Intervention de Olivier Bogillot

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 mars 2021 à 10h35
Audition en commun avec la commission des affaires économiques de M. Olivier Bogillot président de sanofi france

Olivier Bogillot, président de Sanofi France :

Je vous remercie de cette invitation qui me permet de présenter Sanofi, dont personne ne connaît réellement l'organisation et les axes stratégiques. Je commencerai par les grandes divisions du groupe, qui sont au nombre de quatre.

La division médecine générale est la plus connue, car la plus ancienne. Elle comporte un grand nombre de produits largement utilisés, pour la plupart issus de la chimie et qui représentaient encore il y a quelques années plus de 70 % des revenus du groupe. Je citerai le Lovenox®, les insulines ou le Kardegic®. Ces produits ont prospéré, mais ils arrivent maintenant à maturité, en fin de cycle de vie, avec des chutes de brevet ; une grande partie d'entre eux ont permis de financer la recherche pour les innovations.

La deuxième division concerne des produits d'automédication que l'on trouve en pharmacie sans prescription : Lysopaïne®, Toplexil®, etc. Le Doliprane®, prescrit, mais aussi vendu sans ordonnance, arrive en tête dans les sondages de notoriété, avant Google ! Cette division est importante pour Sanofi, car notre cycle économique passe par la délivrance des brevets, puis par leur chute. L'automédication permet d'y échapper et d'augmenter la durée de vie du médicament, avec un seul bémol : cette pratique n'est pas très développée en France, contrairement à d'autres pays, à cause de facteurs culturels et en raison de la prise en charge de l'ensemble des produits au sein de notre système de protection sociale.

La troisième division, entièrement dédiée aux vaccins, est l'une des plus importantes du groupe et du monde. Avant la crise de la covid, les quatre acteurs majeurs étaient Pfizer, le laboratoire américain Merck, le géant britannique GSK et le groupe Sanofi, qui produit un sixième des vaccins contre la grippe, soit plus de 250 millions de doses. Lors des crises comme celle de la covid, nos productions locales plus importantes de doses de vaccin contre la grippe saisonnière permettent d'éviter d'engorger les urgences. Cette division extrêmement importante constitue le deuxième axe stratégique qui a été proposé par le nouveau directeur général « monde », Paul Hudson.

La quatrième division, « médecine de spécialités », est la moins connue. Nous sommes pourtant le leader mondial en matière de maladies rares, telles que la maladie de Gaucher ou les affections rares de l'hémophilie, ainsi que de la sclérose en plaques ou des maladies immunologiques. D'après les analystes financiers, à l'horizon de 2025, Sanofi sera probablement le premier groupe mondial en maladies immunologiques. Nous avons notamment développé le Dupixent® ; médicament très efficace pour lutter contre la dermatite atopique et l'asthme sévère, il est considéré comme une révolution technologique et clinique pour la prise en charge de ces maladies. Le produit est encore peu distribué, mais c'est l'avenir du groupe, qui pourra ainsi proposer à l'avenir des solutions contre l'urticaire chronique, la polypose nasale et peut-être le lupus.

Alors que l'activité de Sanofi reposait au départ exclusivement sur la chimie pharmaceutique, elle a considérablement évolué au cours des dix dernières années avec l'essor des biotechnologies, à tel point que nous sommes aujourd'hui capables, à Vitry, de fabriquer des anticorps monoclonaux, de développer un médicament contre le cancer du sein, ou encore une thérapie ciblée ou cytotoxique afin de s'attaquer à la tumeur pulmonaire. Derrière cette image erronée d'un laboratoire ancien et peu innovant, on trouve chez Sanofi des plateformes technologiques extrêmement innovantes qui nous permettent déjà de rayonner dans le monde entier dans des aires thérapeutiques parmi les plus graves.

La singularité de Sanofi est sa capacité industrielle intégrée, qui s'est illustrée au travers des accords conclus avec BioNTech et Johnson & Johnson, ce qui nous rend très peu dépendants de l'Asie. Sanofi, c'est 70 usines, 30 en Europe et 18 en France, dans 9 régions sur 13, avec un outil industriel qui s'est modernisé et des investissements permanents en ce sens - 1,5 milliard d'euros au cours des cinq dernières années. Le groupe compte près de 11 000 salariés - je les salue officiellement aujourd'hui -, fortement mobilisés cette année pour produire des médicaments essentiels pour les hôpitaux. La production du Doliprane a été multipliée par trois grâce à la production sur site. Sur un chiffre d'affaires total de plus de 36 milliards d'euros, 5 % ou 6 % seulement proviennent du territoire français, mais 25 % des effectifs travaillent en France. La contribution positive de Sanofi à la balance commerciale est donc majeure et place notre groupe à la cinquième place. Lors de la crise, la pharmacie a été le seul contributeur positif, et elle le doit en grande partie à Sanofi.

