Intervention de Didier Rambaud

Réunion du 24 mars 2021 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes suivi d'un débat

Photo de Didier RambaudDidier Rambaud :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, à l’image de l’année qui s’est écoulée, le rapport annuel 2021 de la Cour des comptes est singulier. Il se distingue des précédents rapports par la crise que nous traversons, par sa structure et, surtout, par son contenu.

Comme l’ensemble des juridictions, la Cour des comptes a été contrainte d’adapter ses travaux. La crise sanitaire s’éternise, et son lot de conséquences, en particulier sur l’état des finances publiques, continue de s’aggraver. Les conclusions de la Cour doivent donc nous interroger.

Tout d’abord, les enseignements de la crise nous incitent à l’humilité. Ils éclairent les dysfonctionnements qui existent depuis de nombreuses années et que nous devons corriger. Il nous faut prendre conscience qu’un certain nombre de dispositifs sont à revisiter. Le rapport de la Cour pointe en effet des situations financières qu’il nous faut transformer, à commencer par notre système de santé.

Pendant la première vague, et encore aujourd’hui – hélas ! –, les déprogrammations massives de soins ont été inévitables. Force est de constater que les services de réanimation étaient mal préparés pour affronter une telle crise. Si le nombre de lits de réanimation pour adultes a augmenté de 0, 17 % ces six dernières années, cette progression se révèle dix fois plus faible que celle des effectifs de personnes âgées.

De plus, le mode de financement des soins critiques a participé indirectement à leur recul progressif au regard des besoins. L’ouverture d’un lit en réanimation médicale suscite un déficit moyen de 115 000 euros par an. Nous devons donc réformer le modèle de financement et les capacités d’accueil, pour mieux armer les services de réanimation et de soins critiques.

La situation de la SNCF doit également nous interroger. Avec une perte nette de 3 milliards d’euros, la Cour ne voit pas « de perspectives financières favorables pour les deux années à venir ».

Comme dans d’autres secteurs, la crise a révélé les fragilités structurelles du transport ferroviaire : mauvais état du réseau, fret peu compétitif, endettement chronique… Le pacte ferroviaire, voté en 2018, a sans doute pallié certaines de ces insuffisances, qu’il était grand temps de corriger. Toutefois, après tant d’années de négligence et d’abandon, tout ne se résout pas d’un seul coup.

De la même manière, la crise nous enseigne que nous devons poursuivre nos efforts pour l’accès au numérique dans le milieu scolaire.

La lecture du rapport montre aussi que certains choix ont été bénéfiques pour les finances publiques de notre pays. Affirmer sans nuance que rien n’a fonctionné serait totalement faux. Le fonds de solidarité est un succès dont nous pouvons être fiers. Avec l’indemnisation de l’activité partielle et les prêts garantis par l’État, ce fonds de soutien massif et inédit a limité les conséquences économiques de la crise.

Le constat de la Cour des comptes à ce sujet est sans appel : « Créé en deux semaines, grâce à la très forte mobilisation de toutes les parties prenantes et au recours le plus large possible à des outils déjà existants, simples et efficaces, il a permis de limiter les effets de la crise par la distribution rapide, au 31 décembre 2020, de 11, 8 milliards d’euros d’aides à 1, 8 million d’entreprises et d’entrepreneurs individuels et indépendants. »

De façon progressive, le Gouvernement a su transformer et élargir le fonds de solidarité pour éviter la faillite d’entreprises de plus grande taille, en particulier dans les secteurs de la restauration, de l’hôtellerie, du sport, du tourisme, de la culture et de l’événementiel.

Nous devrons, demain, faire preuve de prudence pour ce qui concerne l’extinction du dispositif. Mais, à ce jour, le fonds de solidarité a montré son efficacité et continue de le faire.

Le coût de certaines mesures a été maîtrisé. C’est le cas de l’aide au retour des Français retenus à l’étranger. Au total, le montant des opérations d’aide au retour a été de 8, 5 millions d’euros, soit trente-cinq euros par personne aidée.

Les 2 635 ressortissants d’autres pays membres de l’Union européenne pris en charge par des avions affrétés par la France ont permis d’obtenir de la Commission européenne une couverture de 75 % du coût net de ces vols. La solidarité européenne montre ici encore ses bienfaits.

Mes chers collègues, oui, la situation est grave. Il serait insensé de le nier. Mais ce bilan est à nuancer : si l’on devait ne retenir qu’une chose de ce rapport, ce serait la réactivité inédite de nombreux organismes publics, qui ont su s’adapter avec une remarquable efficacité.

La crise économique des prochaines années appelle à considérer avec beaucoup d’attention les recommandations de la Cour des comptes. Que ce soit en matière d’éclairage public ou de fusion des chambres d’agriculture ou de santé, la gestion des finances publiques doit désormais se heurter au choc économique sans précédent de la crise et à la hausse de l’endettement public.

Avec une chute d’activité de plus de 30 % en avril 2020, le PIB français s’est effondré de 8, 3 % l’année dernière. C’est un repli inédit depuis 1945. Le déficit de l’assurance chômage est supérieur à 17 milliards d’euros, et le niveau de la dette est estimé, à ce stade, à 120 % du PIB.

Pour ces raisons, le Premier ministre a confié à la Cour des comptes une mission relative à la situation des finances publiques. Il a également mis en place une commission sur l’avenir des finances publiques. L’audition de Jean Arthuis, ce matin, par la commission des finances a d’ailleurs été très instructive. Le rapport annuel de la Cour des comptes l’est tout autant.

Plus que jamais, nous devons réajuster la gestion et l’évaluation de nos finances publiques. Lorsque la crise sanitaire sera derrière nous, reprendre la trajectoire des finances publiques engagée en 2017 et les réformes créatrices de croissance doit être une priorité pour notre pays.

Il est juste et légitime de s’endetter en temps de crise, mais il faut être capable de retrouver l’équilibre dans les périodes les plus favorables.

Tous les gouvernements, sans exception, depuis les années 1970, ont laissé notre solde public en déficit. Ce gouvernement a contribué à le résorber entre 2017 et 2020, avant que n’éclate la crise. C’est cette trajectoire qu’il nous faudra retrouver.

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