Madame le ministre, permettez-moi de parler du budget de la gendarmerie, qui, dans le projet de loi de finances, fait partie d'une mission interministérielle. Cette mission « Sécurité » fera l'objet d'un débat ad hoc le mercredi 6 décembre, mais vous êtes encore aujourd'hui, et malgré le caractère quelque peu « impérialiste » du ministre de l'intérieur, le « ministre intéressé » - c'est le terme employé dans le jargon de la LOLF - au premier chef par ce budget. Voilà pourquoi, sans polémique, je souhaite l'évoquer ici et maintenant.
Je ferai d'abord un rappel, puis je dresserai un constat.
Même si l'action de la gendarmerie recouvre des missions très diverses - la sécurité routière, la police judiciaire, voire la participation à des opérations militaires extérieures - il n'en demeure pas moins que son objet essentiel reste la sécurité publique. Elle assume seule cette responsabilité sur 95 % du territoire, au profit de 50 % de la population.
Le niveau de responsabilité de la gendarmerie est donc grand, très grand, et je veux ici rendre un hommage tout particulier au professionnalisme, au courage, au dévouement et à l'efficacité des gendarmes dans les difficiles et périlleuses missions qu'ils accomplissent souvent au péril de leur vie. J'ajoute qu'il est indispensable de leur donner tous les moyens nécessaires pour bien remplir ces missions.
Or, voici mon constat : la plupart des promesses lancées à partir de 2002, notamment celles qui figurent dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, n'ont pas été tenues. Comme souvent avec ce Gouvernement, les annonces et les effets d'annonces se suivent sans que les faits viennent toujours les corroborer.
Ce constat est à la source d'une inquiétude. À rebours du discours officiel, je peux vérifier, quand je parle aujourd'hui avec des gendarmes - et c'est fréquent -, que le malaise persiste s'agissant, notamment, de leurs conditions de travail, de l'organisation de ce dernier, et de leurs conditions de logement. Il ne sert à rien de cacher cette réalité et ces inquiétudes !
Plus que jamais, la réussite de la mission « Sécurité » en général, et de l'action de la gendarmerie en particulier, devrait se traduire préalablement en termes budgétaires. Or, les rapporteurs, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, l'ont signalé à mots plus ou moins découverts : l'année 2007 est la dernière annuité d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, et force est de constater que ses objectifs ne seront pas atteints.
Un domaine est tout particulièrement édifiant : il s'agit de la création d'emplois annoncée - que dis-je ? claironnée ! - depuis 2002. En effet, le projet de loi de finances prévoit la création de 950 emplois supplémentaires au titre de la LOPSI. À la fin de l'année 2007, s'il n'y a pas de coupes ou de gels de crédits en cours d'exécution, ce sont 6 050 emplois sur les 7 000 emplois prévus par la loi qui auront été créés, soit un déficit de 950 postes au regard de l'objectif annoncé. Bref, seule une annuité supplémentaire permettrait de résorber ce volume. Ainsi, comme pour la loi de programmation militaire, la LOPSI devient une loi élastique : elle se tend ou se détend au gré des difficultés financières du Gouvernement !
Le directeur général de la gendarmerie nationale a reconnu, devant la commission des affaires étrangères, que les fortes contraintes budgétaires ont amené le Gouvernement à « lisser l'exécution » de la LOPSI jusqu'en 2008. Les effectifs affichés ne seront pas au rendez-vous, mais les missions restent les mêmes et elles ont tendance à s'accroître, d'où des conditions de travail et une organisation territoriale dégradées.
Par ailleurs, à la fin de 2007, manqueront au moins 329 millions d'euros sur le titre V ; nous savons aussi que le titre III connaît des insuffisances structurelles, qui rendent aléatoire l'équilibre des crédits de fonctionnement. À l'issue du dernier exercice, un transfert de 21 millions d'euros a été opéré à partir du titre V.
Le logement est aussi un point faible. Certes, des efforts considérables doivent être conduits tant les besoins restent importants, notamment dans le parc domanial, dont plus de 70 % a plus de vingt-cinq ans et qui a atteint un niveau de vétusté en décalage sensible avec le parc des collectivités locales ou le parc locatif hors caserne. Certaines situations d'insalubrité avérée sont incompatibles avec la dignité des personnels de la gendarmerie. Ces efforts ont été programmés, mais ont-ils été convenablement budgétés ?