S'agissant de la course aux vaccins, Sanofi a fait le choix d'une technologie particulière, choix qui nécessite quelques rappels chronologiques. Le code génétique de la covid-19 est publié par les autorités chinoises au mois de janvier. Les laboratoires peuvent alors commencer à travailler. Des industriels se positionnent sur l'ARN messager, les adénovirus - les vaccins vectorisés d'AstraZeneca et de Johnson & Johnson - des protéines recombinantes ou des vaccins inactivés. Hormis un faisceau de convictions, rien ne prouve à ce moment-là que l'ARN messager peut fonctionner. Pour l'adénovirus, face au précédent d'Ebola et à un certain nombre d'éléments scientifiques, nous faisons le choix de la protéine recombinante, prouvée dans la clinique et utilisée pour le vaccin de la grippe saisonnière. Nous savons que ce sera plus long que de développer un autre vaccin, mais nous pensons que cette technologie a plus de chances de fonctionner.

Pourquoi ne pas avoir choisi l'ARN ? Quand on maîtrise une seule technologie, à l'instar de Moderna ou de BioNTech, on a tendance à se concentrer sur celle-ci. Sanofi pouvait choisir entre plusieurs technologies ; nous avons préféré utiliser la technologie que nous maîtrisions le mieux : la protéine recombinante. Si le développement clinique avait franchi toutes les étapes le plus vite possible, nous aurions été prêts en juillet dernier. Pour produire un tel vaccin, un délai de quinze mois est déjà un exploit. Il nous faudra plutôt dix-huit à dix-neuf mois, avec un vaccin en octobre ou novembre de cette année. Le vaccin le plus rapide à sortir avant la crise de la covid - contre Ebola - a été mis au point au bout de quatre ans. Les vaccins à ARN messager qui sont arrivés au bout de neuf mois relèvent déjà de la prouesse. Mais nous devrons en avoir la maîtrise au plus vite, car c'est la meilleure technique en cas de crise sanitaire.

Il faut néanmoins avoir plusieurs cordes à son arc, car le niveau d'incertitude persiste. Outre les ARN messager, très impressionnants, les résultats des adénovirus sont très bons et j'espère que la situation d'AstraZeneca va se régler : on en a besoin, comme on aura besoin des autres vaccins. J'y insiste, les industriels savent produire des vaccins, mais il faut les produire en quantité colossale. Après la course pour sortir le premier vaccin, la vraie tension s'opère sur les capacités de production. Nous pouvons être fiers : lorsque nous avons constaté un léger retard pour nos vaccins, nous avons fait le choix de mettre nos capacités industrielles au service de BioNTech et de Johnson & Johnson, en vue de la distribution d'ici au mois de septembre de 20 millions de doses par mois aux patients européens. Nous travaillons avec nos concurrents pour essayer d'enrayer au plus vite cette crise sanitaire. C'est assez rare pour être souligné.

J'en viens à la recherche et développement.

L'annonce, par le directeur général « monde » de Sanofi, de la réduction des effectifs est intervenue au mois de janvier dernier, au moment du débat autour des retards de production des vaccins français. Mais cela ne concerne pas le vaccin sur lequel portent nos investissements. De plus, il s'agit de départs volontaires qui s'effectuent dans de très bonnes conditions. Quelle est la raison d'être de ces restructurations ? Elles résultent de la nature des produits qui sont développés chez Sanofi. Les technologies ont tellement évolué depuis dix ans que les chercheurs attendus ne sont plus les mêmes. Les produits issus des biotechnologies imposent de se séparer de certains profils centrés sur la chimie et de rechercher de nouvelles compétences autour des anticorps monoclonaux, des petites protéines, de la thérapie génique.

Nous avons mis en avant des priorités, à l'instar de ces investissements exclusifs de plusieurs centaines de millions d'euros sur des produits très prometteurs pour lutter contre la sclérose en plaques, notre objectif étant de parvenir aux meilleurs médicaments dans chaque catégorie. Alors que nous étions leaders pour le diabète, nous ne pouvions apporter des médicaments qui font la différence. Or il est très difficile de convertir un chercheur très pointu dans ce secteur. Tel est le sens du plan de départs volontaires. C'est la science qui dicte nos futures structurations. Sans la science, sans de nouveaux besoins, on n'avance pas ! Depuis dix ans, nous travaillons sur les produits les plus innovants qui peuvent être les mieux à même de répondre aux besoins des cliniciens et des patients.

Cela ne signifie pas pour autant que Sanofi se désengage de la R&D. Nous investissons plus que jamais, notamment sur un nouveau produit utile pour les patients atteints de sclérose en plaques. Nous avons racheté une biotech à Boston, nous sommes un groupe mondial, mais la molécule sera produite à Sisteron. Le changement du modèle de recherche ne réduira pas l'empreinte de Sanofi en France, au contraire : on met de l'électricité dans le moteur ! Avec 2 milliards d'euros d'investissement en R&D en France, Sanofi est le premier groupe du CAC 40.

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