... qui doivent être grandes, car les difficultés auxquelles sont confrontés les pays et leurs populations qui nous sont chers sont aujourd'hui plus graves que jamais.
J'abonderai donc dans le sens de Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en évoquant le rôle de la France en Afrique.
Permettez-moi, mes chers collègues, de m'appesantir quelque peu sur ce sujet, car je rentre d'un déplacement réalisé aux côtés du Premier ministre, et qui nous a conduits, Mme Paulette Brisepierre et moi-même, au Tchad, puis en Afrique du Sud.
J'aimerais partager avec vous les enseignements que j'en ai tirés, ainsi que les conclusions qui me semblent s'imposer, d'une part, pour notre doctrine de défense dans la sous-région, sur le continent, et, d'autre part, pour la politique d'engagement de nos troupes sur les théâtres d'opérations extérieurs.
Bien sûr, nous pouvons nous poser des questions : pourquoi l'Afrique ? Pourquoi notre présence sur ce continent ?
De fait, au-delà de nos obligations historiques et humanitaires, nous ne pouvons rester les bras croisés face aux crises qui se propagent rapidement et à la violence qui menace la stabilité du continent, sans parler du fondamentalisme islamique, qui sévit dans certaines régions, ou du terrorisme ; certains groupes semblent s'installer, en particulier dans la corne de l'Afrique.
Notre présence en Afrique est également nécessaire parce que ce continent a besoin de stabilité et de sécurité, pour relever les défis particuliers auxquels il est confronté et trouver sa place dans la mondialisation, mais aussi pour ne pas subir de brutales évolutions sans en tirer des bénéfices.
L'Afrique ne peut pas être seulement la « mine du monde ». L'exploitation illégale de ses ressources par des réseaux mafieux constitue un danger majeur, qui empêche le continent de développer ses entreprises et son industrie. Or une Afrique non développée, c'est l'immigration assurée, avec les conséquences que nous connaissons.
Il peut être bon de rappeler que, d'ici à 2050, la population de l'Afrique aura doublé, quand celle de l'Europe aura diminué. La seule possibilité qui s'offre à nous est donc la conclusion d'un véritable partenariat avec ce continent.
L'Afrique dans la mondialisation contribue à l'équilibre de la planète en matière d'économie, d'environnement, de développement durable et de lutte contre les grandes épidémies, à commencer par celle du sida. Tout cela est lié à notre propre sécurité, et il est important d'y participer, mes chers collègues. C'est ce que font nos quelque 10 000 militaires présents sur ce continent, et nous devons les en remercier.
Il convient de préciser que cet engagement en Afrique s'accomplit en accord avec la communauté internationale et les pays concernés, mais aussi, de plus en plus, dans un cadre européen.
Au lendemain de sa visite au Tchad, un État dont le régime se trouve affaibli par plusieurs rébellions et déstabilisé par la crise régionale du Darfour, le Premier ministre a indiqué que, « face aux crises, la France ne choisit pas un camp, elle choisit la paix. Elle ne défend pas des régimes, elle défend des valeurs ».
Madame le ministre, s'il était besoin de démontrer l'importance de notre présence dans la sous-région, la déclaration du président Idriss Déby y suffirait. En effet, le chef d'État du Tchad a consenti au déploiement d'une troupe mixte composée de soldats de l'ONU et de l'Union africaine, ce qui est heureux, car les troupes françaises se trouvent en première ligne au Tchad, au titre des accords de défense. Ces accords nous avaient déjà permis d'apporter un soutien au gouvernement de ce pays, en matière de logistique et de renseignement, lors d'une tentative de coup d'État, en mai dernier.
À l'occasion d'une question d'actualité, j'avais évoqué l'équilibre précaire qui règne dans ce pays, dont la déstabilisation aurait des conséquences dramatiques pour toute la sous-région.
Le Tchad jouxte le Darfour et abrite 400 000 réfugiés chassés par des combats de cette province de l'ouest du Soudan. Ce conflit, nous le savons, a fait des dizaines de milliers de morts depuis 2003, et les convois d'aide humanitaire à destination des camps installés au Darfour transitent par le territoire tchadien.
Bref, si le Tchad implosait, ou s'il devait sombrer dans une guerre civile généralisée, aucune solution durable ne pourrait être trouvée pour le Darfour et la situation dans toute la zone serait difficilement contrôlable.
C'est pourquoi, madame le ministre, les forces françaises sont totalement impliquées pour préserver cet équilibre fragile, mais primordial, et ce dans toute la région. La communauté internationale nous reconnaît ce rôle clef.
