Intervention de Olivier Bogillot

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 mars 2021 à 10h35
Audition en commun avec la commission des affaires économiques de M. Olivier Bogillot président de sanofi france

Olivier Bogillot, président de Sanofi France :

Je ne pourrai répondre que succinctement à des questions aussi nombreuses et riches...

Pardon si j'ai donné le sentiment que je voulais remplacer vos questions par les miennes, je voulais surtout attirer l'attention sur le fait qu'un investissement de 500 millions d'euros dans une usine à Lyon, c'était une bonne nouvelle. Sanofi verse effectivement des dividendes à ses actionnaires, je crois que c'est aussi une bonne nouvelle et que cela marque de la confiance, dans un secteur très compétitif où l'investissement est risqué, car entre la recherche et la commercialisation, il y a peu de médicaments à l'arrivée. Récompenser ceux qui prennent ce risque sur le temps long, c'est une marque de confiance. Un tiers de l'actionnariat est français, constitué par des investisseurs institutionnels et par nos salariés ; donc verser du dividende, cela irrigue l'économie nationale.

À l'échelle mondiale, Sanofi se situe entre les groupes très performants et ceux qui décrochent. Nous espérons que notre stratégie va nous placer du côté des plus innovants. Verser des dividendes entretient un niveau élevé de capitalisation, c'est nécessaire pour des acquisitions et pour se protéger d'autres investisseurs - les groupes comme Pfizer ou Johnson & Johnson ont doublé leur capitalisation en dix ans, alors que nous sommes restés stables, la compétition est rude. Le risque, sans croissance, c'est que la capitalisation se rétracte, alors il faudrait vendre plutôt qu'investir, ce n'est pas notre logique, nous sommes dans une logique de développement.

Cette crise a montré que l'Europe n'avait pas les outils qu'ont d'autres continents pour se mobiliser rapidement face à une pandémie. Les États-Unis ont une structure, le BARDA, qui investit massivement et rapidement, ce qui leur a permis d'aller très vite face au virus. L'Europe annonce qu'elle entend se doter d'une structure comparable, qui s'appellera HERA, c'est nécessaire pour qu'elle ne soit plus seulement en position d'acheteur, mais aussi de producteur. Parmi les leçons de la crise, la structuration de la réponse européenne aux épidémies est un élément important.

L'Institut Pasteur a choisi un vaccin inactivé, cette voie n'a pas fonctionné, c'est courant dans la recherche où l'échec est plutôt la norme et la réussite, l'exception, ce qui n'empêche pas que les équipes de Pasteur ont très bien travaillé. Sanofi a deux candidats, j'espère qu'ils iront au bout. Parmi les leçons, nous retenons bien sûr que l'ARN messager est une technologie dont nous ne pourrons désormais pas nous passer, rapide et efficace, d'où l'importance pour nous d'y participer. C'est essentiel pour la souveraineté de la France.

J'aurais aussi préféré vacciner avec Sanofi, mais je maintiens que, en mars 2020, la voie que nous avons choisie était celle que nous maîtrisions le mieux et qu'elle était la plus efficace et reconnue dans le monde du vaccin - ce n'était pas l'ARN. Notre choix était rationnel. Si on avait à le refaire, on le referait. Notre vaccin sera-t-il utile, en 2022 ? Il faut raisonner à l'échelle mondiale, les variants sont nombreux, les besoins sont partout, tous les lots de vaccins seront utiles. Concernant son usage dans le temps, nous ne saurions le dire. S'il y a besoin de rappels réguliers, je crois que les protéines recombinantes présenteront des avantages, car quand le vecteur est viral, comme AstraZeneca et Johnson & Johnson, son efficacité diminue dans le temps car le système immunitaire finit par agir contre le vecteur - d'où l'intérêt de disposer de plusieurs armes. La protéine recombinante de Sanofi sera utile comme « booster » après une première vaccination.

Je ne puis avoir une appréciation précise du vaccin russe Spoutnik V, qui utilise l'adénovirus comme technologie, car les Russes l'ont développé en dehors des règles internationales telles que nous les suivons habituellement.

Je suis un admirateur de Jean-François Dehecq, c'est un capitaine d'industrie, son implication sociale et son souhait de développer Sanofi en France demeurent - voyez nos investissements à Lyon. Nous continuons d'investir dans le territoire, c'est le sens de la décision que j'ai prise cette année, face à la crise sanitaire, d'accueillir en alternance 1 500 jeunes dans notre entreprise, au lieu de 1 000 l'année précédente ; notre empreinte sociale est forte, nous travaillons avec des écoles, des universités, nous finançons des chaires, nous développons de nombreux partenariats avec des PME. Le conseil d'administration valide cette démarche, Sanofi est une entreprise française, européenne, mondiale, notre siège social est en France, et 25 % de nos effectifs sont en France.

Notre pays ne dispose pas d'un cluster de biotechnologie d'envergure mondiale - sur les dix premiers clusters mondiaux, cinq sont aux États-Unis, celui de Boston, sur quelques kilomètres carrés, représente une valorisation de 60 milliards de dollars ; s'y ajoutent ceux de San Francisco, du Maryland, de New York et de San Diego, un cluster se situe en Grande-Bretagne, un en Allemagne, un en Chine et un en Corée du Sud. Nous avons, à Sanofi, une responsabilité à promouvoir la formation d'un tel cluster des sciences du vivant, c'est un enjeu national, il faut mobiliser des moyens importants sur des aires thérapeutiques précises où nous sommes en avance, en particulier sur la cancérologie, c'est une condition pour revenir dans la compétition mondiale : elle nécessite une mobilisation collective, politique - ou bien si l'on attend, le retard sera tel que, comme pour le numérique, nous ne pourrons le combler parce que nous n'aurons pas pris le bon train. C'est le message que je veux faire passer à la représentation nationale.

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