Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 4 décembre 2006 à 15h30
Loi de finances pour 2007 — Défense

Michèle Alliot-Marie, ministre :

Monsieur Trucy, je comprends que vous ne retrouviez pas, dans ce projet de budget, tous les chiffres prévus dans la LPM. Grâce à la politique de réforme que j'ai menée, j'ai réussi à y mettre de l'ordre, d'une part, en supprimant plus de 6 000 emplois vacants, d'autre part, en économisant 5 366 emplois - parallèlement, les missions des armées ont été assurées - tout simplement en mutualisant certains éléments et en en informatisant d'autres.

Ce faisant, nous avons réussi à rationaliser les effectifs et à recentrer les gens sur leurs qualifications et leurs métiers, notamment dans les missions de soutien.

Quant aux crédits de personnel, qui atteignent plus de 24 milliards d'euros, pensions comprises, ils permettront de financer effectivement les 430 000 personnels du ministère de la défense en 2007. La globalisation de la LOLF nous donne la possibilité de disposer de la souplesse nécessaire pour nous adapter.

La réserve, dont nous avons peu parlé ce soir, fait l'objet de ma part d'une attention particulière. Vous le savez, les armées professionnelles en ont besoin, sur les plans à la fois quantitatif et qualitatif.

C'est la raison pour laquelle ses crédits augmentent de 14 % en 2007, avec 19 millions d'euros supplémentaires. Les engagements dans la réserve atteindront ainsi le nombre de 62 000. C'est, je le rappelle, deux fois plus qu'en 2002.

Le dispositif prévu par la loi sur les réserves en matière de soutien des forces par les entreprises a été - je vous le signale, puisque vous avez voté ce texte à l'unanimité - mise en oeuvre pour la première fois au Liban. Il s'agit donc d'une application très rapide d'un texte que la Haute Assemblée a bien voulu voter.

Les problèmes de personnel se posent en termes non seulement de quantité, mais aussi de qualité de vie des militaires. Les plans d'amélioration de la condition du personnel militaire, qui représentent 66 millions d'euros, sont mis en oeuvre. Ils sont complétés également par 15 millions d'euros destinés aux civils. En effet, la défense, ce sont des militaires et des civils !

En ce qui concerne le logement, sur lequel M. Boulaud m'a interrogée, j'ai effectivement mené une réorganisation de la conduite de la politique immobilière. Celle-ci se traduit notamment par le regroupement des crédits immobiliers, sous l'égide du secrétaire général pour l'administration, par la création d'un service d'infrastructures, par la réforme de la fonction dépollution, laquelle est extrêmement importante pour nous, par l'externalisation de la gestion de logements, notamment de la gendarmerie, et par des cessions immobilières, pour lesquelles nous sommes en tête des ministères. Dans le même temps, ces choix nous permettent de conduire de grands projets immobiliers, à Paris et dans la région parisienne, notamment, pour le logement des militaires, qui rencontrent de grosses difficultés dans ce domaine.

Nous avons donc un plan de logement des militaires, dont les crédits sont garantis. Nous appliquons celui qui avait été prévu en 1997, en adaptant les normes, qui n'étaient pas au même niveau à l'époque.

Une telle réponse est adaptée. Nous allons y ajouter de nouvelles possibilités, notamment avec l'utilisation des fonds de prévoyance des militaires, qui pourront être consacrés à la création de logements nouveaux.

Enfin, au-delà des aspects budgétaires, je suis également fière d'avoir, depuis 2002, placé la défense à la pointe de la réforme de l'État.

Vous connaissez les principes des réformes de fond que j'ai menées ; on en a souvent parlé ici. Ce sont la clarification des responsabilités, la mutualisation des moyens et la diversification des modes de gestion. Derrière tout cela, se profile une idée : quand on entre au ministère de la défense, on a envie de servir la France dans certaines activités et il faut permettre à ceux qui nous rejoignent de pouvoir le faire.

Monsieur Dulait, tout cela correspond à une gestion moderne des effectifs, en parfaite cohérence avec une armée professionnelle. Comme l'a dit M. Pozzo di Borgo, il faut faire mieux en dépensant moins, mais il faut surtout faire en sorte que ceux qui travaillent au service de la défense soient toujours heureux d'avoir choisi cette voie.

En 2006, j'ai créé la direction générale des systèmes d'information et de communication, DGSIC, et j'ai également choisi, dans un certain nombre de domaines, sans aucune idéologie, de recourir plus souvent à l'externalisation et aux contrats publics-privés.

