Intervention de Vanina Paoli-Gagin

Réunion du 24 mars 2021 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes suivi d'un débat

Photo de Vanina Paoli-GaginVanina Paoli-Gagin :

Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, le Parlement est un lieu de traditions, et le débat organisé à la suite du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes en est une, qui occupe une place importante.

C’est pour moi une première. Je comprends que ce débat, en ces temps de crise sanitaire, ne ressemble en rien à ceux des années précédentes. Au-delà du contexte, l’objet même de notre discussion ne respecte pas vraiment les traditions, car la mouture 2021 du rapport annuel ne traite pas de la situation des finances publiques.

Le Premier ministre a d’ailleurs demandé aux sages de la rue Cambon un rapport complémentaire sur cette question, ainsi que sur les priorités de l’action publique pour l’après-crise. Il devrait être publié en avril prochain ; nous en débattrons certainement.

Le rapport annuel dont nous discutons aujourd’hui porte essentiellement sur la gestion de la crise sanitaire que nous traversons depuis plus d’un an. Comme cela a déjà été dit, le principal enseignement formulé par la Cour peut se résumer en quelques mots : manque d’anticipation.

Le Premier président Pierre Moscovici l’a clairement dit, le principal enseignement du rapport 2021, c’est la faible anticipation de la crise par la plupart des acteurs publics impliqués. Mais il n’a pas précisé si l’institution qu’il préside est incluse dans le périmètre des acteurs publics concernés…

La consultation du rapport 2020, paru le 25 février de l’an passé, nous met sur la piste. La Cour concluait ainsi son avis sur la situation d’ensemble des finances publiques : « Il importe que [la trajectoire de finances publiques pluriannuelle] prévoie une réduction du déficit structurel ambitieuse, cohérente avec les règles européennes et ne repoussant pas en fin de période de programmation l’essentiel des efforts à accomplir. En complément, un renforcement de l’effectivité du cadre pluriannuel, pouvant passer notamment par une révision des textes organiques, permettrait de crédibiliser dans la durée un tel engagement. »

Autant dire que la Cour des comptes, dans sa grande sagesse, n’avait rien vu venir de la mise à l’arrêt de notre économie, du creusement abyssal de notre déficit et de l’explosion vertigineuse de notre dette. Personne ne lui en tient rigueur.

Nous pouvons nous appesantir sur le manque d’anticipation des acteurs publics, mais gardons-nous d’en tirer des conclusions bien sévères et très politiques sur ce qu’il fallait faire pour anticiper la crise. À la vérité, il semble que seuls les pays du Sud-Est asiatique, déjà confrontés au SRAS en 2011, ont à peu près su anticiper la gestion d’une telle crise.

Je crois plus pertinent de débattre de l’avenir, et pour cause : l’enjeu est de reconstruire notre pays, brisé par la crise. Le défi, c’est de dessiner au plus vite une voie de sortie crédible, eu égard aux nouvelles contraintes budgétaires.

Bien évidemment, le rapport de la Cour des comptes nous livre des éléments de réflexion aussi nombreux que précieux.

Je pense notamment, et de façon non exhaustive, à la baisse du nombre de lits de réanimation, passé de 44 pour 100 000 habitants en 2013 à 37 en 2020 ; à la forte dégradation du réseau ferroviaire national, qui devra bénéficier, dans les prochaines années, des quelque 4 milliards d’euros alloués à la SNCF dans le cadre du plan de relance ; et aux recommandations sur le pilotage de l’innovation de défense, qui illustre les difficultés de la recherche dans notre pays, laquelle débouche trop rarement sur des innovations de marché déployées à grande échelle.

De ces trois exemples, je veux tirer quelques leçons, dont je crois qu’elles pourront utilement guider, au cours des prochains mois, notre action parlementaire.

Tout d’abord, l’augmentation de la dépense publique n’induit pas nécessairement l’amélioration du service public – c’est une spécialité française. On le voit, par exemple, avec les équipements de nos hôpitaux publics : malgré l’augmentation continue de nos dépenses depuis plusieurs décennies, la situation n’a cessé de se dégrader et les inégalités territoriales n’ont cessé de se creuser.

Ensuite, nous aurons besoin de grands projets d’infrastructures pour reconstruire notre pays. La transition écologique doit tirer notre développement économique, et non le freiner. Nous devrons massivement investir dans nos équipements de réseau, qu’il s’agisse du numérique, de l’hydrogène, du cloud souverain, du ferroviaire ou encore de l’internet des objets.

Enfin, nous devrons mobiliser toutes les ressources, y compris celles de la société civile, pour enclencher cette reconstruction.

Si nous ne voulons pas condamner les générations futures à payer cette crise et sa gestion, nous devons inventer de nouveaux moyens de financer la relance en privilégiant les investissements dans les territoires. J’ai déposé une proposition de loi en ce sens. J’espère que nous aurons l’occasion d’en débattre prochainement.

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