Intervention de Jean-Claude Tissot

Réunion du 23 mars 2021 à 14h30
Politique énergétique — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Claude TissotJean-Claude Tissot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je remercie les auteurs de cette proposition de résolution, qui nous permet aujourd’hui de débattre des enjeux très importants que représente notre avenir énergétique.

Ce texte invite le Gouvernement « à étudier la possibilité d’une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques ».

Ce titre est encourageant, car il met sur un pied d’égalité la politique énergétique, la cohérence et les ambitions écologiques. Sur ce point, nous pourrions être en accord avec les auteurs de la proposition de résolution, tant les enjeux environnementaux sont intimement liés à l’avenir de notre bouquet énergétique. Toutefois, son contenu nous invite à davantage de mesure.

L’impossibilité de contrôler notre consommation énergétique, exprimée par ses auteurs, est un premier point important de divergence. Il n’est pas irréaliste d’imaginer une consommation énergétique plus sobre et respectueuse de notre environnement et de nos ressources. Seule une réelle volonté politique permettra d’atteindre cet objectif.

Le deuxième point de divergence est le tout-nucléaire prôné par les auteurs de la proposition de résolution.

Pour l’avenir de la politique énergétique de notre pays, nous ne devons pas nous laisser enfermer dans une opposition stérile entre les pro-nucléaires et les anti-nucléaires. Les réalités structurelles, techniques et matérielles du secteur de l’énergie doivent nous conduire à trouver un juste milieu.

Non, nous ne pourrons pas nous passer de l’électricité d’origine nucléaire du jour au lendemain.

Oui, les énergies renouvelables occupent une place croissante dans notre bouquet énergétique, grâce à des innovations régulières et une mobilisation de plus en plus importante.

Face à ces enjeux, le Gouvernement fait preuve d’une impréparation et d’une inaction inquiétantes.

En début d’année, le débat sur le risque de blackout énergétique nous avait permis d’exprimer nos opinions respectives sur la stratégie énergétique de notre pays. Nous avions notamment souligné les retards pris pour l’entretien des centrales nucléaires.

Alors que nous sortons juste de l’hiver 2021, l’utilisation à vingt-deux reprises de la centrale à charbon de Saint-Avold et l’importation d’électricité d’origine allemande, produite à 40 % par des ressources fossiles, sonnent comme des échecs pour la décarbonation de notre énergie.

Afin de mettre en cohérence la politique énergétique de notre pays avec les ambitions environnementales fixées par les accords de Paris, seule une véritable planification de la transition écologique permettra de programmer sur le long terme la décarbonation de nos modes de production et la transformation de nos modes de consommation.

Notre politique énergétique doit s’inscrire dans une vision où seraient réellement planifiés la rénovation thermique des bâtiments, le développement des mobilités propres et un plan d’investissement pour la reconversion industrielle, avec des mesures d’accompagnement social pour les secteurs impactés.

Le rééquilibrage de notre bouquet énergétique, engagé lors de la mandature précédente par la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, s’inscrit aussi dans cette programmation. La réduction progressive de la part du nucléaire au profit des énergies renouvelables doit se poursuivre à l’échéance de 2035.

La construction de l’EPR de Flamanville sonne elle aussi comme un véritable échec avec ses multiples retards et ses surcoûts. Elle révèle la défaillance de l’État actionnaire, qui préfère optimiser ses participations financières au détriment du pilotage sur le long terme de l’outil industriel.

En matière d’énergies renouvelables, les estimations réalisées par RTE sont encourageantes : les EnR ont participé à près de 30 % de la consommation d’électricité en France métropolitaine en 2020. L’éolien est même devenu la troisième source de production d’électricité.

Ce contexte implique pour le Gouvernement et la représentation nationale de disposer d’une vraie capacité à mettre en œuvre une politique énergétique maîtrisée et souveraine.

Pourtant, en se désengageant progressivement de certains grands groupes du secteur de l’énergie, que ce soit en achevant la privatisation totale de l’entreprise Engie ou en permettant le démantèlement du groupe EDF, le Gouvernement se prive de la possibilité de s’appuyer sur eux pour agir, alors qu’ils sont indispensables à la réussite de la transition énergétique. Ce faisant, il nie totalement l’importance de l’État stratège.

L’esprit libéral de ce gouvernement va malheureusement à l’encontre des enjeux et des nécessités de notre époque. La question d’un véritable service public de l’énergie mérite d’être posée et ne doit pas être balayée d’un revers de main. Sur un secteur aussi stratégique, les décisions que nous prenons aujourd’hui se répercuteront sur les générations de demain.

Ainsi, mes chers collègues, pour souligner combien les enjeux relatifs aux changements climatiques supposent d’agir simultanément sur nos modes de production et de consommation de masse, énormément consommateurs d’énergie, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra, bien qu’étant en désaccord avec le contenu et les arguments avancés dans la proposition de résolution.

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