Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 16 mars 2021 à 14h30
Sécurité globale — Article 1er, amendements 331 332

Gérald Darmanin :

S’agissant, tout d’abord, de l’amendement précédent, je remercie le rapporteur qui s’est dit favorable à ce que, dans le cadre de l’article 1er, les policiers municipaux puissent donner des amendes forfaitaires délictuelles (AFD). Je soutiens évidemment le rétablissement de la disposition prévue à l’Assemblée nationale.

Concernant le second point, lié avec le premier, mais pouvant être différent, permettez-moi de préciser que la Cour de cassation, par un arrêt de 2019, a déjà autorisé les polices municipales à procéder à des saisies.

Prenons trois exemples qui peuvent être ceux des polices municipales.

Un exemple de verbalisation AFD : si le Sénat et l’Assemblée nationale valident le fait que les policiers municipaux peuvent mettre des AFD pour consommation de stupéfiants, la verbalisation sera possible pour quelqu’un qui, n’ayant pas fini de consommer son stupéfiant, se retrouve donc en possession d’une telle matière lors de la verbalisation.

Deuxième exemple, celui d’une vente à la sauvette : imaginons des tours Eiffel vendues, près d’un lieu touristique, par quelqu’un qui les étale sur un drap. C’est illégal et, demain, grâce à la disposition de l’article 1er, il pourra être verbalisé par les policiers municipaux. L’objet de la verbalisation sera évoqué pour la saisie.

Troisième exemple, vous évoquez, monsieur Daubresse, des objets d’un plus gros volume comme des motos, des quads ou voitures, dont on peut se demander ce qu’ils deviendraient en cas de saisie. Ils pourraient effectivement encombrer et poser des questions de frais puis d’admission en non-valeur, comme on les connaît dans les collectivités.

Sur le premier point, le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur sont clairs, y compris à l’égard des services de police : les petites quantités de stupéfiants doivent être détruites immédiatement ; il n’est pas nécessaire de les garder sous scellés. Il suffit de constater la consommation du stupéfiant qui relève de l’AFD. Il n’est donc, par définition, pas question de saisie.

Lorsque les quantités sont plus importantes, on sort du champ de l’AFD pour entrer dans celui du trafic de stupéfiants. C’est alors la police nationale et la gendarmerie qui interviennent, et non la police municipale.

Je rappelle que c’est le procureur de la République de chaque ressort qui encadre les quantités et la nature des drogues relevant de l’AFD.

Pour ce qui concerne le deuxième point, à savoir les tours Eiffel et autres objets du même acabit, avouez qu’il serait un peu absurde de ne pas permettre aux policiers municipaux de constater les ventes à la sauvette, dont nous constatons tous les désagréments ! Il serait un peu dommage de pouvoir verbaliser un marchand à la sauvette, installé à côté d’un marchand ambulant qui, lui, est officiellement déclaré auprès de la délégation de service public ou de la régie directe, sans pouvoir saisir ses produits, qui, au reste, ne sont pas très volumineux. On pourrait d’ailleurs imaginer que la commune, sous l’autorité du procureur de la République – cette possibilité existe sur d’autres sujets –, les concède, par exemple, aux centres communaux d’action sociale (CCAS), aux caisses des écoles ou aux associations, auprès desquels elle intervient au quotidien.

Troisièmement, je conviens avec vous, monsieur le rapporteur, que la police nationale et la gendarmerie doivent régler, notamment avec la justice, la question des objets plus volumineux concernant le constat des saisies, puis la destruction des produits, leur revente par les services du domaine ou leur réutilisation par les services de police. De manière générale, l’État doit fortement progresser sur ce sujet des saisies.

Si vous le souhaitez, je suis prêt à rectifier l’amendement du Gouvernement ou à prendre ici des engagements concernant les objets volumineux devant être apportés directement aux services de police nationaux et à la gendarmerie. Nous pourrions les définir : il ne s’agirait ni de stupéfiants ni de tours Eiffel. Ce n’est évidemment pas à la commune de s’occuper de leur entreposage ou de réaliser le travail d’enquête.

Cependant, ce cas paraît assez exceptionnel, puisque je constate que, si nous ouvrons aux polices municipales, par l’article 1er, le pouvoir de constater des infractions en accédant directement à des fichiers, nous ne leur donnons pas la possibilité de saisir, par exemple, un véhicule qui roulerait à très grande vitesse sur une portion de route municipale. Il est évident que l’officier de police judiciaire (OPJ) serait alors appelé.

Par conséquent, je suis disposé à prévoir que la police municipale puisse restituer à la police nationale ou à la gendarmerie les saisies qu’elle vient d’effectuer, mais, en lien avec l’amendement relatif aux AFD que le Sénat va peut-être adopter et puisque nous parlions des stupéfiants, il me paraîtrait anormal de verbaliser un consommateur de cannabis et de lui laisser sa marchandise, dont on peut être certain qu’il ne la détruira pas lui-même. Il serait absurde que la personne verbalisée doive se présenter au commissariat ou que l’OPJ doive se déplacer pour que cette marchandise de faible quantité soit détruite.

Pour terminer, je veux dire que, pour avoir souvent accompagné des policiers sur le terrain – comme vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs –, y compris lorsque j’étais maire, j’ai déjà vu des policiers nationaux, en dehors du strict cadre légal, détruire eux-mêmes les produits objets du délit, sans même procéder à la verbalisation. Nous savons tous ici qu’une partie des policiers municipaux font sans doute de même lorsqu’ils outrepassent leurs pouvoirs.

L’AFD sera d’autant plus efficace qu’elle sera inscrite au casier de la personne verbalisée et qu’il y aura une destruction encadrée par la loi, comme la Cour de cassation l’a déjà prévu.

Je trouverais donc un peu ubuesque que vous adoptiez l’amendement n° 331 et pas l’amendement n° 332.

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