, il en est une dont je voudrais particulièrement me féliciter, car elle est en ligne avec une conviction que je porte depuis longtemps : la fin des remises de peine automatiques. Comme M. le garde des sceaux l’a indiqué dans la presse, le projet de loi prévoit leur suppression.

L’article 23 de la proposition de loi de M. Fauvergue et Mme Thourot prévoyait la suppression des remises de peine automatiques – et, dans ce cas, particulièrement injustes – pour les agresseurs de policiers, de gendarmes, de policiers municipaux ou de militaires de l’opération Sentinelle. Cet article devient superfétatoire, mais je sais que M. le rapporteur a d’autres idées. Comme je l’ai indiqué en amont et en aval des travaux de la commission des lois, je les examinerai avec sagesse.

Restons cependant conscients, mesdames, messieurs les parlementaires, qu’une disposition prise dans ce texte relatif à la sécurité globale ne s’appliquera qu’un an et demi, voire deux ans avant l’entrée en vigueur de la future loi sur la justice. Dans ce cadre, essayons de nous rapprocher au maximum de ce que souhaite M. le garde des sceaux.

J’en viens à l’article 24 de cette proposition de loi.

Cet article a été beaucoup débattu dans les hémicycles et en dehors. Je veux redire ici tout l’intérêt que présente cet article et toute la volonté du ministère de l’intérieur et du Gouvernement de maintenir une disposition qui n’a rien à voir avec l’article 18 de la loi dite « Séparatisme », en ce sens qu’il vise à protéger les policiers et les gendarmes au cours des opérations de police. Nous nous en remettrons à la sagesse du rapporteur lors de l’examen de ce texte et dans le cadre de la CMP, dont nous espérons qu’elle sera conclusive afin de parvenir à la meilleure rédaction possible.

Certains souhaitent inscrire la disposition dans le code pénal plutôt que dans le code de la presse. Certains souhaitent créer un délit de « provocation à l’identification », d’autres portent d’autres propositions. Ce débat appartient désormais aux chambres. Sur l’amendement du rapporteur, l’objectif essentiel et légitime de protéger nos policiers et nos gendarmes dans leurs actions étant conservé, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat. Je sais que le rapporteur a travaillé pour protéger nos forces de l’ordre, et je l’en remercie.

D’autres dispositions relatives aux forces de l’ordre font naître des débats au Sénat, comme la possibilité que les policiers détiennent une arme en dehors de leurs heures de service, notamment dans les établissements recevant du public (ERP) culturels ou festifs.

Notez que c’est déjà possible, et même souhaité dans les transports en commun, certains présidents d’exécutifs locaux offrant en échange aux policiers la gratuité des transports en commun. Si je comprends que la question puisse être posée concernant les ERP culturels, je tiens à rappeler que le policier n’est jamais un ennemi.

Comme vous sans doute, je n’oublierai jamais que, lorsque la barbarie frappe, elle frappe aussi dans les lieux où l’on fait la fête. Or la mémoire des événements passés nous porte à le croire, lorsque des policiers sont présents, et cela même en dehors des heures de service, ils interviennent au péril de leur vie. Ayez cela en tête au moment de légiférer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi importante va renforcer considérablement la confiance qu’a la Nation dans ses forces de l’ordre. Permettez-moi de saluer les policiers, les gendarmes et les policiers municipaux pour leur travail et leur abnégation. Dans le profond du pays, je sais qu’ils sont aimés, respectés et admirés par la population française.

Je ne doute pas que nous aurons des différences d’appréciation au cours du débat. Il ne s’agit pas pour le Gouvernement, en soutenant la proposition de loi de l’Assemblée nationale, d’imaginer une police fédérale et une police locale. Ce n’est pas souhaitable un seul instant, mais nous ne souhaitons pas non plus retirer au maire la supervision de la police municipale et des caméras de vidéoprotection. Chacun sait que le maire n’ignore pas la sécurité dans sa ville. Le législateur a d’ailleurs prévu que les caméras de vidéoprotection sont l’apanage du maire et de son pouvoir de police. Le maire détient une autorité de salubrité publique et de tranquillité publique ; il concourt utilement à la sécurité de sa commune. Dans le continuum de sécurité, à tout moment les polices nationale et municipale peuvent intervenir.

Je veux rappeler dans cette enceinte combien les policiers municipaux sont eux aussi mis à l’épreuve des balles des terroristes. Ils ont d’ailleurs déploré des décès, en 2015-2016, lors des attentats en région parisienne, mais aussi très récemment, à Nice, où des policiers municipaux sont intervenus les premiers au risque de leur vie pour arrêter le terroriste qui s’était infiltré dans l’église.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi vise à renforcer le pouvoir de la police et de la gendarmerie nationales, à améliorer la sécurité de nos concitoyens grâce aux polices municipales et dans le respect de la volonté des maires, à professionnaliser la sécurité privée et à utiliser l’image à bon escient, sans tomber dans le monde de Big Brother. Je ne doute pas que, conscients des moyens législatifs, financiers mais aussi moraux que nous devons donner à nos forces de l’ordre, vous ferez œuvre utile en adoptant la proposition de loi de vos collègues de l’Assemblée nationale.

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