Merci Monsieur le rapporteur. J'interviens avec Mme Catherine Laboul-Proust, directrice de la stratégie de GRDF.
GRDF (Gaz réseau distribution France) est le gestionnaire des actifs gaziers de 9 500 communes qui gèrent environ 200 000 km de réseau et desservent 11 millions de clients. À ce titre, et compte tenu de son ancrage local, GRDF accompagne les territoires dans leur politique énergétique. Concernant la méthanisation, GRDF intervient depuis à peu près une dizaine d'années, après que les pouvoirs publics ont mis en place des dispositifs favorisant la méthanisation avec injection dans les réseaux. Je rappelle que, depuis 2006, s'est développée la méthanisation pour de la production d'électricité, sur une base de cogénération, mais compte tenu de l'aspect décarboné de l'électricité, les pouvoirs publics contribuent désormais au développement de l'injection de gaz naturel dans les réseaux.
En tant que gestionnaire d'actifs, notre principal rôle consiste à accompagner les porteurs de projets, en déterminant le bassin de consommation sur lequel on peut les raccorder. Pour GRDF, il s'est agi de surmonter la complexité de la mise en oeuvre du principe posé par le législateur, à la lumière de ce qui se passait en Allemagne, de ne pas se conformer à un modèle unique (« une culture-un usage »), mais à l'inverse de permettre un panel complet d'usages pour éviter la compétition entre ces derniers, avec notamment l'aspect alimentaire. Cela signifie qu'en termes de qualité de gaz, nous sommes responsables en tant qu'exploitants : ainsi, avec des start-up qui ont développé un savoir-faire français sur ce sujet, nous avons dû nous adapter, technologiquement parlant, à tous les types d'intrants qui existaient sur le territoire. Comme vous l'indiquiez, on compte plusieurs types de méthanisation : les biodéchets, les déchets agricoles, ménagers, agro-alimentaires, etc.
À la fin de l'année 2020, on compte 183 sites en installation, pour une quantité produite et installée d'environ 3 térawatt-heures (TWh). Le démarrage a été long et laborieux en raison de la variété des dispositifs : nous avons eu beaucoup de mal, au départ, à « caler » le calibrage du gaz, et notamment sa qualité. Nous y sommes parvenus, et le sujet est aujourd'hui plutôt derrière nous. Ainsi, le taux de fiabilité de nos postes d'injection dépasse 98 %. De plus, alors qu'on contrôlait auparavant le gaz toutes les deux heures, des systèmes automatiques permettent désormais de le contrôler toutes les trois minutes pour garantir que l'usager, y compris à proximité, dispose bien d'un gaz de qualité, quel que soit son usage.
Au niveau de la dynamique, et Thierry Trouvé pourra vous donner une vision nationale plus complète, environ 1 100 projets sont en préparation. Cette volumétrie représente 25 à 26 TWh, et le rythme de raccordement, assez soutenu, se situe entre 2 et 3 méthaniseurs agricoles par semaine. Cela vous montre le très fort développement de cette technologie et la participation des territoires sur ce sujet.
Vous parliez de la sensibilité de la population sur la taille des installations de méthanisation. Je vous rejoins : la taille est effectivement l'un des facteurs importants dans l'acceptabilité des projets au niveau des territoires. Il faut avoir une vision claire sur le sujet. À notre niveau, quand on comptabilise le gaz qui rentre, on s'aperçoit que 80 % des projets sont de petites et de moyennes installations de moins de 20 gigawatt-heures (GWh) par an. Ces projets sont en général portés par cinq ou six agriculteurs. Les très gros projets, s'ils posent des problèmes d'acceptabilité que vous évoquiez, sont peu nombreux, à la différence des petits projets.
Cette dynamique a permis le développement d'une filière industrielle en France, notamment sur la partie filtration, qui conduit les industriels français à exporter à l'étranger. Le modèle français est très regardé, en raison de sa pertinence en termes de variété et du fait qu'il ne met pas « trop » en concurrence certains usages. Autant cela constituait une difficulté au début, autant cela constitue désormais une force pour notre modèle.
Ensuite, sur la partie réseau, le dispositif de droit à l'injection, mis en place mi-2019, à la suite de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGalim), a illustré la volonté du législateur que les développements de réseaux - les canalisations que nous posons tous les jours - se fassent dans un régime financier encadré pour que l'impact sur le consommateur soit le plus pertinent possible. À ce titre, il a confié à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) le soin de contrôler la manière dont l'ensemble des opérateurs de distribution et les transporteurs proposaient aux porteurs de projet la solution technique la mieux adaptée pour les raccorder aux réseaux gaz. En réalité, les coûts affectés à ces réseaux sont très faibles : ils représentent 5 à 7 % de la volumétrie. On se situe à 3,3 milliards d'euros pour capter 80 % du potentiel agricole au plan national.
Sur l'aspect technologique, le plus grand défi n'est pas tant la pose de canalisations, mais le contrôle de la qualité du gaz, voire des gaz (on parle de pyrogazéification et d'hydrogène), ainsi que la fluctuation saisonnière des consommations et des productions. Pour y répondre, on utilise toute la souplesse du dispositif gazier, avec ses capacités de stockage très importantes au plan national.
Le principe du calcul économique, qui fait que chaque porteur de projets se voit affecter une validation financière, consiste à savoir si le réseau investi sur le territoire permet d'entrer dans une équation économique. Sinon, la facture augmente le coût au fur et à mesure qu'on s'éloigne du réseau. La base de calcul a été établie sur le fondement d'une étude réalisée par Solagro, qui a évalué le potentiel agricole avec des hypothèses très prudentes (réchauffement climatique, non-compétition dans les usages...).
Sur le plan pratique, on suit aujourd'hui le rythme voulu par le législateur dans le cadre de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat. La trajectoire prévoit un objectif de 10 % de gaz renouvelable en 2030 et on avance très rapidement dans cette direction. Cette forte dynamique a été également amplifiée par l'annonce d'une baisse des tarifs au niveau national, qui a augmenté le nombre des dépôts de dossiers. Cela a d'ailleurs généré une perturbation dans la qualité de l'approche des projets, tant pour nous qu'au niveau des porteurs de projets.
Ensuite, sur la partie réalisation, vous parliez de sécurité. On s'assure de la qualité du gaz en permanence, et l'on suit, au même titre que nos clients consommateurs, l'aspect sécurité des postes d'injection. Nous avons travaillé avec les acteurs de la filière pour créer un label, Qualimétha, qui permet de vérifier que les installations, au fur et à mesure qu'elles sont mises en place, répondent, au moins pour notre partie à nous, à des critères visant à éviter tout incident. Les incidents passés sont étudiés avec soin.