Intervention de Michelle Meunier

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 mars 2021 à 9h20
Prévention de la perte d'autonomie — Examen du rapport d'information

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier, rapporteure :

L'adaptation des logements est un autre sujet crucial de prévention de la perte d'autonomie.

Les besoins sont considérables. L'ANAH estime à 6 %, soit 1,8 million, la part des logements de l'ensemble du parc de logements adaptés à la dépendance. À titre de comparaison, cette part est de 12 % en Allemagne et au Danemark, et de 16 % aux Pays-Bas.

Un rapport récent du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) du ministère de la transition écologique, estime même à partir d'un recensement inédit à 2 millions le nombre de logements qui pourraient avoir besoin d'être rénovés compte tenu de leur état et de l'âge de leur occupant ; ce qui veut dire qu'au rythme de 67 000 rénovations par an, ce qui est l'objectif pour 2021, il faudrait 30 ans pour y parvenir.

Il faut donc non seulement faire plus et plus vite mais aussi faire mieux pour les usagers. Car les modalités de soutien public ont été récemment complexifiées. Outre les aides des Carsat et de l'Anah, les ménages peuvent compter depuis l'an dernier sur Action logement, qui a mobilisé une impressionnante enveloppe d'un milliard d'euros pour financer la rénovation des salles de bain des foyers modestes, dans la limite de 5 000 euros.

L'articulation des différents dispositifs est loin d'être achevée. Même si Action logement doit intervenir en primo-financeur, les risques de financements redondants sont réels, de même que les effets d'aubaine. Surtout, les critères fixés pour prétendre aux aides de l'Anah, des caisses de retraite ou d'Action logement diffèrent assez fortement, de même que les plafonds de ressources, ce qui rend l'expérience des usagers probablement assez difficile.

Ceux-ci n'ont d'ailleurs accès qu'à une information fragmentée en matière d'aide à l'aménagement du logement : les dispositifs associatifs existants sont les agences départementales pour l'information sur le logement, dont l'adaptation au vieillissement n'est pas tout à fait le coeur de métier, et les Cicat, les centres d'information et de conseil sur les aides techniques, qui ne sont présents que dans une vingtaine de départements. Il serait donc utile de généraliser ces services sur le territoire.

La politique de prévention de la perte d'autonomie manque ensuite de colonne vertébrale, tant au niveau national qu'au niveau local.

Au niveau national d'abord, les stratégies ministérielles sont rarement assorties d'éléments de pilotage très opératoires. Dépourvues d'objectifs, elles ne sont pas évaluées. Elles ne sont pas mêmes dotées d'une gouvernance de nature à coordonner des acteurs forcément nombreux. Les plans Cancer ou Alzheimer, par comparaison, se sont progressivement enrichis de structures de gouvernance propres à la bonne mise en oeuvre de leurs actions. Il nous semble ainsi utile de prévoir, pour la mise en oeuvre des plans nationaux, une gouvernance adaptée et un pilotage par objectif concrets - en matière de nombre de visites préventives ou de logements rénovés, par exemple.

Le plan d'action que nous appelons de nos voeux devra inclure un volet spécifique à l'outre-mer. Ces territoires se trouvent en effet dans une situation tout à fait exceptionnelle, surtout la Guadeloupe et la Martinique, qui passeront dans les trente prochaines années directement des départements les plus jeunes aux départements les plus âgés de France. Or dans ces territoires, où la vulnérabilité économique est grande, les indicateurs d'espérance de vie en bonne santé sont moins bons que dans l'hexagone et la perte d'autonomie est plus précoce. L'offre de prise en charge est en outre déficiente et les établissements parfois vétustes. Nous proposons en outre de modifier le droit positif pour y rendre possible la création de résidences autonomie, ce qu'empêche actuellement le code de la construction et de l'habitation.

Toujours au plan national, le périmètre de la branche autonomie gagnerait à être consolidé. La CNSA, qui se contentait auparavant de « contribuer au financement de la prévention », a désormais une mission de pilotage de cette politique, mais sans qu'aucun moyen d'action nouveau ne lui ait été transféré. Le rapport Vachey de septembre 2019 faisait des propositions intéressantes, comme la globalisation des enveloppes consacrées aux maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (MAIA) et au dispositif parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d'autonomie (Paerpa), ou encore la concentration progressive des dispositifs d'aide à l'adaptation des logements dans la branche autonomie : le budget qu'y consacre l'Anah ainsi que celui que consacre la Cnav aux aides individuelles et aux aides à l'investissement dans les établissements et résidences autonomie. C'est indiscutablement un premier pas. Il faudra aussi améliorer le suivi statistique des actes infirmiers de soins réalisés par les praticiens libéraux, voire des services d'aide à domicile, pour mieux organiser l'offre sur le territoire.

Au niveau local, nous proposons de rénover le fonctionnement des conférences des financeurs de la perte d'autonomie, créées par la loi ASV de 2015. Leur bilan est globalement positif et les actions qu'elles financent bénéficient à un nombre croissant de personnes. Mais l'évaluation des besoins pourrait être mieux ajustée et reliée aux priorités dégagées au niveau national, le fléchage des financements gagnerait à être simplifié. La logique d'effet de levier par les concours de la CNSA est utile, mais le soutien à l'offre d'actions serait plus solide si les financements étaient programmés de manière pluriannuelle. Enfin et surtout, le tour de table devrait être élargi à d'autres acteurs.

Plus largement, il nous semble qu'il faut donner au département de plus larges compétences pour conduire cette politique sur le terrain : en matière d'information des usagers, d'organisation des visites de prévention à domicile, de coordination des prises en charge, tout cela en collaboration avec les communes et les centres communaux d'action sociale.

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