Intervention de Olivier Bogillot

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 mars 2021 à 10h35
Audition en commun avec la commission des affaires économiques de M. Olivier Bogillot président de sanofi france

Olivier Bogillot, président de Sanofi France :

Oui, nous avons diminué le nombre de nos sites de R&D en France, mais c'est parce que nous avons choisi d'y consolider nos centres d'excellence, sur des aires thérapeutiques définies, en particulier l'immuno-oncologie et la cancérologie. C'est dans ce sens que nous avons regroupé des équipes à Vitry-sur-Seine en fermant notre unité de Strasbourg. Nous nous plaçons dans une logique de cluster, qui réussit très bien à nos concurrents ; je pense aux clusters de Cambridge, de Boston ou du Maryland.

Le nombre de nos chercheurs diminue effectivement, mais je vous rappelle qu'il y a dix ans, Sanofi faisait de la chimie et que, depuis une vingtaine d'années, la plupart des nouveaux médicaments sont issus des biotechnologies. Nos plateformes de recherche changent, nous avons toujours des chimistes, mais également des chercheurs en biotechnologie, qui suivent ce qui se passe ailleurs - nous avons ainsi acheté une entreprise belge très avancée dans les nanotechnologies. Je pense que Sanofi a bien fait de prendre ce tournant, parce que c'est celui de la pharmacopée mondiale.

Les laboratoires ne font pas toute la recherche en interne, ils intègrent de plus en plus de profils différents, capables de développer des coopérations avec d'autres équipes de recherche, pour intégrer celles qui correspondent le mieux à leur stratégie. Nous avons, ainsi, acquis l'entreprise Synthorx fin 2019, qui travaille sur l'alphabet du code génétique et qui va nous aider à améliorer l'efficacité de nos traitements immuno-oncologiques, contre le cancer du poumon ou de l'utérus par exemple. Ces acquisitions nécessitent une certaine puissance financière, elles créent de l'activité dans le groupe et dans notre partenariat. Sanofi compte 100 000 collaborateurs, nous développons un grand nombre de partenariats, tout cela vient d'un échange constant avec la recherche telle qu'elle se pratique aujourd'hui.

On nous reproche des fermetures de sites, mais jamais on ne relève les investissements que Sanofi réalise sur le territoire national. En juin dernier, nous avons décidé d'investir 500 millions d'euros dans une usine ultramoderne à Lyon, l'usine de vaccins la plus moderne au monde : pourquoi ne nous pose-t-on pas de questions sur le sujet ? Sanofi fait travailler 9 000 PME, nous faisons un investissement de 500 millions d'euros en pleine crise, nous y ajoutons un programme de 110 millions d'euros sur les vaccins, mais on ne retient que les fermetures...

Oui, Sanofi aura bénéficié de 1,5 milliard d'euros de CIR, sur dix ans, à comparer aux 2 milliards d'euros par an que nous consacrons à la recherche. Le CIR est très important, c'est un élément d'attractivité du territoire. La direction générale de Sanofi compare les territoires à l'échelle mondiale et je peux vous dire que la compétition fiscale et sur la propriété intellectuelle est des plus féroces, y compris avec nos voisins et partenaires, comme les Belges ou les Allemands. La France reste le pays qui a la fiscalité la plus lourde au monde dans ce secteur. Attention à ne pas nous pénaliser davantage en supprimant un outil utile à la recherche.

Les médicaments anti-infectieux et antibiotiques ont vu leur prix chuter très fortement, du fait des délocalisations dans les pays asiatiques - la Chine en est devenue le premier producteur mondial. La compétition devient très difficile à ces niveaux de prix, Sanofi est le dernier laboratoire pharmaceutique à produire un antibiotique sur le sol européen, avec la pyostacine, que nous continuons à fabriquer à Saint-Aubin-lès-Elbeuf. Les anti-infectieux sont un enjeu très important, c'est certain, mais l'équilibre économique est très difficile à atteindre désormais. Nous choisissons d'investir sur des médicaments importants qui nécessitent des investissements colossaux et toute stratégie suppose des choix, donc de ne pouvoir être partout.

Sanofi compte plusieurs usines qui travaillent à plus de 50 % pour des tiers, ce qui est une reconnaissance de la qualité de notre outil ; nous avons décidé de regrouper six de ces usines dans Euroapi, elles travaillent déjà en majorité pour des tiers, elles sont très performantes sur des produits plus anciens. La stratégie, c'est de choisir d'allouer ses ressources en fonction de ses priorités ; dès lors que nous avons choisi d'investir dans l'innovation, que faire de ces usines performantes, mais centrées sur des produits déjà connus ? On pourrait les vendre, nous préférons les intégrer, comme EUROAPI, dans un ensemble où nous sommes minoritaires, c'est une condition de l'ouverture à nos partenaires, mais qui aura une surface suffisante pour rapatrier des principes actifs pharmaceutiques. En réalité, nous renforçons le territoire européen, car il faut une taille critique dans la concurrence mondiale et le nouvel ensemble, s'il entrait en bourse, serait en deuxième place mondiale pour les principes actifs pharmaceutiques.

Sur les vaccins, nous avons lancé début février une nouvelle phase 2 pour la protéine recombinante, les résultats seront disponibles en mai, nous lancerons alors une phase 3. Simultanément, nous avons lancé un essai clinique ARN messager : c'est une bonne nouvelle, nous sommes le quatrième acteur sur cette technologie, le fait de valider cette approche sera très utile pour la suite et nous l'utiliserons dans notre nouvelle usine de Lyon. L'étude clinique devrait durer jusqu'à l'an prochain, nous arriverons donc tard et nous examinerons alors avec les autorités réglementaires quel sera le meilleur design de notre vaccin ARN, pour une mise sur le marché en 2022.

De grands laboratoires ont eu des difficultés : Merck a abandonné son projet avec l'Institut Pasteur, GSK ne s'est pas lancé dans un programme, Pfizer lui-même n'a pas développé la technologie ARN messager en interne, mais a recouru à BioNTech, avec laquelle le laboratoire était déjà engagé. En réalité, Sanofi est le seul groupe à utiliser ses propres recherches pour avancer sur deux vaccins, et à flaconner pour des tiers.

Le flaconnage est une opération très complexe, elle requiert des machines nouvelles quand il faut opérer, comme avec le vaccin Pfizer, à - 80 °C. L'ouverture d'une chaîne de flaconnage prend généralement entre douze et dix-huit mois, nous en avons mis quatre cette fois-ci, nos équipes ont travaillé vite et bien. Je ne crois pas, ensuite, qu'il y ait un quelconque problème pour Pfizer à ce que nous mettions son vaccin en flacon, chacun reste dans son couloir de course et nous coopérons. Je ne crois pas non plus que nous connaîtrons des pénuries de matière première ; s'il y a pu avoir des problèmes pour les lipides, ce n'est guère un enjeu pour nous.

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