Intervention de Joël Giraud

Réunion du 23 mars 2021 à 14h30
Quelle politique d'aménagement du territoire — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Joël Giraud :

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je remercie le Sénat, chambre des territoires, d’avoir organisé ce débat sur l’aménagement du territoire. C’est le troisième débat auquel j’assiste ; je suis très heureux d’y représenter le Gouvernement.

Ce débat a été intitulé : « Quelle politique d’aménagement du territoire ? » Le pluriel aurait tout aussi bien pu être choisi, vos questions en témoigneront sans doute. En effet, la politique d’aménagement du territoire touche à une diversité de politiques publiques : les transports, le logement et l’urbanisme, mais aussi la santé, le numérique, la jeunesse et l’accès aux services publics. Il y a donc non pas « une » mais « des » politiques d’aménagement du territoire.

Pour autant – et c’est ce qui justifie d’ailleurs l’emploi du singulier –, toutes ces politiques ont un même objectif : tenir la promesse républicaine d’égalité, compenser les handicaps territoriaux pour permettre à chacune et à chacun de s’épanouir dans sa vie personnelle, familiale ou professionnelle, quel que soit son lieu de résidence. Nous devons veiller à ce que chaque territoire dispose des moyens de surmonter ses fragilités et de développer son potentiel en fonction de ses spécificités.

Pour ce faire, notre politique d’aménagement doit être équilibrée et n’oublier aucun territoire.

Mon portefeuille ministériel l’illustre bien : de nombreux acteurs souhaitaient que la ruralité dispose, tout comme la ville, d’un représentant au Gouvernement – c’est chose faite ! Désormais, et pour la première fois, il existe un secrétariat d’État dédié à la ruralité, auprès de la ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault.

Mon rôle est d’assurer le suivi et la mise en œuvre de l’« agenda rural », ce grand plan national en faveur de la ruralité, qui comprend 181 mesures. Les choses avancent bien : à ce jour, 60 % des mesures ont été réalisées et 25 % sont en cours de réalisation. L’agenda ayant été lancé il y a seulement dix-huit mois, il nous reste encore une année pour achever sa mise en œuvre – soyez assurés que j’y veillerai personnellement !

À titre d’exemple, je peux souligner le formidable succès du déploiement des espaces France Services : 1 123 ont d’ores et déjà été labellisés ; il y en aura plus de 2 000 l’année prochaine. L’objectif est de permettre à chacun de nos citoyens d’accéder aux services publics du quotidien, à moins de trente minutes de leur domicile.

Je peux aussi citer la fracture numérique, pour laquelle œuvre Cédric O, secrétaire d’État chargé du numérique. La généralisation de la 4G, la résorption progressive des zones blanches et l’accélération du déploiement de la fibre sont des grands succès de notre politique d’aménagement du territoire.

Pour mettre en œuvre ces politiques, nous disposons d’un opérateur nouvellement créé, qui a déjà fait l’objet d’un débat au Sénat : l’ANCT. Cette dernière s’est imposée comme le nouvel acteur apprécié et incontournable sur les territoires, au travers de ses nombreux programmes nationaux d’appui. Je pense en particulier au programme « Petites villes de demain », qui suscite beaucoup d’enthousiasme sur le terrain. Je trouve votre appréciation un peu modeste, monsieur le sénateur Mandelli : chaque fois que je me rends dans un territoire pour signer une convention relative à ce programme, je constate que les acteurs locaux sont très heureux de disposer d’une telle ingénierie !

L’ANCT va proposer des prestations d’ingénierie gratuite pour les petites communes rurales – celles de moins de 3 500 habitants –, afin qu’elles puissent monter et valoriser leurs projets ; elle joue pleinement le rôle que le législateur lui a confié, celui d’être le bras armé d’une politique de cohésion des territoires.

L’aménagement du territoire, c’est aussi la politique de la ville, dont est chargée ma collègue Nadia Hai. Nous œuvrons en faveur des quartiers défavorisés via une politique de réhabilitation et d’amélioration de l’habitat. La politique de renouvellement urbain, quant à elle, est élaborée conjointement avec la ministre de la transition écologique, pour tenir compte des impératifs environnementaux.

Le comité interministériel des villes qui s’est tenu au mois de janvier dernier a permis de mobiliser 3, 3 milliards d’euros supplémentaires au bénéfice des quartiers prioritaires, dont plus de 1 milliard d’euros au titre du plan de relance. En outre, il a été décidé une hausse de 2 milliards d’euros des moyens dont dispose l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, portant ainsi son budget à 12 milliards d’euros pour le nouveau programme national de rénovation urbaine.

Au travers de toutes ces politiques, l’État est présent pour garantir la cohésion des territoires, loin de l’image que certains se plaisent à véhiculer d’une France qui serait déchirée entre la ville, la banlieue et la campagne, d’une « France archipel », éclatée dans des espaces concurrents.

Il nous faut aussi lutter contre cette vision erronée d’un État qui privilégierait les grandes métropoles, seules bénéficiaires des fruits de la croissance, au détriment d’une France périphérique qui serait oubliée – rien n’est plus faux ! Récemment, l’économiste Laurent Davezies a publié un ouvrage qui démontre que les inégalités territoriales n’ont pas explosé et que, sans l’État, certains territoires se seraient vidés. Il a montré, chiffres à l’appui, que l’emploi public a continué de progresser dans les départements dans lesquels l’emploi privé a reculé.

Mais la présence des pouvoirs publics n’a pas toujours suffi à compenser des évolutions économiques profondes, comme la désindustrialisation. L’aménagement du territoire doit reposer aussi sur une économie prospère. Cela excède sans doute les termes du débat de ce jour, mais je tiens à le rappeler : avant la crise du covid-19, nous avions recommencé à créer de l’emploi industriel dans notre pays.

Le plan France Relance nous permettra, dès cette année, de retrouver le chemin de la croissance, car il bénéficie en grande partie aux territoires. Ses crédits sont très largement territorialisés et seront déployés au travers des contrats de relance et de transition écologique. Le Premier ministre a souhaité que chaque territoire soit accompagné pour décliner un projet de relance sur les domaines correspondant à ses besoins et ses objectifs.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, voilà ce que je tenais à dire en prélude à ce débat. En tant qu’ancien élu local – j’ai été maire d’une commune rurale et de montagne durant près de trente ans –, je sais qu’une politique d’aménagement du territoire ne peut se concevoir sans un dialogue constant avec les acteurs de terrain. C’est la raison pour laquelle le débat que nous allons avoir est non seulement utile, mais indispensable.

Nous savons, en France, contrairement à bon nombre de pays de l’Union européenne, aménager le territoire. Je pense que ce débat saura vous en convaincre !

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