Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste a souhaité que nous nous penchions sur les questions maritimes, car il lui semble important que notre pays affiche dans ce domaine une ambition extrêmement forte.
Nous avions apprécié, madame la ministre, la création d’un ministère de la mer, qui permettait d’identifier un interlocuteur ministériel spécifique. Il nous faut désormais mener des actions qui soient à la hauteur du domaine maritime de notre pays, lequel est, je vous le rappelle, le deuxième au monde en étendue.
La question maritime dans notre pays est ancienne. Tout le long du littoral, nous pratiquons la pêche. Penmarc’h, la commune près de laquelle je vis, fut ainsi au XVe siècle un grand port de commerce. Et puisque nous sommes ici au Palais du Luxembourg, n’oublions pas que c’est sous Louis XIII que fut constituée la marine d’État. Nous nous réjouissons, par ailleurs, de l’arrivée récente des derniers concurrents du Vendée Globe.
La mer constitue un sujet très divers, et nous avons souhaité examiner aujourd’hui la question des liaisons trans-Manche. Les relations, anciennes, avec le Royaume-Uni sont en effet importantes pour tous ceux qui vivent sur la façade nord de notre pays. Par exemple, dès 1828, des producteurs de Roscoff allaient vendre leurs oignons en Grande-Bretagne ; ils s’y rendaient sur des gabares qu’ils affrétaient à cette fin : on les appelait les Johnnies. Cela ne date pas d’hier !
Un grand opérateur, issu également du milieu des coopératives agricoles, a été créé en Bretagne en 1972 : la compagnie Bretagne Angleterre Irlande (BAI). Elle existait donc déjà lorsque, au 1er janvier 1973, le Royaume-Uni a intégré la Communauté économique européenne. Les paysans bretons ont alors pu acheminer en Grande-Bretagne une bonne partie de leur production. Est ainsi né un courant de commercialisation et d’échanges de biens, puis de passagers. Rappelez-vous également l’inauguration et la mise en service en 1994 du tunnel sous la Manche, qui a facilité le commerce et les échanges avec les Britanniques.
Tout allait donc bien, et les activités se sont développées jusqu’à la décision des Britanniques, en 2016, de quitter l’Union européenne. Ce Brexit a trouvé sa concrétisation au 1er janvier dernier et a posé des difficultés à l’ensemble des opérateurs en raison du niveau d’incertitude auquel leur activité a été confrontée.
S’y est ajoutée la pandémie actuelle, dont les conséquences sur les opérateurs des liaisons trans-Manche, pour l’essentiel français, ont été considérables. Ceux-ci sont aujourd’hui en grande difficulté : en 2020, Brittany Ferries a perdu 70 % de ses passagers par rapport à 2019, DFDS Seaways 60 % et Eurostar 85 %. C’est dire l’impact économique de la crise que nous connaissons, en plus du Brexit !
Madame la ministre, disons-le clairement, il est important de restaurer les conditions de viabilité économique de l’ensemble des opérateurs du trans-Manche. Confrontés à la concurrence internationale, ceux-ci doivent pouvoir y faire face avec des moyens raisonnables, c’est-à-dire sans être accablés de charges.
Beaucoup a déjà été fait, s’agissant notamment de l’exonération des charges patronales. Il convient d’aller plus loin, car il faudra beaucoup de temps à ces opérateurs pour retrouver une situation leur permettant d’absorber les pertes économiques causées par les difficultés que je viens d’évoquer. Certes, le Gouvernement a mis en place les prêts garantis par l’État (PGE), mais il faudra les rembourser. Un dispositif d’activité partielle a également été prévu, mais les compagnies subissent des déficits et il faudra y remédier.
Parmi les propositions que nous avons formulées figure le net wage, c’est-à-dire le remboursement des charges sociales salariales. Je vous le dis au nom du groupe Union Centriste, madame la ministre : cette question perdurera au-delà de 2021 et de 2022 ; le processus doit donc s’étaler dans le temps afin que les entreprises retrouvent la compétitivité dont elles ont besoin. Nous formons le vœu que vous nous apportiez des réponses quant à la pérennisation de ce système.
Il faut également évoquer la formation des marins qui composeront, demain, la marine française. Si l’on veut avoir un pavillon, il faut des marins, et donc un soutien de leur formation.
La question des investissements portuaires sera sans doute abordée dans le débat. Nos ports doivent devenir de véritables espaces de développement à même d’accueillir le trafic dans les meilleures conditions, face aux principaux ports européens situés sur la façade nord que sont Anvers et Rotterdam, notamment. À ce titre, les corridors européens définis en lien avec l’Union européenne doivent atteindre et intégrer certains ports impliqués dans des échanges internationaux importants, comme Saint-Malo, Roscoff ou Brest.
Un autre point de vigilance concerne le plan de relance, lequel doit aider l’ensemble des ports, et pas seulement les ports d’État, à développer une stratégie forte. Nous attendons également des réponses sur l’aide au verdissement de la flottille.
Nous espérons que le Fontenoy du Maritime que vous avez lancé, madame la ministre, soit l’occasion de réaffirmer que la France a la chance de disposer de grands opérateurs maritimes, comme Brittany Ferries, premier employeur de marins français, mais aussi CMA CGM, entre autres. Ce secteur doit être soutenu ; nous comptons sur ce débat pour que des réponses soient apportées et des pistes esquissées.