Intervention de André Boyer

Réunion du 4 décembre 2006 à 15h30
Loi de finances pour 2007 — Défense

Photo de André BoyerAndré Boyer :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, alors que nous nous apprêtons à voter, avec ce projet de loi de finances pour 2007, la cinquième annuité de la loi de programmation militaire, je tenterai de dresser un premier bilan de celle-ci, certes modeste, mais qui se veut lucide, et d'esquisser quelques perspectives.

Les systèmes de force prévus par la loi de programmation restent pertinents. Les différents théâtres extérieurs où se trouvent engagées des troupes françaises illustrent l'ampleur et la diversité des besoins de notre outil de défense en matière de projection, au service de notre action diplomatique.

Dans un monde dangereux et incertain, la dissuasion nucléaire reste une garantie dont notre pays ne saurait se priver et un instrument de notre autonomie stratégique.

Dans le même temps, le développement du terrorisme et la diversité des menaces ont renouvelé le besoin de protection du territoire national.

Les annuités prévues par la loi ont bien été programmées avec constance et prévisibilité. Un effort a été engagé sur tous les fronts ; il commence à porter ses fruits dans certains domaines. Le renouvellement des capacités se poursuit et la mission « Défense » concentre même l'essentiel des investissements de l'État.

L'effort consenti est donc plus que substantiel et il est raisonnable de penser qu'un nouvel accroissement ne serait pas supportable pour le budget de l'État.

Au vu des seuls engagements déjà pris, le renouvellement des capacités est-il soutenable dans les années à venir ? À structure constante, la réponse est vraisemblablement négative.

Des programmes très importants prévus par la loi relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 ne démarrent qu'en toute fin de période de programmation - je songe naturellement aux programmes de la marine -, provoquant une « bosse » qu'il sera bien difficile de surmonter. Ces programmes ne sont pas restés dans l'enveloppe prévue au moment de l'élaboration de la loi de programmation : ils ont été recalibrés de façon significative, parfois à hauteur de plusieurs milliards d'euros.

Les crédits d'activité sont déjà placés sous tension. Hors opérations extérieures, l'activité et l'entraînement souffrent de dotations calculées au plus juste.

Le maintien en condition opérationnelle représente plus de trois milliards d'euros en 2007 pour une disponibilité des matériels qui ne progresse que lentement. C'est, de mon point de vue, dans les fonctions de soutien que des marges de manoeuvre peuvent être recherchées, en poursuivant l'effort de rationalisation entrepris au sein tant du ministère que des industries du secteur. Pouvez-vous nous dire, madame le ministre, quelles perspectives d'évolution se dessinent dans ce domaine ?

Je crains que, sans ces évolutions, notre défense ne soit, à brève échéance, confrontée à un dilemme : baisse des coûts ou révision des ambitions. Ne nous y trompons pas : ce n'est pas d'une éventuelle réduction du budget de la défense que nous aurons à discuter après les échéances présidentielles, mais bien des moyens de faire aboutir les programmes actuels sans augmenter démesurément ce budget.

Le partage du fardeau avec nos partenaires européens, dont les budgets de défense se réduisent, n'est pas à l'ordre du jour. Les coopérations européennes restent encore trop souvent des juxtapositions de programmes nationaux au stade du développement ou même de la réalisation : elles ont donc lieu trop tard. Je le regrette, mais nous ne devons pas renoncer : si la France ne joue pas un rôle d'entraînement pour la constitution d'une défense européenne, peu de nos partenaires seront prêts à l'assumer.

En matière de recherche, l'Agence européenne de défense, qui est encore embryonnaire, devrait contribuer à identifier des besoins communs en amont des programmes et à créer des habitudes de travail collectif. Avec l'Agence, nous investissons pour l'avenir. Toute occasion de travailler ensemble sur des programmes - ou même sur le soutien, comme nous envisageons de le faire avec l'Italie - doit être saisie pour renforcer l'intégration industrielle encore insuffisante à l'échelon européen. Dans l'intérêt même de nos capacités nationales, nous tirerons bénéfice à raisonner à l'échelle européenne. À court terme, elle ne résout pas notre dilemme budgétaire, mais, à plus long terme, elle est la seule issue possible.

En conclusion, madame le ministre, je tiens à souligner combien l'effort de redressement de notre outil de défense, s'il est effectivement engagé, est loin d'avoir atteint son rythme de croisière. Il appellera sans doute encore une mobilisation soutenue des crédits budgétaires dans les années qui viennent.

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