Intervention de Serge Vinçon

Réunion du 4 décembre 2006 à 15h30
Loi de finances pour 2007 — Défense

Photo de Serge VinçonSerge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de saluer le travail accompli par le Gouvernement, et singulièrement par vous-même, madame le ministre, pendant cette législature, pour améliorer notre outil de défense.

Je m'abstiendrai de développer les données chiffrées de votre budget dont tous les rapporteurs viennent excellemment d'analyser la portée ; je voudrais seulement, pour ma part, souligner quatre points qui me paraissent essentiels.

En premier lieu, la preuve est faite qu'une loi de programmation militaire respectée, c'est possible ! Il reste, certes, deux annuités à courir, mais si les engagements du présent projet de loi pour 2007 sont tenus et à condition, bien sûr, que la première annuité de la prochaine législature suive l'exemple de ces quatre dernières années, nous aurons réussi, pour la première fois, à mettre en oeuvre un travail considérable de modernisation militaire, telle que l'avait voulue le Parlement.

En deuxième lieu, cette modernisation est allée de pair avec la rationalisation de la dépense de défense, symbolisée par la réforme ministérielle que vous avez conduite, madame le ministre, afin de réduire la dépense quand c'était possible ou, en tout cas, de mieux dépenser les crédits considérables confiés à votre ministère.

Par ailleurs, le renforcement, dans de nombreux domaines, de la dimension interarmées ainsi que les pouvoirs d'arbitrages essentiels confiés au chef d'état-major des armées, parallèlement à la logique induite par la loi organique relative aux lois de finances, ne peuvent qu'avoir un impact positif sur le plan budgétaire, mais aussi, et surtout, sur le plan opérationnel.

En troisième lieu, parmi les nombreux postes de dépenses de la mission « Défense », j'en retiendrai deux qui me paraissent emblématiques des contraintes et des impératifs d'une politique de défense moderne.

Le premier poste concerne le maintien en condition opérationnelle, sur lequel nous cumulons deux difficultés : l'entretien très pointu des équipements de haute technologie, tout en devant prolonger la durée de vie d'équipements vieillissants, par définition de plus en plus coûteux à soutenir.

Il semble que, sur ce point, les dépenses réalisées aient substantiellement dépassé les prévisions. Il faut espérer qu'elles n'auront pas grevé les dotations nécessaires aux programmes d'équipements nouveaux.

Le second poste concerne les crédits d'études amont qui ont, depuis trois ans, atteint un niveau considérable, conformément à l'impérieuse nécessité de préparer l'avenir de notre défense et de donner à notre outil industriel, de plus en plus européen, les moyens d'affronter une concurrence toujours plus aiguë.

En quatrième lieu, enfin, je voudrais évoquer ce qui concourt à la légitimité de cette importante masse de crédits sur laquelle nous débattons aujourd'hui, à ce qui en est la traduction quotidienne, pour les hommes et les femmes qui servent dans nos armées : je veux parler de leur engagement dans les opérations extérieures. C'est, à mon avis, à cette aune-là qu'il convient d'appréhender les éléments comptables qui concernent, en particulier, le niveau des effectifs, les capacités d'entraînement, les structures de commandement ou encore la qualité des équipements.

Or nous savons que notre possibilité d'implication dans des engagements extérieurs, parfaitement justifiés par le rôle de la France dans la gestion des crises internationales, n'est pas sans limites.

Mais nous savons aussi que si l'on porte notre regard sur ce que font, concrètement, pour la défense, la plupart de nos partenaires européens, nous nous retrouvons bien seuls à consentir un effort cohérent avec notre engagement diplomatique et avec notre souhait de voir l'Europe jouer pleinement son rôle dans les affaires du monde, rôle qui comporte aussi, par définition, un volet militaire.

Madame le ministre, je voudrais aujourd'hui aborder devant vous notre engagement militaire en Afghanistan, mis en lumière par la dégradation sécuritaire qui règne dans ce pays et par le récent sommet de l'OTAN à Riga, qui y a consacré une large part de ses travaux.

Depuis plus de cinq ans, la France est militairement présente en Afghanistan, et ce à un double titre : d'une part dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité, la FIAS, sous commandement de l'OTAN, où elle assure la sécurisation de Kaboul et, d'autre part, pour quelques semaines encore, dans le cadre de l'opération « Liberté immuable », sous commandement américain, dont la mission est de contrer les attaques des talibans et de leurs alliés contre le nouveau régime afghan.

