D'ailleurs, Bercy a déjà calculé l'économie pour les finances de l'État et la perte salariale, soit 6 % environ sur la fiche de paie d'un enseignant.
Quant aux frais de déplacement, l'ensemble des personnels nous ont fait part des difficultés qu'ils rencontrent pour leur remboursement.
Je n'insiste pas sur la lente érosion du budget qui se manifeste, entre autres choses, par la diminution du nombre d'adultes dans les établissements, mais il est vrai que le ministre de l'intérieur et vous-même souhaitez remplacer les personnels de l'éducation nationale par des policiers...
Cette érosion ne peut que détériorer de manière inexorable les conditions de scolarisation et de travail des enseignants, alors que la lutte contre l'échec scolaire doit au contraire nous inciter à renforcer l'équipe éducative.
À cet égard, la mise en oeuvre généralisée des programmes personnalisés de réussite éducative, en dépit d'un récent rapport de l'Inspection générale qui souligne « l'absence d'avancée significative dans l'aide aux élèves en difficulté », est parfaitement incohérente, d'autant que les 1 000 assistants pédagogiques seulement affectés à cet effet travailleront à mi-temps, comme M. Richert l'a d'ailleurs indiqué dans son rapport.
J'en viens à la complémentarité des personnels de la communauté éducative en matière de lutte contre l'échec scolaire ; médecins scolaires, psychologues scolaires et conseillers d'orientation-psychologues, ou conseillers d'orientation psychologues, infirmières et infirmiers scolaires, assistantes et assistants sociaux, ils sont toutes et tous en nombre plus qu'insuffisant !
Certes, vous créez 300 postes d'infirmière, mais c'est en vertu de la loi Fillon sur l'école et sans aucune véritable concertation avec les principales concernées. En effet, la répartition de ces postes reste plus que floue, certains d'entre eux devant être prioritairement attribués aux 249 établissements « ambition réussite », les autres répondant à des critères d'attribution bien complexes, ne tenant pas compte de la légitime revendication des infirmières visant non pas à « identifier » une infirmière par établissement mais à permettre la présence de l'une d'elles en permanence.
Quant aux médecins scolaires, seulement 85 postes sont ouverts au concours en novembre 2006 et à peine 10 postes sont créés en médecine scolaire - et encore, ils le sont par un amendement voté par l'Assemblée nationale ! -, alors que la moyenne est d'un médecin scolaire pour 7 678 élèves.
Et que dire du manque de matériel, tant informatique, pour les services administratifs, que médical ?
Je n'en dirai pas davantage sur les conséquences que recouvrent ces chiffres, car toutes et tous nous les connaissons parfaitement.
De plus, alors que la loi du 11 février 2005 a permis la scolarisation en milieu ordinaire des élèves handicapés et suscité beaucoup d'espoirs et d'attentes de la part des jeunes et de leur famille, le manque de personnels qualifiés rend la scolarité de ces élèves très aléatoire.
Quant aux auxiliaires de vie scolaire, censés accompagner ces élèves dans leur scolarité, ils seront pour la plupart recrutés sous contrat d'avenir ou sous contrat d'accompagnement dans l'emploi. Or, non seulement ces contrats sont précaires et induisent donc une inéluctable rotation des personnels, mais ils ne requièrent aucune qualification à l'embauche.
Ainsi, là où il faudrait des emplois stables avec des personnels formés et qualifiés, vous instaurez un dispositif particulièrement instable.
Il en est ainsi pour l'aide donnée aux directeurs d'école, transformés en directeurs des ressources humaines ! Quant aux proviseurs, elles et ils ont manifesté dimanche 26 novembre pour la première fois depuis douze ans, justement pour dénoncer la baisse constatée dans le budget de fonctionnement de leurs établissements.
Monsieur le ministre, allez-vous continuer à nous parler d'égalité des chances là où il faut parler d'un droit à l'éducation pour toutes et tous ?
Force est de constater que cette égalité n'existe pas aujourd'hui.
Par exemple, les zones rurales et montagnardes se caractérisent toujours par une offre éducative plus restrictive et plus onéreuse que sur le reste du territoire. Pourtant, contrairement aux préjugés, la réussite scolaire est indéniable dans ces écoles aux atouts multiples, la classe à plusieurs niveaux en étant le principal.
Quant à l'enseignement agricole, public ou privé, il subit lui aussi des diminutions. Mais je souhaite insister sur la baisse des moyens octroyés à l'enseignement public. Tant en postes, en dotations globales horaires, en enseignements facultatifs qu'en formation continue, ces moyens ont été réduits comme peau de chagrin depuis 2003, ce qui a contraint plusieurs établissements à refuser des élèves.
À ce propos, monsieur le ministre, je tiens à votre disposition une pétition exprimant la colère des personnels de l'enseignement agricole public, déjà signée par un peu plus de 2 200 personnes auxquelles s'ajoutent chaque jour de nouveaux signataires.
Ces personnels dénoncent une disparité de traitement dans la politique menée, notamment, en matière de dégels budgétaires. En effet, après une forte disparité dans le budget de 2006, l'enseignement agricole public n'a pas été destinataire du moindre euro sur les crédits dégelés par M. Bussereau, et cela malgré les engagements pris par ce dernier.
J'ai appris à cette occasion qu'existaient des « décrets de virement » permettant, en dehors de tout contrôle du Parlement, des prélèvements entre programmes décidés unilatéralement et tout à fait arbitrairement par Bercy. M. Arthuis pourra d'ailleurs peut-être nous éclairer à ce sujet.
Je dirai pour terminer quelques mots sur la diffusion de la culture dans nos écoles, et, à nouveau, je vous invite à parcourir le plan Langenvin-Wallon : « Nous concevons la culture générale [...] comme une initiation aux diverses formes de l'activité humaine, non seulement pour déterminer les aptitudes de l'individu, lui permettre de choisir à bon escient avant de s'engager dans une profession, mais aussi pour lui permettre de rester en liaison avec les autres hommes, de comprendre l'intérêt et d'apprécier les résultats d'activités autres que la sienne propre, de bien situer celle-ci par rapport à l'ensemble...
« Une culture générale solide doit donc servir de base à la spécialisation professionnelle et se poursuivre pendant l'apprentissage de telle sorte que la formation de l'homme ne soit pas limitée et entravée par celle du technicien. »
Or, avec le socle commun de connaissances et de compétences que vous imposez dans nos écoles, vous êtes à mille lieues de cette conception !
Par là même, vous privez nos jeunes d'une possible formation tout au long de la vie, formation dont vous vantez pourtant les bienfaits.
Pour le groupe du CRC, cette conception est toujours d'actualité, non pas par nostalgie d'une école d'antan, qui reviendrait à une méthode syllabique d'enseignement de la lecture, à la bivalence des enseignants ou à la primauté de la grammaire dans les programmes, mais parce que nous vivons dans un monde marqué par l'explosion des savoirs et la révolution de l'information.
Aussi, les métiers impliquent de plus en plus de qualifications, de même qu'il n'est plus rare de changer plusieurs fois de métier dans une vie professionnelle. Tous ces bouleversements supposent la mise en place d'un système de formation tout au long de la vie qui ne peut être viable sans une formation initiale scolaire de haut niveau.
Monsieur le ministre, telle est notre ambition pour une école de la réussite pour toutes et tous nos jeunes ; telle n'est pas la vôtre. Aussi, nous nous opposerons au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».