Intervention de Jean-Pierre Sueur

Commission mixte paritaire — Réunion du 23 mars 2021 à 12h45
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, sénateur :

Aujourd'hui encore, 800 détenus dorment sur des matelas à même le sol dans des cellules où s'entassent trois ou quatre personnes. Par conséquent, il est très important que nous examinions cette proposition de loi, mais il est aussi très important que ce texte soit efficace. Je souhaite comme vous, madame la rapporteure, que nous obtenions l'unanimité, mais je crains que nous n'y arrivions pas.

En effet, il me paraît profondément étrange que les propositions faites par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté n'aient été prises en compte ni au Sénat ni à l'Assemblée nationale. Je ne le comprends pas parce que cette institution est évidemment l'instance la plus compétente pour s'exprimer sur de tels sujets.

C'est pour cette raison que j'ai déposé trois propositions de rédaction. Leur adoption pourrait conduire le groupe Socialiste, écologiste et républicain du Sénat, même s'il s'agit d'une position a minima, à approuver la proposition de loi.

À notre sens, il conviendrait d'abord de dénoncer la carence du Gouvernement. C'est cette carence qui a conduit François-Noël Buffet à déposer cette proposition de loi. Le Conseil constitutionnel avait donné un temps largement suffisant au Gouvernement pour réagir. Or celui-ci n'a rien fait, si ce n'est déposer un amendement à l'occasion de l'examen du projet de loi sur le Parquet européen et la justice pénale spécialisée, qui n'avait aucune chance d'aboutir en raison des règles de la procédure parlementaire, ce que le Gouvernement savait fort bien.

Ensuite, la rédaction qui nous est proposée place l'administration pénitentiaire dans une position où elle est, dans un premier temps, juge et partie, le juge n'intervenant qu'ensuite.

Alors que le texte ne donne pas de précisions en la matière, le transfèrement pourrait devenir la solution de facilité. En effet, si un détenu qui dort sur un matelas est transféré à 500 kilomètres, il est évident qu'un autre détenu sera sur le même matelas peu de temps après... Telle est malheureusement la réalité !

Cette proposition de loi ne permet pas de répondre à la question de la surpopulation carcérale, alors que la Cour européenne des droits de l'homme a justement condamné la France sur ce point. Nous avions déposé des amendements à ce sujet, que je ne reprends pas ici. Notre rapporteur, Christophe-André Frassa, nous avait répondu qu'il fallait construire de nouvelles prisons, mais le problème n'est pas là, même si je n'y suis pas opposé, car malheureusement plus on construit de prisons, plus elles sont surpeuplées ! Il faut plutôt rénover les prisons existantes, en particulier celles où les conditions de détention sont indignes, et surtout développer les alternatives à la détention. Pendant le premier confinement, le nombre de détenus a baissé de plusieurs milliers - l'un des rares effets positifs de cette crise... -, ce qui n'a pas empêché la société de fonctionner.

Enfin, à entendre certaines interventions, je vois déjà poindre une crainte, celle que la loi s'applique trop et que les détenus fassent usage de ce droit. Ne commençons pas par avoir peur d'un droit, lorsque nous le créons ! Un tel droit doit pouvoir s'exercer pleinement.

Pour conclure, je répète qu'il est incompréhensible de ne pas inclure dans ce texte les préconisations de l'Observatoire international des prisons et de la Contrôleure générale des lieux de privations de liberté.

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