Intervention de Michelle Meunier

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 mars 2021 à 9h20
Prévention de la perte d'autonomie — Examen du rapport d'information

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier, rapporteure :

La prévention de la perte d'autonomie est un enjeu absolument fondamental pour les années à venir, mais moins évident à cerner qu'il y paraît.

Sur son caractère fondamental, il n'y pas lieu d'insister. Si les tendances récentes se poursuivent, la population française comptera 76,4 millions d'habitants en 2070 et le rapport entre les 20-64 ans et les plus de 65 ans passera de 2,7 à 1,7. De plus, le vieillissement sera tiré par les âges les plus élevés. La part des jeunes seniors, c'est-à-dire les 65-74 ans, devrait rester stable, autour de 11 %, tandis que les parts respectives des 75-84 ans et des plus de 85 ans devrait passer de 3 % et 6 % à plus de 8 % et environ 10 % de la population !

Cela ne veut pas forcément dire que la part des personnes dépendantes va exploser, car de nombreux facteurs entrent en jeu. La prévalence des maladies neurodégénératives, par exemple, diminue depuis quelques années en raison de l'amélioration de la prévention et de la hausse du niveau d'études. Au fond, on ne sait pas vraiment ce qui nous attend en termes de perte d'autonomie, mais la morphologie de la pyramide des âges donne une première idée du problème.

Celui-ci, pour autant, n'est pas facile à définir. Dépendance naguère, perte d'autonomie aujourd'hui : ces termes désignent couramment les déficits fonctionnels de l'individu vieillissant, ce qui est une approche un peu étroitement médicale. La prévention de la perte d'autonomie regroupe ainsi toutes les actions empêchant ou retardant cette issue presque fatale. Observons encore que le terme n'est pas très répandu chez nos voisins, qui parlent plutôt de soins de long terme.

On peut avancer, pour schématiser, que la prévention de la perte d'autonomie semble aujourd'hui appréhendée selon deux grandes approches. La première met l'accent sur la prévention primaire. La gériatrie contemporaine repose toujours en partie sur l'idée du « trépied préventif » selon lequel une bonne alimentation, un exercice physique suffisant et le maintien d'une activité intellectuelle et sociale sont à la base du vieillissement en bonne santé, bonnes pratiques à suivre à tout âge.

Une seconde catégorie d'approche, plus récente, mise sur le repérage de la fragilité, en tâchant de détecter des risques de dépendance. Cette idée a le vent en poupe, et sans doute est-elle d'autant plus prometteuse que les nouvelles technologies permettent un suivi individuel, voire un auto-suivi, et une prise en charge plus réactive que jamais. Une question demeure toutefois : la fragilité est parfois décrite comme un symptôme, parfois comme une latence, ce qui ne rend pas plus clair l'objectif de la prévention. Par ailleurs, la fragilité ne remet pas en cause la pertinence de la prévention primaire car, au fond, ne vaut-il toujours pas mieux agir sur les causes de la fragilisation avant de la repérer ?

Il ne faudrait cependant pas tirer prétexte de cette hésitation méthodologique pour ne rien faire, car ces approches sont en réalité complémentaires. À ce propos, on dit souvent que les données de la science manquent, qu'il faut créer des centres de preuve, développer la recherche, et probablement on a raison. Toutefois, les études qui s'empilent convergent largement pour indiquer à grands traits ce qui est efficace dans la prophylaxie du vieillissement accéléré.

Pour les résumer en quelques mots, ces études disent avoir la preuve qu'aux premiers rangs des pratiques efficaces pour prévenir la perte d'autonomie figurent : les programmes d'exercice physique, les interventions psychocorporelles - telles que le tai-chi, le chigong, le yoga ou la méditation - les interventions intergénérationnelles et les visites à domicile.

La science qui a établi ce clair diagnostic dit cependant aussi que le vieillissement est un processus continu et dépendant d'un grand nombre de facteurs physiques et psychiques. Beaucoup de nos interlocuteurs ont d'ailleurs insisté sur le fait que la prévention de la perte d'autonomie était en réalité la « promotion de la santé tout au long de la vie », ce qui ne facilite pas la tâche des pouvoirs publics. Sans parler des causes dont chacun sait l'impact, qu'il s'agisse des accidents de la vie, de la souffrance au travail, ou de la pollution environnementale - dont nous reparlerons la semaine prochaine. Bref, la politique de prévention de la perte d'autonomie déborde nécessairement le strict champ médico-social et devrait aussi chercher à permettre aux gens de vieillir heureux.

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