Sur ce dernier point, même si nous ne sommes pas toujours aidés par les règles en matière de TVA, comme l'ont souligné les rapporteurs spéciaux MM. Fréville et Trucy - à ce propos, je remercie le Sénat de s'être impliqué -, l'actualité est chargée.

Le marché d'externalisation des véhicules de la gamme commerciale va être notifié dans les prochains jours.

L'externalisation de la gestion immobilière de la gendarmerie sera mise en oeuvre en Île-de-France et dans les régions PACA et Nord - Pas-de-Calais à la fin du premier trimestre de 2007. Cela nous permettra de répondre à certains des besoins de mise aux normes et de rénovation rapide.

S'agissant de l'externalisation de la formation de base sur les hélicoptères, vous avez tout à fait raison, monsieur Trucy ; je ne vais pas nier que les économies ont effectivement été inscrites dans le budget pour 2006, alors que, en réalité, la signature du contrat interviendra en 2007. Il y a là un petit décalage, car nous avions été trop optimistes sur les procédures.

Le nombre des contrats de partenariat engagés par la défense place aujourd'hui le ministère en première ligne, au sein de l'État, pour ce nouveau mode de financement des projets.

Au total, en cinq ans, la politique de modernisation du ministère de la défense a permis d'économiser 568 millions d'euros, soit 2 % de gains de productivité, monsieur le président de la commission des finances.

La modernisation du ministère et le renforcement de son efficacité ont été menés en préservant la capacité des armées à remplir leurs missions. La qualité de soutien s'est améliorée et les militaires peuvent aujourd'hui se concentrer sur leur « coeur de métier ».

Voilà pour aujourd'hui ; mais il est aussi de notre responsabilité de nous projeter dans l'avenir. Demain, une politique de défense ambitieuse demeure une nécessité pour la France, j'aurais même tendance à dire pour le monde.

Même si nous avons réduit l'écart, l'effort de défense français reste inférieur à celui de la Grande-Bretagne. Il n'y a aucune raison que nous apportions à la sécurité de nos concitoyens, à la défense de nos intérêts, à la paix, moins de moyens que ne le fait le gouvernement de Londres ! Nous devons d'autant moins agir ainsi que la France est, et sera - ne nous faisons aucune illusion -, confrontée à des risques stratégiques majeurs : le terrorisme ; la prolifération, dont nous avons surtout parlé à propos du nucléaire, mais je vous rappelle qu'elle concerne aussi les autres armes de destruction massive ; les conflits régionaux, qui n'ont pas cessé et qui sont même en train de se développer - regardez ce qui se passe en Afrique, en Asie centrale, au Moyen-orient.

Bref, l'actualité nous montre que le danger est extrême et qu'il va croissant. Nous sommes loin de la paix que certains avaient, quelque peu innocemment, envisagé à la fin de la guerre froide.

N'oublions pas non plus que nous avons des devoirs liés à notre statut particulier. La crise libanaise l'a confirmé : la défense est un élément-clé de notre capacité d'influence et de notre rayonnement.

Notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU nous oblige à maintenir en permanence notre outil de défense pour qu'il soit en mesure d'intervenir rapidement, n'importe où et avec des moyens importants lorsqu'il s'agit d'empêcher le développement d'un conflit ou d'essayer de le faire cesser.

La France doit et devra conserver ses capacités dans les domaines à caractère vital.

Le premier est la force de dissuasion. Ne l'oublions pas, c'est l'ultime garantie contre les menaces extérieures. Elle doit donc être préservée et, pour cela, madame Luc, elle doit être modernisée. En effet, il n'y a pas de dissuasion si l'on n'est pas crédible et, pour être crédible, il faut effectivement moderniser. Comme l'ont souligné MM. Pintat et Peyrat, la poursuite de la modernisation de nos capacités est une nécessité vitale. Si l'on ne modernise pas, il vaut mieux tout arrêter.

Madame Luc, il n'y a pas de changement de posture de la France en matière de dissuasion, le Président de la République l'a bien dit. Il est important de prendre cela au sérieux, car nous ne pouvons pas être naïfs en la matière. Nous devons être réellement dissuasifs, ce qui suppose que nous modernisions ce qu'il est nécessaire de moderniser, y compris notre façon d'analyser les risques. Mais, pour autant, je le répète, notre posture est bien la même.

