Intervention de Yannick Bodin

Réunion du 4 décembre 2006 à 22h30
Loi de finances pour 2007 — Enseignement scolaire

Photo de Yannick BodinYannick Bodin :

...ce qui peut en effet paraître beaucoup, les crédits destinés à l'enseignement scolaire enregistrent pourtant une baisse de 0, 3 % en euros constants et de 2 % à structure constante ! Encore une fois, les collèges et les lycées payent un lourd tribut à l'équilibre budgétaire avec 9 000 postes de moins sur l'ensemble de la mission.

Chaque fois que l'on vous pose la question, monsieur le ministre, vous expliquez cette baisse de l'encadrement par une baisse du nombre des élèves, mais vous conviendrez que depuis cinq ans vous supprimez plus facilement des postes que vous n'en créez ! Un emploi supplémentaire est créé pour soixante élèves supplémentaires dans l'enseignement primaire, alors qu'il y a une suppression pour onze élèves en moins dans l'enseignement secondaire.

Ces suppressions, ces non-recrutements et les départs à la retraite ne font que creuser le fossé entre les besoins de l'éducation nationale et les moyens que vous y mettez. Quelle contradiction entre les paroles et les actes, mais surtout entre les besoins réels et votre budget !

Vous avez une vision strictement comptable de l'éducation. Loin de vouloir vous attaquer aux inégalités, vous les accentuez et vous segmentez les niveaux d'éducation.

L'enseignement secondaire est maltraité. Or c'est là que les besoins sont importants, notamment pour garantir l'égalité des chances ou éventuellement pour orienter les jeunes vers des filières d'apprentissage.

À ce propos, la loi pour l'égalité des chances préconisait la mise en place du dispositif « apprenti junior ». Nous avons eu l'occasion de dénoncer cette mesure, car elle ne résout en rien les problèmes de scolarisation des élèves les plus fragilisés et risque même d'aggraver la situation. Au lieu d'accorder une attention supplémentaire à chaque enfant et de mobiliser les moyens adéquats pour lui offrir une chance de se former, le Gouvernement a choisi d'orienter des élèves d'une façon prématurée.

Je tiens ici à rappeler que l'apprentissage à quatorze ans est une mesure inefficace, injuste et réactionnaire. Elle est loin d'ailleurs de rencontrer le succès que vous escomptiez, les professions restant elles-mêmes très réservées. Il suffit d'écouter leurs représentants pour s'en convaincre !

La situation des directeurs des établissements primaires est, elle aussi, préoccupante : bien que vous ayez accordé une journée de décharge de classe pour les directeurs à quatre classes, vous ne leur offrez qu'une prime de 15 euros par mois. C'est dérisoire !

Surtout, vous négligez le fait que, en dessous de quatre classes, les directeurs ont aussi des tâches administratives et d'animation à accomplir. Comptez-vous ainsi favoriser des vocations de directeur ?

Je pourrais tenir des propos de même nature concernant les proviseurs et les principaux, qui ont manifesté massivement ces jours derniers pour vous dire leur désarroi et exprimer leurs besoins. Cela faisait bien longtemps que des chefs d'établissement n'étaient pas descendus dans la rue ! Le sens de leur mouvement n'en est que plus fort.

Vous avez créé les collèges « ambition réussite », mais les postes que vous leur attribuez sont en fait retirés à d'autres collèges qui sont tout autant en difficulté ou en passe de l'être ! L'éducation prioritaire, c'est donner plus à ceux qui en ont besoin, mais pas en retirant des moyens là où cela va à peine mieux !

Les collèges « ambition réussite » ne profitent que du redéploiement de 1 000 postes que l'on obtient en supprimant les heures de soutien scolaire en cinquième et en quatrième, ainsi que les travaux personnels encadrés en terminale ! Dans ces conditions, je doute que vous puissiez arriver à l'objectif, pourtant indispensable à atteindre, de quinze élèves par classe dans les collèges « ambition réussite ».

Les crédits que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, sont en totale contradiction avec vos discours sur l'aide individualisée et sur le renforcement de la présence des adultes, notamment pour lutter contre la violence.

