Intervention de Jean-Paul Roland

Mission commune d'information Effets des mesures en matière de confinement — Réunion du 18 mars 2021 : 1ère réunion
Audition de représentants de festivals

Jean-Paul Roland, directeur du festival des Eurockéennes de Belfort :

Les questions posées par le rapporteur sont très pertinentes. Comme l'a fait remarquer Jérôme Tréhorel, le pass sanitaire soulève des interrogations éthiques. C'est pourquoi nous surveillons la campagne de vaccination comme du lait sur le feu, mais nous sommes bien conscients qu'elle ne sera pas achevée d'ici l'été. Dans ces conditions, les Eurockéennes de Belfort sont favorables à pouvoir tester nos festivaliers avant leur entrée sur le site. Tant que la vaccination n'est pas effective, il s'agit, de fait, de la seule solution viable. Beaucoup de personnes se font tester avant de rentrer voir leurs familles, à Belfort ou ailleurs, alors pourquoi pas pour se rendre à un festival ?

La notion de la distanciation doit être précisée. S'applique-t-elle indifféremment à toute personne durant l'événement ? Seules les familles en sont-elles exclues ? Quid des amis qui viennent entre eux aux Eurockéennes ?

Nous avons besoin d'un cadre qui s'appuie sur des arguments scientifiques. Nous nous interrogeons sur les fondements qui ont conduit à mettre en place la jauge de 5 000 personnes, qui s'applique en France depuis maintenant un an. À ma connaissance, seule une étude américaine réalisée par des chercheurs de Las Vegas datant du printemps 2020 l'a évoquée.

Les concerts-tests ont pour objet d'évaluer le sur-risque de s'infecter quand on assiste à un spectacle. Il s'agit pour nous de prouver qu'il n'y a pas davantage de contaminations dans un lieu culturel. Il est assez regrettable de se retrouver dans une telle situation d'inversion de la charge de la preuve, dans laquelle il nous faut démontrer qu'il n'y a pas de sur-risque dans nos lieux, alors que les risques encourus à l'extérieur de nos lieux ne sont pas véritablement documentés.

Nous estimons néanmoins que seule une réponse scientifique nous permettra d'avancer et de ne pas avoir l'impression de vivre le film « Un jour sans fin ». Les résultats de ces concerts-tests nous permettront, ainsi qu'à l'ensemble des acteurs de la filière, de nous adapter.

Nous savons très bien que la reprise des activités culturelles sera progressive, que la réouverture des grands festivals ne sera pas immédiate et sera précédée par la réouverture des salles de concert.

S'agissant d'un festival sans buvette ni restauration, je vous renvoie aux résultats du sondage que nous avons réalisé. 73 % des festivaliers y sont défavorables. Le temps passé dans un festival est en effet plus long que celui passé dans une salle de spectacles. Sans compter que l'impact financier de cette interdiction serait très lourd.

Concernant la question du couvre-feu, nous sommes extrêmement préoccupés par l'impact de ces différentes mesures qui touchent la jeunesse depuis quelque temps : l'interdiction de consommer de l'alcool, de sortir passée une certaine heure.... Je ne veux pas d'une société qui devienne sécuritaire et hygiéniste. Nous devons respecter ce qui fait le sel de nos manifestations destinées à la jeunesse. Loin de moi l'idée bien sûr d'allier jeunesse et alcool. Cependant dans notre festival, il n'a jamais posé problème, comme le démontre le suivi réalisé par l'Agence régionale de santé (ARS) et le SAMU.

Quant aux États généraux des festivals, je ne peux que me féliciter de leur organisation Cependant je constate que les thèmes abordés sont complètement décorrélés de la crise que nous traversons, ce qui me paraît vraiment dommage.

En conclusion - et en écho aux propos de la directrice adjointe des Rencontres d'Arles - un arrêt des festivals pour la deuxième année consécutive serait très dangereux, non seulement pour l'événement lui-même, mais aussi pour notre savoir-faire. Nous sommes de petites équipes, mais nous avons appris à nous adapter et à développer une expertise dans le domaine du mécénat, de l'environnement, en matière de prévention des attentats... Nous avons acquis de nombreuses connaissances, non pas sur les bancs de l'université, mais sur le terrain, notamment au travers de notre dialogue avec tous les acteurs impliqués dans l'organisation du festival, et en premier lieu les préfectures.

Permettez-moi une anecdote : il y a une semaine, une jeune fille est venue frapper à la porte de mon bureau pour me déposer, en mains propres, sa candidature pour un stage dans notre festival. Elle avait fait de longues heures de route pour se rendre de Maubeuge à Belfort. Ce festival est pour elle une chance de rentrer dans la profession. Pensons à tous ces jeunes qui risquent de voir la porte se refermer une seconde fois ! Pensons à tous ces stagiaires à qui l'on a dit « au revoir » après une semaine de stage.

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