En dehors de la dissuasion, il y a l'espace. Il doit être aussi l'objet de notre ambition pour la défense, dans l'avenir. Il devra figurer dans les priorités de la prochaine loi de programmation militaire, car c'est là que se jouera, demain, la compétition pour la suprématie militaire et pour la reconnaissance de la puissance diplomatique internationale, tout simplement.

J'en viens aux trois questions que vous m'avez posées, monsieur Pintat

La première porte sur les satellites de télécommunications.

Plusieurs scénarios sont à l'étude : l'acquisition patrimoniale d'un troisième satellite Syracuse - ce qui était initialement envisagé -, l'acquisition de ce troisième satellite en partenariat public-privé, la location de services satellitaires, à l'instar de ce que font les Britanniques, enfin, la recherche d'une solution duale en coopération avec l'Italie, c'est le projet Athena.

J'ai fait mener des analyses comparatives : nous serons en mesure de choisir un scénario de référence au cours du premier trimestre 2007.

Votre deuxième question, monsieur le sénateur, concerne les satellites d'observation.

En la matière, le temps est venu de penser à la nouvelle génération de satellites. C'est ce que nous appelons le projet « post Helios II ».

Un besoin opérationnel commun a été défini et approuvé par la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Belgique et la Grèce. Un accord a été préparé entre ces pays pour permettre la réalisation et le financement en commun de la phase de préparation. Nous devrions le signer dans les tout prochains jours.

Par ailleurs, dans le cadre du partenariat entre le CNES et la défense, plusieurs études d'architecture sur la composante optique ont été lancées par le CNES au mois de septembre dernier.

Votre troisième question porte sur les possibilités de coopération en matière de renseignement d'origine électromagnétique.

Ces possibilités restent ouvertes : une coopération sur un tel système spatial peut reposer sur un recueil partagé des données brutes de renseignement, chaque pays restant autonome sur l'exploitation de ces données.

Aux orateurs qui ont évoqué l'Europe, je répondrai qu'une défense française forte est une impérieuse nécessité.

Depuis 2002, nous avons avancé. Je vous rappelle que, à l'époque, l'Europe de la défense était un beau projet, mais rien de plus. Depuis, l'Agence européenne de l'armement a été créée ; les groupements tactiques 1500, c'est-à-dire la force d'intervention très rapide européenne terrestre, sont en place et nous prévoyons la même chose pour les secteurs naval et aérien ; enfin, la force de gendarmerie européenne que j'avais proposée est désormais une réalité.

En Bosnie et en République démocratique du Congo, plus de 8 000 hommes, dont 1 600 Français, sont engagés sous commandement de l'Union européenne.

Certains répètent « Europe, Europe ! », pensant qu'elle va permettre de tout régler. Mais il ne suffit pas de vouloir des programmes en coopération pour les obtenir et, ensuite, baisser notre budget national. Ne nous faisons aucune illusion en la matière !

Dois-je rappeler que les frégates européennes multimissions, FREMM, le porte-avions, la plupart de nos missiles, notre nouvel avion de transport, l'A 400M, l'hélicoptère Tigre, l'hélicoptère NH 90, le programme Hélios sont réalisés en coopération ?

Dois-je rappeler aussi que je ne sais pas comment faire en sorte que nos partenaires prévoient et votent le budget pour avancer ? Nous ne pouvons pas les obliger ; nous ne pouvons que les convaincre.

Dois-je rappeler, en ce sens, les efforts accomplis par le Président de la République ?

Dois-je rappeler mon combat permanent pour concrétiser un certain nombre de projets qui étaient encore virtuels en 2002 et pour en engager de nouveaux ?

Dois-je rappeler que la France est le seul pays européen à participer à la quasi-totalité des programmes qui ont été confiés à l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR ?

Oui, la France est exemplaire en la matière et l'on doit nous encourager, plutôt que de critiquer notre action, puisque nous faisons mieux que les autres ! Aujourd'hui, c'est en effet la France qui entraîne les autres pays ; je le constate depuis bientôt cinq ans.

La France n'y parvient - et j'ai vu les choses changer du jour au lendemain - que parce que nous arrivons avec une loi de programmation militaire, la garantie que cette loi sera réalisée et que des efforts financiers importants seront consentis, certifiant tout simplement, de façon quelque peu pragmatique, que de l'argent sera mis sur la table !

Je vous affirme qu'il n'y aura pas d'Europe politique sans Europe de la défense et qu'il n'y aura pas d'Europe de la défense sans un effort militaire français prolongé dans la durée et accompagné d'une volonté française de la faire avancer !

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