Restent quelques questions auxquelles je n'ai pas répondu, parce qu'elles n'entraient pas nécessairement dans le cadre des propos que je viens de tenir.
Monsieur le président Vinçon, vous m'avez interrogée sur la situation en Afghanistan, et notamment sur ce qui s'est dit au cours du sommet de Riga.
M'y rendant tous les six mois, je constate que la situation a certes progressé en Afghanistan, mais qu'elle demeure très fragile. Nous assistons en effet à la jonction des talibans, des seigneurs de la guerre et des trafiquants de drogue pour déstabiliser le gouvernement en place.
Notre but est d'aider à la stabilisation de ce pays, non seulement pour notre propre sécurité, mais encore parce qu'il joue un rôle majeur dans la stabilité de l'Asie centrale.
Des engagements ont été pris au sommet de Riga afin que la FIAS dispose des forces, des ressources et de la souplesse nécessaires à l'accomplissement de ses missions de stabilisation. Ces missions, qui ne sont pas seulement militaires, ont pour but de mettre les forces afghanes en situation de prendre notre relève et d'assurer elles-mêmes, au fur et à mesure, le travail que nous y faisons.
Le Président de la République a précisé quel sera l'effort de solidarité supplémentaire de la France vis-à-vis de ses alliés. Nous enverrons deux hélicoptères de transport, nous prolongerons la présence de notre détachement aérien à Douchanbé, qui intervient de plus en plus souvent lors d'accrochages sévères qui ont lieu dans le sud de l'Afghanistan, et nous renforcerons également - c'est très important - notre assistance en formation à l'armée afghane pour que celle-ci soit mieux à même de remplir ses missions.
Nous avons également autorisé, au cas par cas, l'emploi de nos forces en dehors de Kaboul pour porter secours à nos alliés en tant que de besoin.
Madame Luc, comme vous l'avez souligné, la réponse militaire n'est pas suffisante. Je l'ai toujours dit. C'est bien pour cette raison que non seulement nous agissons en faveur de la sécurité dans ce pays, mais encore que nous l'aidons également à se développer économiquement, socialement et sur le plan de l'éducation. C'est aussi la raison pour laquelle le Président de la République a pris l'initiative de créer un groupe de contact international sur l'Afghanistan.
Qu'il s'agisse de l'Europe, des associations internationales ou des ONG, nous faisons beaucoup pour l'Afghanistan. Mais, certains oeuvrant séparément, ces actions sont souvent totalement dispersées. Le groupe de contact aura donc pour mission de mieux les coordonner et d'agir davantage en faveur du développement, en lui donnant plus de visibilité, pour ainsi favoriser la consolidation des institutions en tirant bénéfice de la stabilité créée par les forces militaires.
M. Del Picchia a évoqué la question de la politique de la France en Afrique ; Mme Garriaud-Maylam a plus précisément cité le cas de la Côte-d'Ivoire.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très préoccupée par ce qui se passe en Afrique. Aujourd'hui, ressurgissent des affrontements interethniques qui bousculent les frontières et qui, en même temps, sont souvent à l'origine de massacres. Empêchant les populations de vivre sur place, ils les contraignent à de très importants déplacements.
Le développement économique et la sécurité sont liés : il n'y aura pas de développement économique sans sécurité, et il n'y aura pas de sécurité sans développement économique.
Il faut donc que nous essayions d'agir en étant aussi respectueux que possible des sensibilités locales et en sachant que notre action seule n'est pas suffisante.
Là encore, l'Europe a un rôle important à jouer. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à mes collègues européens, qui l'ont accepté, que nous soutenions ensemble l'initiative ReCAMP, c'est-à-dire le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, dans le domaine de la formation, de l'entraînement et de l'équipement des forces.
Dans le même temps, il convient que soit engagée une action de développement importante. À cet égard, les instances internationales doivent sans doute mieux jouer leur rôle.
En Côte-d'Ivoire, c'est peu ou prou ce schéma de lutte interethnique pour le pouvoir qui prévaut, avec toutes les conséquences dramatiques qui s'ensuivent pour les écoles, les dispensaires ou, tout simplement, les capacités de production du pays.
Madame Garriaud-Maylam, notre présence sur place était justifiée par notre volonté de protéger nos concitoyens et d'éviter les massacres interethniques. Mais il faut aussi savoir que l'ONU n'accepte le maintien de ses forces destinées à faire respecter, non sans mal, les résolutions qu'elle a votées qu'à la condition que nous-mêmes soyons également présents.
Mon souhait est non pas que nous restions, mais que nous puissions partir le plus rapidement possible, tout en garantissant aux Ivoiriens qu'ils auront droit à un gouvernement issu d'élections démocratiques, libres et transparentes. C'est l'unique but de cette mission.
Monsieur le président Vinçon, vous m'avez également interrogée sur l'évolution de l'OTAN et sur la place de l'Europe de la défense.
À Riga, a été répété avec beaucoup de force ce que je dis depuis longtemps : l'OTAN est une alliance militaire entre Européens et Nord-Américains, et elle doit le rester.
Cela signifie qu'elle n'a pas à consacrer ses moyens qui sont déjà insuffisants - on le voit en Afghanistan - à des missions qui n'entrent pas dans son champ de compétence.
L'ONU est la seule instance politique à vocation universelle et l'OTAN n'a pas pour rôle d'être une petite ONU bis.
En outre, nous sommes toujours très heureux que certains pays mettent leurs forces à la disposition de l'OTAN et nous fassent profiter de leur connaissance du terrain. Pour autant, ils ne sont ni Européens ni Nord-Américains. Ce sont donc des partenaires, avec lesquels les relations doivent être privilégiées et développées. Mais, encore une fois, il convient de respecter les accords passés.
