Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 16 mars 2021 à 14h30
Sécurité globale — Discussion générale

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer l’excellent travail de nos rapporteurs, Marc-Philippe Daubresse et Loïc Hervé, l’écoute et la rigueur dont ils ont fait preuve pour ce texte quelque peu délicat, dont le contexte et les conséquences nous invitent à dépasser frénésie et posture.

Le Sénat a aujourd’hui la responsabilité d’œuvrer à la recherche de l’équilibre entre libertés individuelles et sécurité, socle du contrat social qui fonde notre démocratie.

La cohabitation de ce texte avec d’autres initiatives, telles que le Livre blanc de la sécurité intérieure, le Schéma national du maintien de l’ordre ou le Beauvau de la sécurité, atteste de la nécessité, mais aussi de la difficulté, d’adapter la loi aux évolutions de la délinquance et de la violence, ainsi qu’à celles des technologies, lesquelles peuvent permettre, par l’image, de transformer parfois si douloureusement ceux qui nous protègent en cibles et en victimes tragiques.

Cette violence, qui va de l’incivilité à la délinquance, à l’agression, à l’attentat, se répartit tristement, mais certainement, dans tout le territoire et gangrène notre cohésion sociale.

Nos rapporteurs, et la commission des lois, monsieur le président Buffet, ont, aux yeux du groupe Union Centriste, sécurisé juridiquement et apaisé ce texte qui avait été quelque peu chahuté lors des débats à l’Assemblée nationale. Le Sénat l’a en quelque sorte ciselé, en relevant le défi de renforcer la sécurité, de mieux protéger la police, de préserver la liberté de la presse et la nécessaire transparence envers les citoyens.

J’aborderai principalement quatre points.

Premièrement, l’article 21, concernant l’usage des caméras mobiles, ou « piétonnes », qui a été remanié de manière pertinente, permet d’éviter le risque d’une « bataille médiatique » – pour reprendre les termes de Loïc Hervé – douteuse. Les images captées par la police doivent garder un caractère exclusivement probatoire et non participer à l’alimentation des directs des chaînes d’info.

Deuxièmement, sur le fameux article 24, qui a suscité une opposition parfois hystérisée à l’Assemblée nationale, liée à des convictions que je ne conteste pas, entre liberté de la presse et protection des forces de sécurité, le débat devrait s’apaiser grâce à la proposition de nos rapporteurs, notamment de Marc-Philippe Daubresse. La sanction se déporte du champ de la loi de 1881 vers le code pénal, avec la notion de provocation intentionnelle à l’identification du fonctionnaire.

Troisièmement, l’article 25 suscite des débats au sein de notre groupe.

Le continuum de sécurité justifie-t-il l’autorisation d’un port d’arme volontaire en dehors des heures de service dans un établissement recevant du public ? Quand l’actualité s’efface, et avec elle l’émotion qu’elle a suscitée, la menace reste, elle, bien présente, et nul ne connaît le jour, l’heure ou le lieu où elle frappera. Or nous avons appris, dans la crainte et la douleur, que les lieux de culture ou les grands événements sportifs sont statistiquement des cibles de choix pour des malfaisants.

Doit-on craindre des égarements potentiels ou permettre une réactivité sur-le-champ, maîtrisée et professionnelle, de membres des forces de sécurité ? Chacun des sénateurs de notre groupe répondra à cette question en fonction de ses propres convictions.

Quatrièmement, en ce qui concerne la police municipale, je voudrais attirer tout particulièrement votre attention, monsieur le ministre, sur la proposition d’étendre le champ de ses compétences. Il ne s’agit pas pour nous de remettre en cause l’attribution de nouvelles compétences pour permettre plus de réactivité et de proximité, mais les expérimentations proposées à la demande de certains élus nous posent question. La sécurité est une compétence régalienne de l’État, lequel ne saurait la transférer aux collectivités ou la diluer. Seule la tranquillité du voisinage peut relever de la police du maire.

La création d’une police municipale et son dimensionnement relèvent de la seule et libre initiative des conseils municipaux, mais force est de constater la montée en puissance de la police municipale, par nécessité très souvent, pour gérer plus efficacement les incivilités du quotidien et, parfois, pour pallier la carence de l’État dans certains domaines.

Ensuite, l’expérimentation proposée sera, et devra rester, volontaire, à l’initiative des communes, comme devra l’être son élargissement éventuel à l’issue de la période d’expérimentation.

Enfin, le cadrage de cette expérimentation, qui devra faire l’objet d’une convention de coordination entre l’État et les communes concernées – vous l’avez indiqué et les rapporteurs y ont insisté –, exige une évaluation précise et transparente.

Si toute expérimentation nécessite une évaluation, celle-ci s’impose pour cette disposition à deux titres : parce qu’il s’agit d’une compétence régalienne, mais aussi en raison de l’absence d’étude d’impact préalable à ce texte, s’agissant d’une proposition de loi.

Pour conclure, le groupe Union Centriste votera ce texte en réaffirmant que la sécurité est un pilier de la démocratie, mais qu’il faut tout autant protéger les libertés, ce que la sécurité doit permettre de faire.

Notre pays est secoué par un sentiment d’insécurité croissant, qui ne peut être ignoré ou méprisé. Il faut nommer les choses pour les endiguer, car la peur est très mauvaise conseillère.

S’il n’y a pas de liberté sans sécurité, la sanction, monsieur le ministre, est, au mieux, curative et ne saurait suffire à guérir nos maux sans une mobilisation collective de l’État, des collectivités territoriales, mais aussi de la famille en faveur de l’éducation, de la prévention et de l’intégration, et sans la juste efficience et réactivité de la justice. J’ai bien compris que ce volet fera l’objet d’un second épisode, qui interviendra très prochainement avec le garde des sceaux.

Comme il faut un village pour aider un enfant à grandir, c’est la Nation tout entière qui doit se mobiliser pour endiguer ce fléau, mais aussi pour protéger ceux qui protègent la République et nous protègent, et dont nous devons saluer l’engagement, qu’ils payent parfois de leur vie.

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