Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Brexit et la pandémie ont mis à rude épreuve les opérateurs de l’espace trans-Manche. Cette zone maritime est particulière car, au transport maritime, très ancien, s’est ajouté depuis 1994 le ferroviaire, avec le tunnel sous la Manche.
Le Gouvernement partage bien évidemment vos préoccupations quant à l’avenir des liaisons entre la France et le Royaume-Uni. Je veux toutefois affirmer d’emblée que l’amitié franco-britannique, même mise à rude épreuve par le Brexit, doit rester vive, et elle le restera grâce à notre attachement commun aux liaisons trans-Manche.
Le constat est clair : si le secteur du transport global – maritime, terrestre, aérien ; je n’oublie pas ce dernier segment – a été touché par la crise de manière hétérogène, le transport sur et sous la Manche a, quant à lui, été très fortement impacté. Les transports opérés sous pavillon français par Brittany Ferries et DFDS Seaways ont connu au printemps 2020 des baisses de fréquentation de passagers jusqu’à 80 % et des pertes de chiffre d’affaires de 75 % par rapport à 2019. Il en est de même pour le tunnel, plus spécifiquement pour l’Eurostar, qui a connu des baisses dans des proportions identiques.
Les mesures sanitaires prises de part et d’autre de la Manche depuis un an empêchent pour le moment la reprise du trafic, mais le gouvernement français n’est pas inactif.
L’État a toujours été aux côtés des opérateurs durant la crise et il le demeurera le temps qu’il faudra, conformément au principe du « quoi qu’il en coûte ». Souvenons-nous des paroles du Président de la République, qui concernent évidemment les transports.
Les dispositifs d’aide d’urgence, comme l’activité partielle, ont été prolongés ; le mécanisme de PGE a été instauré afin d’assurer la trésorerie des entreprises. Cela a été vital pour certains armateurs de la zone, en plus de l’implication des régions, que je dois saluer.
Le processus d’activité réduite de longue durée a également été mis en œuvre. À ce titre, les entreprises peuvent, après un accord avec les organisations syndicales, diminuer le temps de travail et pratiquer la modération salariale, à condition de maintenir intégralement l’emploi.
L’État a porté, dès le début de la crise, une attention toute particulière aux compagnies de ferries, touchées de plein fouet par les mesures de confinement et de restrictions des déplacements.
J’en viens maintenant au net wage, que le Premier ministre a annoncé. J’ai été chargée de mettre en place cette aide, qui oscille entre 20 et 25 millions d’euros pour l’ensemble des compagnies de ferries. Je suis certaine que nous y reviendrons pendant le débat, j’en préciserai alors les conditions.
Les infrastructures nécessaires au rétablissement des contrôles aux frontières ont été installées. Tous les ports français des Hauts-de-France, de Normandie ou de Bretagne ont su anticiper la date de sortie du Royaume-Uni. Il faut le dire, la France a su anticiper ce moment en amont. J’ai d’ailleurs pu le constater moi-même le 3 décembre dernier, lors d’un déplacement à Boulogne-sur-Mer avec le Premier ministre et mes collègues Clément Beaune et Olivier Dussopt.
L’ensemble de ces investissements avoisinent les 20 millions d’euros et la France souhaite que la réserve spéciale d’ajustement au Brexit contribue à leur financement.
Face au lancement, en novembre dernier, par le gouvernement britannique d’une procédure d’appel d’offres pour la création de dix ports francs, la France ne va pas rester sans réponse. Le Président de la République a souhaité que nous nous engagions. Une réflexion a été entreprise pour renforcer l’attractivité de nos zones industrialo-portuaires et une mission a été lancée afin d’étudier la mise en place de dispositifs permettant d’améliorer leur compétitivité.
Le transport ferroviaire n’est pas en reste : Eurotunnel a investi 48 millions d’euros pour le rétablissement des contrôles frontaliers.
Le Brexit crée aussi de nouvelles opportunités économiques avec l’Irlande et les acteurs français savent s’en saisir, comme en témoignent les développements de nouvelles liaisons ou le renforcement des lignes existantes.
L’entreprise Getlink, qui gère l’infrastructure du tunnel sous la Manche, a demandé de pouvoir créer des zones de ventes hors taxes, ou duty free, sur la partie française de la concession. Le port de Calais a fait de même.
S’agissant, enfin, du service Eurostar, le bouclage du plan de sauvetage passe avant tout par un effort des actionnaires et une plus grande implication des banques. Les discussions sont en cours. Le gouvernement français est prêt, s’il le faut, à prendre sa part, mais dans un effort partagé avec le Royaume-Uni.
Enfin, je souhaite évoquer trois sujets majeurs.
Je parlais d’opportunités à venir. J’ai lancé la semaine dernière la seconde phase du Fontenoy du Maritime. Depuis octobre, nous travaillons avec l’ensemble des acteurs sur la compétitivité de notre marine marchande. Cet exercice doit aboutir, avant l’été, à un pacte de performance avec les armateurs et l’ensemble de l’écosystème.
La France possède la deuxième zone économique exclusive (ZEE). C’est bien, mais en tant que ministre de la mer, je souhaite que notre pays soit une grande puissance maritime. Cela passe notamment par une véritable politique publique du shipping, qui nous a longtemps fait défaut. Le Fontenoy du Maritime répondra à cette ambition.
Je parlais d’une action déterminée de l’État : c’est, bien entendu, le cœur de notre démarche dans le cadre de France Relance. Le plan de relance maritime, qui s’élève à 650 millions d’euros, a été pensé pour répondre de la manière la plus concrète aux attentes des acteurs économiques. Les acteurs du portuaire peuvent ainsi bénéficier de 200 millions d’euros pour accélérer la transition écologique et le report modal, deux dimensions clés de leur compétitivité.
J’ai évoqué une stratégie de l’État en matière maritime. La stratégie portuaire, très attendue, a été le point d’orgue de la dernière réunion du comité interministériel de la mer (CIMer). La façade Manche-Mer du Nord n’est pas en reste au regard de cette ambition qui doit toucher plus et mieux les ports décentralisés.