Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 mars 2021 à 10h35
Audition en commun avec la commission des affaires économiques de M. Olivier Bogillot président de sanofi france

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, je vous remercie d'avoir répondu positivement à notre invitation, en cette période qui présente des défis sanitaires et industriels inégalés, pour votre entreprise tout particulièrement.

Sanofi fait la fierté de la France. Elle reste, en termes de chiffre d'affaires, la première entreprise pharmaceutique française, et l'une des dix premières au monde. Pourtant, votre entreprise ne semble pas pour l'instant se distinguer - pardonnez-moi d'être directe - par sa performance dans la course au vaccin contre la covid. En 2020, vous avez cédé vos participations dans l'entreprise américaine de biotech Regerenon, qui développe avec succès des anticorps de synthèse. Cela vous a permis d'obtenir des résultats substantiels. Et voilà que, dans le même temps, vous annoncez la suppression de 400 postes en France dans le secteur de la R&D. Vous comprendrez que ces décisions suscitent l'incompréhension, à l'heure où une mobilisation totale des Français et de l'ensemble des acteurs économiques est nécessaire.

Alors que notre pays déploie un plan de relance d'une ampleur inégalée dans son histoire, l'efficacité des aides publiques et de leur distribution revient au coeur des débats. Des missions parlementaires se sont penchées sur la conditionnalité des aides à des engagements sociaux ou environnementaux. Sanofi a été un bénéficiaire de premier rang des aides publiques françaises en matière de recherche et développement - vous pourrez nous confirmer le chiffre de 150 millions d'euros de crédit d'impôt recherche (CIR) et de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Pourtant, vos dernières annonces de restructuration visent particulièrement les postes de chercheurs des centres de R&D. Faut-il interpréter ces décisions de Sanofi comme une insuffisance de la politique d'aide publique en faveur de la recherche privée, ou, à l'inverse, comme la démonstration d'une trop faible conditionnalité de ces aides ? Il y va de la relance économique.

Dans un contexte de forte mobilisation des scientifiques, des industriels et des pouvoirs publics, comment expliquer l'échec de la France dans la course aux vaccins ? Et au-delà des difficultés techniques éprouvées par vos équipes et liées à la rapidité des recherches, peut-on y voir un symptôme de nos propres faiblesses économiques ? Les insuffisances du capital-risque expliquent-elles les difficultés à financer la recherche en France ? Ou bien l'industrie française a-t-elle raté un virage stratégique en sous-investissant dans ses capacités de recherche, comme cela est suggéré dans des rapports récents ? La France et ses grands acteurs pharmaceutiques ont-ils un train de retard ou notre pays pourrait-il se développer comme terre de biotechs pour de nouvelles pépites ?

L'impact économique du coronavirus a entraîné, en France, de nombreux appels à la « relocalisation » de capacités de production industrielle, en particulier en matière de santé : des entreprises se sont lancées dans la fabrication de masques, de respirateurs, etc. La dépendance de notre pays à certains principes actifs est devenue évidente. Cela m'inspire deux dernières questions.

D'abord, vous inscrivez-vous dans cette réflexion, et si oui, quels produits ou quels segments des chaînes de valeur avez-vous identifiés comme prioritaires pour la relocalisation ? Ensuite, les difficultés de Sanofi à faire aboutir ou non la production d'un vaccin français et les déclarations du groupe au sujet de doses destinées « en premier » aux États-Unis ne montrent-elles pas les limites d'une telle stratégie de relocalisation ? Pour l'industriel que vous êtes, les logiques de marché feront-elles finalement toujours obstacle à un raisonnement en termes de capacité nationale de production ?

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