Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer l’ensemble des interventions, qui ont porté sur les problématiques touchant nos concitoyens : La Poste, l’accès aux soins, la coopération transfrontalière, la sécurité sur les routes, la fermeture des services publics, les risques d’inondation, les problèmes d’ingénierie. Cela prouve combien les sénateurs sont proches de nos concitoyens.
Monsieur le secrétaire d’État, je suis toutefois perplexe, car la teneur de vos réponses sur le large panel de domaines évoqués, si elle témoigne d’un réel engagement, implique davantage d’actions d’envergure et, surtout, convergentes.
De toute évidence, et nous en prenons acte, le contexte connaît des transformations profondes : mondialisation économique accentuant la métropolisation, décentralisation, construction européenne. De nouveaux sujets apparaissent, comme le développement durable ou le numérique, qui modifient le sens et le contenu de cette politique.
Le constat est simple, Didier Mandelli l’a souligné, la photographie de la France métropolitaine en 2021 est celle d’un pays où quinze métropoles polarisent le développement économique pendant que les « territoires épars », qui représentent 90 % de la superficie et 70 % de la population du pays, voient leur croissance et leur niveau de vie stagner, voire décliner.
Nous avons bien conscience que le développement de pôles d’attractivité économique, démographique, culturelle de dimensions européenne et mondiale, constitue un atout indéniable pour la France. Pour autant, un tel développement, au détriment de certains territoires toujours plus marginalisés, doit être interrogé. Seule une politique volontariste permettra de réussir ce rééquilibrage. Elle devra s’inscrire dans la perspective d’un renforcement durable et structurel de l’attractivité économique des territoires ruraux.
Dès lors, il est nécessaire de repenser l’action publique en favorisant la différenciation selon les territoires et, ainsi, de renforcer durablement la cohésion à l’échelle nationale, dont l’État est garant, en mobilisant toutes les parties prenantes. La crise sanitaire sans précédent que nous traversons en a été un puissant révélateur.
C’est désormais selon cet axiome que doivent être pensées les différentes actions de collaboration entre l’État et les collectivités territoriales. Ces actions conféreront à ces dernières une confiance renforcée, en leur garantissant l’exercice plein et entier de leurs compétences, comme la modulation des ressources en fonction de leurs besoins et de leurs objectifs.
À cette fin, j’insiste sur la contractualisation, mise en avant au sein de l’agenda rural ; elle doit être systématiquement préférée, car elle offre de la cohérence grâce à la prise en compte de la décentralisation et des spécificités locales. C’est la condition d’un aménagement du territoire concerté et mobilisateur pour tous.
Il nous faut retrouver aussi la raison d’être de l’aménagement du territoire : obtenir un véritable effet contracyclique par rapport aux déséquilibres spontanément créés par les forces de concentration autour des grandes aires urbaines, et pondérer les disparités en termes d’isolement ou de revenu par habitant.
Pour y parvenir, il faut réellement organiser la métropolisation afin que celle-ci bénéficie au plus grand nombre. L’objectif de rayonnement reste cependant peu concret, ainsi que le souligne le tout récent rapport de la Cour des comptes pour 2020.
D’autre part, il faut soutenir plus intensément les réels leviers d’émancipation et d’attractivité des territoires que sont le développement d’une offre de formation universitaire et professionnelle ainsi qu’une couverture numérique pérenne et homogène accompagnée d’une réelle pédagogie, et relever le défi de l’écomobilité.
Enfin, il faut véritablement s’atteler à une action renforcée de l’ANCT – c’était l’une des propositions de notre rapport – au service des territoires. Ceux-ci savent bien évidemment se prendre en charge, mais ils se heurtent aux complexités et à l’enchevêtrement des dispositifs actuels. L’Agence, en fluidifiant et en rationalisant l’existant, doit permettre aux territoires moins denses de se développer grâce à des projets propres, sans voir leurs potentialités aspirées par d’autres territoires plus aguerris.
En conclusion, je ne peux que réitérer avec force ce que nous disions déjà dans notre rapport et qui reste particulièrement d’actualité : il faut rétablir un État stratège, régulateur, véritable pilote de la politique d’aménagement du territoire autour des binômes région-intercommunalité – acteur majeur – et département-commune.
Le critère d’aménagement du territoire doit être prioritaire dans les choix de régulation et d’investissement de l’État, lequel doit cesser de fonctionner en silos et envisager sa politique comme un projet global et prospectif. La crise actuelle ne nous laisse plus le choix.
Favoriser les territoires les plus compétitifs pour attirer les entreprises et créer de l’emploi, d’une part, et maintenir une offre de service public dans tous les territoires et pour tous les habitants, d’autre part, ne sont pas nécessairement deux approches contradictoires. Cette vision nécessite une action politique courageuse que nous attendons tous urgemment.