Intervention de Jean-Baptiste Djebbari

Réunion du 23 mars 2021 à 14h30
Politique énergétique — Adoption d'une proposition de résolution

Jean-Baptiste Djebbari :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, merci pour votre invitation, qui me permet de vous exposer la cohérence de notre politique énergétique avec nos ambitions écologiques.

Cette cohérence s’apprécie déjà dans nos objectifs, nos ambitions et nos investissements. Ce qui nous fait défaut, en matière d’énergie, ce n’est pas tant la cohérence que la souveraineté.

Le grand défi de notre génération et des suivantes, après presque deux siècles d’abondance énergétique, est de garantir notre sécurité d’approvisionnement dans des conditions soutenables pour la planète.

Pour ce faire, nous devons donner à la France les moyens de sa souveraineté énergétique. En matière d’énergie comme pour les autres secteurs stratégiques, la souveraineté repose sur la diversification et l’indépendance.

Cette stratégie est un héritage : nous le devons au Conseil national de la Résistance, qui donna naissance à EDF et GDF, deux sociétés d’impulsion étatique qui constituent depuis lors des attributs de puissance de la France et ont été un moyen pour le pays de se reconstruire, mais aussi l’un des fondements de son identité.

Concernant le gaz, nous avons constitué au fil des années l’un des portefeuilles d’approvisionnement les plus diversifiés d’Europe. C’est une force ; tous nos voisins ne peuvent pas en dire de même.

Pour l’électricité, avec le développement du nucléaire, comme cela a été rappelé, nous avons construit un atout précieux : celui d’avoir une électricité parmi les moins carbonées au monde.

Comme vous le savez, nous avons fait le choix de ramener progressivement la part du nucléaire de 70 % à 50 % du mix électrique d’ici à 2035.

Viser 50 %, c’est maintenir la part prépondérante du nucléaire en France et c’est préserver une filière de 2 600 entreprises et de plus de 200 000 emplois directs et indirects ; ces chiffres aussi ont été cités dans ce débat.

Il nous revient aujourd’hui de terminer les grands chantiers actuels et de préparer ceux qui s’annoncent. Il s’agira aussi de constituer une filière de démantèlement et de développer de nouvelles solutions pour le traitement des déchets.

Pour cela, la filière nucléaire peut compter sur un savoir-faire et une excellence reconnus à travers le monde. Mais elle doit aussi pouvoir compter sur une capacité d’investissement que le Gouvernement renforce avec France Relance.

Nous mobilisons ainsi un demi-milliard d’euros pour soutenir les entreprises les plus sensibles, pour amplifier l’effort de recherche et développement, pour renforcer les compétences critiques et pour moderniser une industrie qui fait l’honneur de la France depuis soixante ans.

Parallèlement, nous devons accélérer le développement des énergies renouvelables. Aujourd’hui, celles-ci fournissent déjà environ un cinquième de notre production électrique, notamment parce que nous avons historiquement développé l’hydraulique. Ces énergies renouvelables sont de plus en plus compétitives.

Nous pouvons passer à la vitesse supérieure, avec un cap clair : que, d’ici à 2030, 40 % de l’électricité produite dans le pays soit renouvelable.

Pour cela, nous devons développer plus largement le solaire, l’éolien et l’hydrolien.

Concernant le solaire, nous avons pour objectif de quadrupler la puissance installée d’ici à 2028, tout en développant des panneaux tant sur les toitures que par des centrales au sol.

Quant à l’éolien terrestre, nous devons poursuivre et amplifier nos efforts, tout en nous assurant de l’acceptabilité des projets. L’objectif est de doubler la puissance d’ici à 2028.

Pour l’éolien en mer, ou hydrolien, nous avons le deuxième gisement d’Europe par son potentiel. Celui-ci doit être davantage exploité ; la simplification administrative peut nous y aider. Nous avons déjà engagé ce travail dans la loi ASAP, mais nous pouvons faire davantage.

Par ailleurs, un certain nombre d’études montrent que nous pourrions intégrer des taux supérieurs à 40 % d’énergies renouvelables variables sans mettre en péril la sécurité du système électrique. Comme vous le savez, RTE analyse actuellement des scénarios de long terme. Ces travaux nous seront remis à l’automne ; ils seront – je n’en doute pas – de nature à nourrir le débat et à éclairer les décisions qui seront prises au début du prochain quinquennat.

Mais notre mix énergétique ne se résume pas à l’électricité : il y a aussi le gaz.

Pour décarboner cette filière, la solution est non pas de la démanteler, mais bien de la transformer et de développer, pour ce faire, le gaz renouvelable. Nous avons pris des engagements inédits à cet effet dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.

En trois ans, nous avons multiplié par quatre le nombre d’installations de méthanisation, qui constituent aussi de plus en plus souvent, comme vous le savez, des compléments de rémunération pour nos agriculteurs. Nos capacités de production augmentent rapidement. Au total, nous investirons 10 milliards d’euros dans le biogaz d’ici à 2028.

Enfin, nous devons bâtir une filière française de l’hydrogène qui nous permettra de décarboner un certain nombre d’usages dans les champs de l’industrie et des transports. Pour construire cette filière, il faudra s’assurer de la production d’un hydrogène vert ou décarboné.

Pour cela, l’option la moins coûteuse et la plus efficiente est de le produire localement, par électrolyse, à partir de l’électricité de notre réseau, qui, je le disais, présente l’avantage d’être très peu carbonée.

Sincèrement, sur ce sujet, nous avons toutes les capacités pour nous imposer comme l’un des leaders mondiaux de l’hydrogène, raison pour laquelle nous investirons 7 milliards d’euros d’ici à 2030.

Notre souveraineté énergétique dépend bien sûr de notre mix, mais aussi de notre consommation. En la matière, nous devons aller vers plus de sobriété, par l’innovation technologique et par l’efficacité énergétique.

L’objectif est de faire baisser notre consommation finale d’énergie de moitié d’ici à 2050. Les politiques conquérantes de décarbonation des transports et de rénovation thermique des bâtiments y contribueront fortement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les décisions en matière d’énergie dépassent très largement l’horizon de nos mandats politiques. Elles engagent les générations à venir et nécessitent de la réflexion, du débat et de la planification.

La place de la France dans le monde, sa souveraineté, sa puissance sont intrinsèquement liées à sa production d’énergie. Le général de Gaulle l’avait bien compris ; il visait en la matière l’indépendance et l’excellence.

Cette volonté, cette vision, nous en sommes les héritiers. Soyez assurés qu’elle guide, chaque jour, chacune de nos décisions. Notre politique énergétique n’est pas seulement cohérente avec nos ambitions écologiques ; elle est cohérente avec nos ambitions tout court.

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