Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, nous devons mettre en cohérence la politique énergétique de la France avec ses ambitions écologiques.
Cela dit, notre production d’électricité est aujourd’hui fortement décarbonée, à 93 %, dont plus de 70 % de nucléaire. La part des énergies renouvelables dans notre production augmente régulièrement, mais il faudrait s’engager de manière plus volontariste encore dans leur développement pour compenser les futures fermetures de centrales, sans oublier l’hydroélectricité, qui est tout de même la seule énergie renouvelable capable d’assurer le maintien des réseaux et des fréquences ; la petite hydroélectricité, très pertinente à l’échelon local, est pourtant sujette à de nombreux freins.
En réalité, pour décarboner, l’impératif est de réduire la consommation d’énergie fossile dans les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, c’est-à-dire en premier lieu dans les transports. Une révolution de nos mobilités et de nos modes de consommation et de production est donc incontournable et nécessaire. Une réflexion doit également être menée sur les déchets et le gaspillage. Il convient enfin de conditionner les aides publiques en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone et d’investir davantage dans le financement de la transition écologique : 50 milliards d’euros de plus par an sont nécessaires, selon Jean Pisani-Ferry.
Nos centrales nucléaires vont toutes atteindre leur quarantième anniversaire dans les années à venir ; ce sera le cas de trente-neuf réacteurs d’ici à 2025. Les bétons des enceintes de confinement deviennent poreux, certaines tuyauteries non accessibles ne sont plus étanches. Tout a vieilli : continuer l’exploitation de ces sites pourrait donc poser problème, malgré le lancement de travaux dans le cadre du « grand carénage ».
S’ajoute à cela le fait que le réchauffement climatique s’installe de manière pérenne sur nos territoires : l’augmentation de la température des fleuves et la trop grande faiblesse des débits ne permettent plus d’assurer le refroidissement, entraînant des arrêts répétés de certaines centrales. C’est le cas de celle de Golfech, refroidie par la Garonne, qui atteint 30 degrés tous les étés, vrai sujet d’inquiétude.
Il faut ensuite se pencher sur le fiasco technologique et économique de l’EPR de Flamanville, qui devait être raccordé au réseau en 2012 et coûter 3, 3 milliards d’euros.
Or on a appris le 16 mars dernier qu’il y avait encore des problèmes de soudure ; l’ASN a demandé à EDF de lui indiquer sa stratégie et les raisons de la détection tardive de ces problèmes. Au mieux, cette centrale sera raccordée au réseau en 2023 et devrait coûter quatre à six fois plus cher que prévu.
Dès lors, comment envisager l’avenir du nucléaire ?
Enfin, comment parler du nucléaire sans évoquer la gestion du cycle de vie de l’uranium et les risques qu’elle pose. Toute entreprise humaine comporte des risques. À ce propos, l’IRSN rappelait ce mois-ci que « l’absence d’incident ou d’accident sérieux depuis celui de Fukushima ne saurait conduire à considérer la maîtrise du risque comme définitivement acquise ».
Un accident nucléaire en France, ce serait un demi-département rayé de la carte, qu’on ne pourrait même plus traverser, contaminé pour des milliers d’années ; ce serait des centaines de milliers de personnes déplacées et une centrale qu’il faudrait refroidir sans cesse. À Fukushima, en ce moment, on injecte en continu de l’eau douce dans les cuves des réacteurs 1, 2 et 3.
Quant à l’exploitation minière de l’uranium, elle n’a pas toujours été des plus vertueuses, en France comme ailleurs. Malheureusement, le Limousin s’en souviendra longtemps, qu’il s’agisse de la radioactivité de l’eau à Limoges, ou des 176 000 fûts de yellowcake disséminés sur ce territoire.
En outre, la question des déchets nucléaires n’est toujours pas résolue et continue de faire débat. Les déchets de haute activité et à vie longue ne sont toujours pas enfouis à Bure ; il serait grand temps d’y remédier.
S’il fallait changer la voie choisie de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique, comme il est envisagé dans cette proposition de résolution, qui porte sur un sujet sociétal par excellence, il serait absolument nécessaire d’y associer nos concitoyens : après tout, on ne leur a jamais demandé leur avis sur cette question, choix crucial d’avenir mêlant souveraineté, indépendance, industrie et écologie. Pour une fois, il serait bon de bien faire les choses, c’est-à-dire de donner à nos concitoyens des connaissances pour leur offrir les conditions d’un choix éclairé.
Pour toutes ces raisons, la diminution de la part du nucléaire actée dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, jusqu’à 50 % en 2035, nous paraît un choix raisonnable. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur cette proposition de résolution.