De plus, pour rendre l'outil militaire plus efficace, il est indispensable que tous les États membres fassent un important effort de défense. Il n'est pas possible que cette tâche incombe à seulement quelques États, dont la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. Il faut que les autres pays, qui souvent sont très demandeurs de notre intervention, montrent eux aussi qu'ils sont décidés à prendre leur part du fardeau et envoient plus qu'un, dix ou vingt hommes sur le terrain.
Une Europe de la défense plus forte - la problématique est un peu la même - renforcera la capacité de l'Alliance dans son ensemble quand la première participera à des actions de le seconde. La France a, d'ailleurs, pris le commandement de telles opérations à plusieurs reprises.
L'Europe doit, bien entendu, être capable également d'intervenir par elle-même, comme elle le fait aujourd'hui en République démocratique du Congo ou en Bosnie et comme elle l'a fait en Macédoine. Mais il faut qu'elle en ait les moyens, qu'il s'agisse de moyens communs - le centre d'opérations de l'Union européenne sera mis en oeuvre dès 2007 - ou des moyens individuels de chaque État.
Mme Luc m'a interrogée sur les armes à sous-munitions.
D'un point de vue opérationnel, ces armes remplissent des fonctions qu'aucune autre arme n'est en mesure de remplir à ce jour. Pour autant, nous sommes extrêmement rétifs à leur utilisation, pour des raisons humanitaires, parce qu'elles restent sur le terrain après les conflits.
J'ai assisté, en septembre, à des opérations de déminage au Liban. Je puis attester que, lorsqu'elles se trouvent dans un buisson épineux ou dans un arbre, ces sous-munitions demeurent invisibles et sont source d'accidents.
L'armée française possède des armes à sous-munitions. Elles ont été fabriquées entre 1989 et 2002, date à laquelle leur production a été arrêtée. En tout état de cause, les armées françaises ne les ont plus utilisées depuis 1991.
Nous appuyons toutes les conventions internationales tendant à limiter les utilisations de ces armes à sous-munitions. Ainsi, l'une d'entre elles, que nous avons signée, est entrée en vigueur en novembre 2006. Elle oblige ses signataires à dépolluer les zones touchées. C'est un grand progrès. Il est malheureusement regrettable que tous les pays n'aient pas fait de même.
La plupart des États qui sont détenteurs ou utilisateurs de ces armes sont opposées à une interdiction totale de leur utilisation. La situation est donc bloquée parce nous ne pouvons agir seuls. Néanmoins soucieuse, au-delà de son action pour la signature des conventions internationales en la matière, de garantir une protection maximale pour les populations en cas de conflit, la France veille à améliorer la fiabilité des sous-munitions, en essayant, par exemple, qu'elles puissent être détruites très rapidement après usage, de façon à éviter ces drames auxquels nous assistons trop souvent.
Madame Garriaud-Maylam, je rappelle que la France participe aux opérations de déminage. Nous avons, d'ailleurs, eu à déplorer la mort d'un de ces militaires qui travaillent pour permettre aux populations de vivre sans ce risque permanent.
Dans le cadre du « cinq plus cinq » avec les pays du Maghreb, nous envisageons la création d'une école de déminage en Libye. Il convient d'examiner attentivement ce projet qui, s'il se concrétisait, permettrait à l'Europe de disposer d'une nouvelle école de déminage.
M. Boulaud a évoqué la création d'une délégation parlementaire au renseignement. Vous savez que j'y suis favorable. Le Gouvernement examine la possibilité d'inscrire à l'ordre du jour des premiers mois de l'année 2007 un projet de loi visant à sa création. C'est que nous avons souhaité ensemble.
Monsieur Trucy, vous m'interrogez sur l'opération « Défense deuxième chance ».
Créé par ordonnance en août 2005, l'établissement public d'insertion de la défense a ouvert son premier centre à la fin de septembre 2005 - cela montre notre réactivité. Les ouvertures de centres se sont succédé ; ils seront une vingtaine à la fin de l'année 2006. À cette date, près de 3 000 jeunes en difficulté auront pu bénéficier de ce dispositif, qui connaît aujourd'hui un développement accéléré.
Les résultats obtenus sont prometteurs. Le taux de réussite au certificat de formation générale est de 95 %. Je rappelle qu'un tiers des jeunes volontaires étaient illettrés en entrant dans ces centres. On peut mesure le travail qui y est fait. Le taux de réussite aux différents certificats de qualification professionnelle est aussi de 95 %. Ces résultats sont tout à fait remarquables.
À ce jour, la quasi-totalité des volontaires qui ont achevé le cursus ont soit trouvé un emploi, soit poursuivi leur formation professionnelle pour bénéficier d'une meilleure qualification.
Enfin, madame Garriaud-Maylam, vous m'avez interrogée sur la JAPD hors nos frontières.
Les attachés de défense et les réservistes sont très sensibilisés à cette question. Ils peuvent être d'une grande aide en l'espèce. Il est vrai, néanmoins, que la dispersion géographique ne facilite pas la mise en oeuvre à l'étranger de la JAPD. Mais son programme, et notamment les différents modules relatifs à l'histoire de notre pays ou à sa place dans le monde, répond à votre souci de montrer ce qu'a été, dans l'histoire, l'action de la France en faveur de la paix et ce qu'elle peut et doit être actuellement.
Il est, en effet, extrêmement important que nous sachions non seulement transmettre notre conviction et notre ambition, mais encore montrer une voie pour les jeunes.
Aujourd'hui, les jeunes Français sont trop souvent inquiets pour leur avenir, mais ils sont également à la recherche de repères, voire d'un idéal. Alors, ensemble, quel plus bel idéal pouvons-nous leur offrir que celui de se mettre au service de la paix et au service de la France.