Nous avons rendu visite aux forces françaises au Tchad et nous avons pu apprécier la qualité des hommes et du matériel. Ce constat est rassurant pour nos compatriotes présents sur place, au nom desquels, comme je le leur ai promis, madame le ministre, je vous remercie de la présence de nos troupes, de leur efficacité, de leur compétence et de leur disponibilité. Enfin, j'aimerais adresser une pensée toute particulière au personnel de l'hôpital militaire de N'Djamena, qui accomplit un travail remarquable.
Mes chers collègues, voilà une semaine, l'armée française a renforcé son dispositif au Tchad, qui compte désormais 1 200 hommes bien armés, dans le cadre du dispositif Épervier. Notre objectif est d'apporter un soutien logistique et de maintenir l'ordre intérieur, car des colonnes de rebelles sont régulièrement signalées à l'est du pays.
Nos troupes sont intervenues récemment en Centrafrique, pour reprendre l'aéroport de Birao. En état de légitime défense, elles ont même été amenées à tirer. Elles ont soutenu l'effort du gouvernement pour stabiliser la région.
En ce qui concerne le Soudan, les relations entre le nord et le sud semblent s'enflammer de nouveau, puisque 150 personnes ont été tuées et 400 autres blessées lors de combats dans le sud du pays. La mission de l'ONU a d'ailleurs lancé un appel pour venir en aide aux blessés.
Les affrontements qui se sont produits depuis plusieurs semaines entre soldats soudanais et anciens rebelles du mouvement populaire de libération du Soudan semblent être l'une des plus graves violations de l'accord de paix signé en 2005.
Madame le ministre, comme vient de le rappeler le secrétaire général adjoint des Nations unies aux affaires humanitaires, M. Jan Egeland, les violences au Soudan, au Tchad et en République centrafricaine sont en passe de devenir un seul et même conflit régional de grande ampleur.
Dans les trois pays, il y a des combattants venus de l'un ou l'autre pays, qui franchissent la frontière pour chercher un refuge. Tous appliquent le principe selon lequel « l'ennemi de mon ennemi est mon ami », ce qui crée des complications.
Face à cette montée des tensions dans la région, nous ne pouvons qu'espérer très fermement que se mettent en place des dispositifs hybrides ONU - Union africaine, et ce le plus rapidement possible. Le président du Tchad en a déjà accepté le principe. Reste le Soudan, mais il s'agit là d'un grand point d'interrogation.
Madame le ministre, vous conviendrez que cette situation ne fait que souligner, une nouvelle fois, le rôle et la place de la France dans la résolution des crises africaines.
Cette question fondamentale a fait l'objet d'un rapport de mes éminents collègues ici présents, André Dulait, Robert Hue, Yves Pozzo Di Borgo et Didier Boulaud. Un débat a été organisé sur ce sujet au Sénat, auquel vous avez participé, madame le ministre : vous avez indiqué, notamment, que la gestion des crises africaines ne pouvait être seulement militaire, mais qu'elle était aussi militaire.
Dès lors, pourriez-vous nous rappeler brièvement la position de la France, aujourd'hui, dans cette sous-région en crise ?
L'excellent rapport de nos collègues rappelait qu'actuellement la France s'efforce de faire évoluer le programme RECAMP, renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, et ce dans deux directions : au niveau africain, afin de l'articuler avec les Forces africaines en attente de l'Union africaine, et à l'échelon européen, pour y associer d'autres partenaires et impliquer davantage l'Union européenne. Madame le ministre, quelle place peut tenir le programme RECAMP dans cette sous-région ?
Consciente de ses limites, l'ONU cherche des partenariats pour poursuivre son action de maintien de la paix.
Les organisations régionales de sécurité, prévues par la charte des Nations unies, constituent une déclinaison logique de l'action de l'ONU. Elles offrent certainement une piste de réflexion primordiale pour la redéfinition des objectifs dans l'avenir. Nous pouvons toutefois nous demander s'il existe une place pour un partenariat avec la France, et dans quelles régions.
Pour terminer, je voudrais associer aux félicitations et remerciements adressés aux soldats de la mission Épervier au Tchad tous les militaires français présents en Afrique et dans le monde, en Côte d'Ivoire, bien sûr, mais aussi dans les différents pays où la présence de ces troupes est bien acceptée et très appréciée par nos compatriotes qui résident dans ces pays.