Quant à la note de vie scolaire, je vous en prie, monsieur le ministre, renoncez-y ! Comme nous le craignions, elle n'a plus aucun sens avant même d'avoir été mise en oeuvre. Certains établissements refusent tout simplement de noter les élèves, dans d'autres, c'est 20 sur 20 pour tout le monde, là, c'est le prix de camaraderie, ailleurs, une note de non-absentéisme, mais, le plus souvent, c'est la fameuse note de conduite comme au siècle dernier...

Bref, il est grave qu'une note soit attribuée uniquement sur des critères subjectifs - j'insiste sur ce mot - variant d'un établissement à l'autre, et surtout qu'elle soit prise en compte pour l'obtention du brevet.

Enfin, je voudrais profiter de cette tribune pour soulever le problème de l'orientation. Nous avons déjà évoqué ce sujet vendredi dernier en séance publique, lors du vote des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Comment voulez-vous faire régresser sérieusement l'échec en première année d'université lorsque certains lycées ne reçoivent la visite de quelques conseillers d'orientation que deux fois par an ? Ceux-ci sont d'ailleurs tellement peu nombreux que les élèves ne les connaissent pas suffisamment pour seulement penser à aller leur demander conseil ! Et pourtant, le succès dans les études supérieures ne commence-t-il pas par une meilleure orientation au lycée ? Or les moyens que vous proposez en la matière sont dérisoires.

Lors du vote de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, le Gouvernement s'était engagé à ce que chacun des quelque 8 000 établissements de l'enseignement secondaire bénéficie des services d'une infirmière. On en est loin !

Certes, vous annoncez la création de 300 nouveaux postes, mais ceux-ci ne couvriront pas les besoins. Pis encore, la création de postes de médecins scolaires se fait, si j'ose dire, à dose homéopathique. À cet égard, je vous rappelle qu'en 1998, en 1999 et en 2000, ce sont 1 050 postes de médecins, d'infirmières et d'assistantes sociales qui ont été créés.

Dès lors, l'interruption de l'effort de rattrapage engagé sous la précédente législature aura des conséquences directes pour de nombreux enfants ayant besoin, outre d'un dépistage précoce, d'une surveillance médicale, que les familles n'ont pas toujours les moyens d'assurer.

De même, nous savons combien il est nécessaire que chaque collège dispose d'une infirmière à plein-temps, non seulement pour des raisons sanitaires évidentes, mais aussi afin d'engager des actions de prévention et pour accompagner les adolescents, souvent fragiles. Un plan a été annoncé, c'est vrai, mais il est urgent d'en accélérer la mise en oeuvre, tant il est vrai que 300 postes par an, ce n'est pas suffisant !

Je tiens également à souligner que le programme « Vie de l'élève » est alarmant s'agissant des crédits destinés à l'accompagnement des élèves handicapés, en diminution de 3 %. Vous aviez promis la création de 6 000 postes d'assistants de vie scolaire dans le cadre du plan d'adaptation et d'intégration scolaire des élèves handicapés. Encore un plan et des promesses qui ne se réaliseront pas, au détriment d'élèves qui en auraient le plus besoin !

Contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le ministre, l'appauvrissement de l'école et le recul de l'égalité des chances auront été les caractéristiques majeures de la politique menée depuis cinq ans. Chaque année, vous élaborez un budget qui n'a pour ambition que de faire croire qu'il vise à améliorer les conditions dans lesquelles s'effectue la transmission du savoir. Or, en réalité, vous hypothéquez l'avenir de nos jeunes, l'avenir de nos enseignants, l'avenir de l'éducation nationale. Votre vision à court terme handicape chaque année un peu plus le budget de l'année suivante.

Parce que nous croyons qu'une société plus juste passe par une éducation plus juste pour tous, il lui faut les moyens de ses actions, moyens qui ne figurent pas dans votre budget ; c'est la raison pour laquelle nous ne pourrons voter ce dernier.

Rappelez-vous cette phrase de Jules Michelet rapportée dans Le Peuple, en 1845, phrase qui n'était sans doute pas politiquement correcte à l'époque et dont je souhaiterais qu'elle le soit aujourd'hui : « Quelle est la première partie de la politique ? L'éducation. La seconde ? L'éducation. Et la troisième ? L'éducation. »

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