Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, le fait est trop rare pour ne pas être souligné : cette année, le rapport de la Cour des comptes fait l’éloge du service public et de ses agents.
S’il est vrai que c’est dans l’adversité que se révèlent les valeureux, notre service public est un joyau. Dans les administrations centrales, dans les collectivités territoriales, ce sont les fonctionnaires, les agents du service public, qui ont permis au pays de tenir debout. Leur boussole, c’est l’intérêt général, pas les profits à courte vue et encore moins les bénéfices de quelques actionnaires rentiers.
Toutefois, les baisses de postes et de moyens, opérées à marche forcée depuis tant d’années, ont désarmé l’État et les services publics face à la crise. C’est principalement ce que je retiens de ce rapport massif, dont je n’ai que quelques minutes pour parler.
À l’hôpital, la gestion a consisté à faire ce que l’on a pu, et l’on a fait extrêmement bien. L’hôpital public a pourtant été fragilisé et abîmé ces dernières années. Aujourd’hui, nous devons mette fin à cette logique infernale, car qui sait si d’autres crises ne surviendront pas après celle-là ?
La situation est la même en ce qui concerne le logement : les partenaires de l’État dans le logement social ont été si fragilisés qu’il a fallu, après plusieurs semaines de difficultés, payer davantage de nuits d’hôtel. Et leurs moyens continuent de baisser. Le mal-logement constitue pourtant une véritable bombe à retardement, prête à exploser si le volet social de la crise devait se poursuivre encore plusieurs années.
On n’a pas lésiné sur les moyens alloués aux entreprises, et c’était nécessaire. Toutefois, comme le souligne la Cour, on n’a pas été très regardant.
Il faut maintenant être extrêmement attentif : les agents de la direction générale des finances publiques, la DGFiP, sont aujourd’hui renforcés par des vacataires, mais de nouvelles suppressions de postes sont prévues. Si l’on veut mettre en place un contrôle effectif, plus important, plus précis et plus efficace de l’utilisation du fonds de solidarité par les entreprises, il faut arrêter ces réductions de postes et mettre en pause les réformes qui désorganisent les services.
Faut-il continuer de désarmer l’État et l’administration au travers des politiques de baisse des dépenses publiques que nous constatons depuis tant d’années ? C’est peut-être la leçon à retenir : nos services publics ont atteint un tel niveau de fragilité qu’ils ont du mal à résister à la crise que nous traversons et à répondre aux attentes et aux besoins de la population.
À la question de savoir qui doit payer, j’ai été choquée d’entendre le ministre Bruno Le Maire affirmer que la réforme de l’assurance chômage, qui permettra 1 milliard d’euros d’économies, quitte à mettre en difficulté des dizaines de milliers de personnes, servirait à rétablir les comptes de l’Unédic.
En effet, cela revient à demander aux plus précaires d’aider à résorber les déficits créés pour la protection des salariés dont la situation est meilleure. Cette mise en concurrence n’est pas viable moralement, démocratiquement, politiquement et financièrement. Nous ne pourrons jamais rétablir les déséquilibres financiers de l’Unédic. L’État devra prendre ses responsabilités.
Nous appelons pour notre part à une réforme fiscale permettant de rééquilibrer les outils dont l’État pourra se servir, notamment dans la sphère sociale et pour ce qui concerne les dettes de l’Unédic ou de la sécurité sociale. Nous serons amenés à discuter encore de ces questions et de ces enjeux. Je remercie la Cour des comptes de ce travail, qui nourrit utilement le débat.