La situation sécuritaire dans le pays est préoccupante et l'OTAN, on le sait, peine à trouver les ressources nécessaires, tant en hommes qu'en équipements, pour réagir comme elle le voudrait aux actions de plus en plus organisées des talibans.

Les responsables de l'OTAN ont, à plusieurs reprises, sollicité de ses membres un engagement accru dans une mission qui, de facto, rassemble les opérations de stabilisation et de reconstruction de la FIAS et les actions de combat de l'opération « Liberté immuable ».

Dans un contexte qui, désormais, va se situer au-delà de la simple « synergie », longtemps souhaitée par la France, entre ces deux opérations, pourriez-vous, madame le ministre, nous dire quels sont les engagements pris par le Président de la République, au nom de la France, sur la participation éventuelle du contingent français, en dehors de sa zone de stationnement, à des opérations contre les talibans, qui sont particulièrement actifs dans le sud et l'est du pays ?

Face à cette dégradation, la réponse militaire, si elle est certes nécessaire, n'est cependant pas suffisante. En effet, l'État afghan reste à reconstruire pour que son autorité s'étende à tout le territoire. Il faut aussi combattre, par des mesures économiques, politiques, législatives, le trafic de stupéfiants qui enrichit la criminalité, multiplie les milices, nourrit la corruption, et qui ne peut que prospérer compte tenu de l'absence d'autorité étatique que je viens de souligner.

Par ailleurs, l'aide internationale n'a pas su, ou n'a pas pu, résoudre le problème prioritaire de la pauvreté, ni remédier à l'inexistence des infrastructures élémentaires.

Que dire, enfin, du rôle ambigu de certains des voisins de l'Afghanistan, en particulier du Pakistan, qui nécessitera, un jour ou l'autre, une clarification diplomatique ?

C'est tout l'intérêt de la proposition formulée par le Président de la République à Riga, qui tend à créer un groupe de contact réunissant les principaux contributeurs à l'aide militaire et financière à l'Afghanistan, mais aussi ses voisins, afin de réorganiser et de rendre plus cohérente l'action de la communauté internationale dans un pays dont le sort, ne nous y trompons pas, mes chers collègues, conditionne aussi notre sécurité.

Madame le ministre, au-delà de l'Afghanistan, je souhaite vous interroger sur l'avenir de l'OTAN et les liens entre cette organisation et la politique européenne de défense.

N'existe-t-il pas un risque de décalage croissant entre des ambitions toujours plus vastes pour l'OTAN et des capacités réelles qui plafonnent, en raison, notamment, de la réduction de l'effort de défense chez plusieurs de nos alliés européens ?

Par ailleurs, dans la tribune publiée à la veille du sommet de Riga, le Président de la République a souhaité un renforcement des relations entre l'OTAN et l'Union européenne. Il a demandé que la voix de l'Union soit entendue au sein de l'Alliance et que les Européens puissent y établir une concertation spécifique. Madame le ministre, quelle forme pourrait prendre cette concertation, et comment nos partenaires ont-ils reçu cette proposition ?

Enfin, s'agissant de la Politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, le chef de l'État a souhaité donner une dimension permanente au centre d'opérations de l'Union européenne. Pouvez-vous nous détailler les attentes de la France en ce domaine, madame le ministre ?

Monsieur le Président, madame le ministre, mes chers collègues, dans les semaines et les mois à venir, en raison d'échéances électorales cruciales, les Français auront l'occasion de réfléchir à la place et au rôle de la défense dans notre pays, entre autres enjeux.

Pour ma part, je souhaite que, sur un tel sujet, le débat aille au-delà du seul volet budgétaire, comme c'est trop souvent le cas en période préélectorale, afin que chacun ait à l'esprit l'état du monde d'aujourd'hui, un monde de conflits multiples, d'instabilité croissante et de nouvelles menaces sans frontières, un monde que la diplomatie peine à apaiser.

Telle est la véritable raison d'être d'une politique de défense lucide et ambitieuse, comme celle que vous avez conduite depuis cinq ans, madame le ministre.

C'est pour cela, mes chers collègues, et comme la commission des affaires étrangères et de la défense vous le recommande, que je voterai les crédits qui nous sont proposés.

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