Intervention de Edouard Sauvage

Mission d'information Méthanisation — Réunion du 17 mars 2021 à 16h30
Représentants des industries gazières — Audition de Mm. Frédéric Martin directeur général adjoint de grdf édouard sauvage directeur général adjoint d'engie et thierry trouvé directeur général de grt gaz

Edouard Sauvage, directeur général adjoint d'Engie :

C'est perfectible. Même si la durée des tarifs de soutien dans les renouvelables électriques est plutôt de 20 ans, on pense que la durée de 15 ans est plutôt bonne. De manière générale, s'orienter vers des amortissements d'installation plus rapides est plutôt positif. On doit faire une distinction entre les projets qui ont besoin de visibilité avec les tarifs de rachat, et d'autres qui répondraient à des appels d'offre.

On a plus d'interrogations sur le système d'ajustement un peu automatique des tarifs de rachat : cela fait perdre de la visibilité aux porteurs de projet. Engie est le premier opérateur de renouvelable électrique en France, aussi bien en éolien terrestre qu'en solaire. Et j'insiste : dans le domaine, les grandes entreprises savent s'adapter à un système où les tarifs seront plus ou moins élevés en fonction de la PPE, mais, en revanche, les agriculteurs ne font qu'un projet dans leur vie. Ne leur permettre de connaître le tarif applicable, qui dépend de notre position dans la trajectoire PPE, qu'après avoir lancé le projet et obtenu le statut d'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), c'est inadapté à la cible visée. On veut, en effet, jouer sur la complémentarité : non seulement produire du gaz renouvelable, mais aussi soutenir une agriculture durable.

Je rappelle que, dans les bilans d'émission de gaz à effet de serre, l'agriculture est un enjeu majeur de décarbonation. La méthanisation constitue une des manières, pour l'agriculture, de se décarboner. Christiane Lambert a tout à fait raison lorsqu'elle dit que l'on « se tirerait une balle dans le pied » si on imposait des contraintes à l'agriculture française tout en continuant à importer des produits agricoles qui viennent de pays qui n'ont pas ces contraintes. C'est tout l'intérêt d'aider les agriculteurs : on pense que ce système est peu adapté, et d'autant moins que la trajectoire PPE n'est pas en ligne avec ce qu'il faut faire. Elle pose des objectifs en 2028 qui se situent à la moitié de l'ambition demandée par le Parlement pour 2030. C'est totalement « hors des clous ». De plus, l'objectif de 10 % de gaz renouvelable en 2030, comparé à l'ambition de 100 % en 2050, nous engage sur une mauvaise trajectoire.

C'est paradoxal, car on a deux fois plus de projets que cette trajectoire. La réalité des projets correspond à cette cible ultime qui consiste à décarboner et à valoriser la totalité du potentiel de méthanisation agricole. L'Ademe, Solagro et l'Inrae s'accordent pour évaluer ce potentiel à 100 à 150 TWh : il faudra l'exploiter d'ici 2050. Faisons-le en donnant de la visibilité et en se mettant sur une trajectoire de croissance régulière. Nous avons trouvé très regrettable la logique qui a conduit les tarifs à chuter brutalement en novembre 2020 : cela a entraîné un emballement des porteurs de projet, qui se sont dépêchés d'arriver avant que le guichet ne ferme, et a généré pour la filière un stop-and-go mauvais pour tout le monde. Il faut plutôt en passer par une logique de réduction progressive de soutien, qui serait la seule efficace, parce que cette filière, au fur et à mesure de son développement, va voir baisser ses coûts.

N'en attendons toutefois pas trop. La filière va certes s'améliorer dans son procédé industriel et en termes de sécurité grâce aux retours d'expérience. Mais, après que les premiers pionniers ont tenté la méthanisation par injection en Seine-et-Marne avec des installations correctes et bien installées, les projets de demain, seront plus difficiles, car implantés progressivement dans des zones agricoles un peu moins fertiles. Dès lors, le contenu méthanogène de leurs déchets sera probablement moins riche. Il se passera la même chose que pour l'éolien : si on retire l'éolien offshore, on s'aperçoit que les tarifs de rachat ne descendent plus. Les gens sont rationnels et ont installé les premières éoliennes où il y avait le plus de vent. Ensuite, bien que les technologies s'améliorent, on est obligé d'aller à des endroits moins ventés. Il en va de même pour la méthanisation : le progrès technologique ne fait que compenser le fait qu'on aille dans des zones moins fertiles.

Il faudra être cohérent : si on veut décarboner, il convient de développer le potentiel de valorisation des déchets agricoles et de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture. Cela ne peut se faire que par un soutien public. Et je rejoins Thierry Trouvé : il est dommage qu'on ne rajoute pas des soutiens publics à certains consommateurs. Quand GRDF, dont j'étais à l'époque directeur général, a lancé le projet Méthaneuf, des promoteurs immobiliers valorisaient le fait de négocier un contrat d'achat de gaz avec un agriculteur des environs, car des clients trouvaient cela positif. De notre point de vue, il est donc complètement absurde de ne pas cumuler soutiens publics à la production payés par le contribuable, et incitations à des consommateurs qui souhaitent être vertueux et sont prêts à payer plus cher. Certains fournisseurs d'électricité, dont je ne ferai pas la publicité, se conforment à cette logique, consistant à vendre l'électricité plus cher, tout en garantissant qu'elle est produite d'une certaine manière. C'est là qu'une liberté doit être laissée aux différents acteurs de marché pour promouvoir ce type de produit.

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